Aujourd’hui l’invitée est l’éditrice d’une des maisons d’édition fétiches de La mare aux mots (Marianne vous en parlait encore lundi) : Philomèle. Elle est aussi auteure : Isabelle Bauer. Nous avons déjà parlé de deux de ses livres (La machine à bonbons et Un (grand) cri de souris). Merci à elle d’avoir accepté d’être notre invitée du mercredi et d’avoir gentillement répondu à nos questions.
La mare aux mots : Parlez nous des éditions Philomèle ? Comment sont-elles nées ? D’où vient ce nom ? Quelle est votre ligne éditoriale ? Comment choisissez vous les livres que vous éditez ?
Isabelle Bauer : Il était une fois un rêve de gamine et une passion pour le langage. Ils se marièrent et eurent leurs premiers albums… C’est également l’histoire d’une amitié avec Laura Nillni, première lectrice des petites histoires que j’écrivais pour m’évader du stress de la pige pour plusieurs rédactions de presse. La ligne éditoriale de Philomèle s’est imposée d’elle-même, y compris en ce qui concerne l’esthétique des illustrations (merci à une maman qui n’a jamais lâché pinceaux et pastels). Quant au nom, il a un pied dans la mythologie grecque, et une patte chez les oiseaux.
Un jour, j’ai rencontré un professionnel de l’édition qui m’a posé cette question: “Philomèle, c’est quoi ?”. Je me suis entendue lui répondre spontanément (plagiant Flaubert au passage, comme quoi je ne doute de rien…): “Philomèle, c’est moi !”. Parce que j’ai tout mis dedans: expériences professionnelles, passions, convictions en ce qui concerne l’exigence qu’ont les enfants sur ce qu’on leur propose à lire. Conviction également que, sans une bonne maîtrise du langage, il est difficile de grandir, de s’affirmer, de développer pensée et intelligence.
J’ai démarré avec mes propres textes, illustrés par Laura Nillni. Assez rapidement, auteurs et illustrateurs ont commencé à m’adresser leurs projets. Mes choix se font “à l’émotion”, avec simultanément un regard d’adulte et d’enfant.
LMAM : Vous avez édité Alice au pays des merveilles… avez-vous l’intention de sortir d’autres classiques ? Quels sont les albums que vous auriez aimé éditer ?
I.B. : Il y aura la suite d’Alice, “De l’autre côté du miroir“, à la rentrée 2012. Et il y a eu “Les habits neufs de l’empereur” d’Andersen, illustré par Parastou Haghi. Il était intéressant de faire “se rencontrer” un grand conteur classique d’Europe du Nord, que je trouve assez sombre et grinçant, avec une artiste iranienne au style lumineux, chatoyant et plein d’humour. Regarder les classiques autrement, ou les aborder par un angle, c’est ce qui m’intéresse. Pour “Alice“, je trouvais que l’aspect surréaliste des aventures de cette gamine de l’époque victorienne (superbement rendu par Laura Nillni), tout comme la fascination de Lewis Carroll pour les différents aspects de la langue, n’étaient jamais véritablement mis en valeur. De nombreux traducteurs ont, par exemple, francisés les noms, sacrifiant au passage quelques jeux de langage…
Quant aux albums que j’aurais aimé éditer, sans hésitation, les contes de Nasreddine, “le fou qui était sage” !
LMAM : Hormis ceux que vous éditez, avez vous des auteurs, des illustrateurs avec qui vous aimeriez travailler ?
I.B. : Je vais avoir l’air de botter en touche, mais c’est sincère: tous ceux dont les albums verront le jour en 2012 et 2013. Il m’est difficile de répondre autrement parce que, à chaque fois, c’est une histoire de rencontre: rencontre avec un projet, un style, mais surtout rencontre avec des personnes. Une alchimie imprévisible !
LMAM : Votre “équipe” est 100% féminine, est-ce un choix ? Il n’y a pas d’auteurs homme qui vous proposent des choses qui vous séduisent ?
I.B. : Non, ce n’est pas un choix. Il se trouve que je reçois essentiellement des projets féminins. La capacité à s’adresser aux enfants n’est bien évidemment pas une question de sexe. Alors, j’attends…
LMAM : Quels sont les livres qui ont marqué votre enfance, votre adolescence ?
I.B. : Ouch ! Beaucoup ! Disons que, de l’adolescence, j’ai gardé une tendresse particulière pour Montaigne, Mishima, Apollinaire et Queneau, co-fondateur de l’Oulipo.
LMAM : Quels sont les prochains livres à paraitre? vos projets personnels ?
I.B. : Il y aura, pour commencer 2012, une musicale et picturale “Symphonie des couleurs“, d’Agnès Domergue et Irene Valente; de “Drôles de familles” avec Catherine Leblanc à la plume; un mystérieux jardin dessiné par Estelle Billon sur un texte de Céline Lavignette-Ammoun… Quant au projet personnel, Laura Nillni en a commencé les illustrations. Et puis, j’espère avoir le plaisir de rencontrer bientôt La Mare aux Mots !
Isabelle Bauer sera au salon des éditeurs indépendants du 18 au 20 novembre à Paris en compagnie d’Estelle Billon-Spagnol et de Laura Nillni (deux artistes qu’on aime beaucoup ici, vous le savez !). Les éditions philomèle viennent de sortir un nouvel album fabuleux… dont je vous parle très prochainement !

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !