Aujourd’hui, on reçoit tout d’abord, pour l’interview, David Wautier, dont l’album La tempête vient de sortir aux éditions Le Diplodocus. Puis on continue avec l’autrice-illustratrice Marianne Dubuc, qui vient de sortir L’automne chez Casterman, pour le En vacances avec.
L’interview du mercredi : David Wautier
J’aimerais que vous nous parliez de La tempête. Pouvez-vous déjà nous dire de quoi ça parle ?
La tempête, c’est une bande dessinée muette où l’on suit une famille de pionniers du Far West, au 19e siècle aux prises avec une tempête. Il y a l’avant-tempête, puis le vent qui arrive et l’averse. La famille au grand complet est à l’abri (les parents, trois enfants et un chien), mais bientôt, le toit fuit… Lire La tempête, c’est vivre un gros orage avec les personnages.
Comment est né ce projet ? Est-ce que c’est le scénario ou les dessins qui sont arrivés en premier ?
Enfant, j’adorais les orages : regarder par la fenêtre, voir la rue devenir une rivière… C’est ce qui m’a donné l’envie d’en faire une histoire. Ce souvenir a ressurgi. Il y a quelque chose de passionnant pour les enfants. Miyazaki disait d’ailleurs qu’un récit de typhon était plus passionnant qu’un récit de gangsters. Le fait de placer l’histoire dans les grandes plaines du Far West vient de ma passion pour le western. Et puis cela renforçait le côté sauvage : une petite ferme isolée face à une tempête. L’idée est arrivée avant les dessins, mais l’envie de dessiner la pluie a toujours été présente (même si c’est difficile !).
Avez-vous fait des recherches pour ce livre ?
Énormément de recherches. Pour tout. J’ai regardé beaucoup de vidéos d’orages, de tempêtes, pour bien comprendre comment ça se forme, il fallait que tout soit crédible. J’ai étudié les différents nuages, j’ai dessiné les nuages dans mes carnets… Et puis il a fallu me documenter sur la vie de famille des pionniers au 19e siècle, ce qu’ils cuisinent, comment ils s’habillent, comment fonctionne une charrette… Le livre m’a demandé plus d’un an de travail sept jours sur sept pour arriver au bout.
C’est votre second livre chez Le Diplodocus, maison qu’on aime beaucoup. Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec cette maison d’édition ?
Montre-toi, montagne ! est le premier livre que j’ai réalisé chez eux. Je suis arrivé avec le récit quasi terminé. Mais ils ont eu quelques suggestions qui ont amélioré l’histoire. J’aime beaucoup travailler avec Floriane et Matthieu, car ils me laissent de la liberté tout en suggérant des belles idées. Pour La tempête, on a construit ça ensemble.
Comment naissent vos histoires ?
Mes histoires naissent d’envies, d’ambiances. L’envie de dessiner telle chose, tel endroit. Ou de souvenirs. Il y a souvent deux idées qui s’assemblent et c’est le début d’une aventure ! Pour Montre-toi, montagne !, l’idée m’est venue à Chamonix. Il y avait du brouillard et on ne voyait plus les montagnes. Je me suis demandé ce qu’il se passerait si un enfant arrivait à ce moment-là.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je dessine d’abord le trait noir, avec des feutres ou une plume, puis je place l’aquarelle par-dessus. Cette technique vient de mes carnets de voyage. Les carnets sont importants pour moi, ils sont d’ailleurs également une source d’inspiration.
Y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
Il y en a tellement que ce n’est pas une question facile ! Il y a aussi différentes manières d’être inspiré : le dessin, la technique, l’esprit, les histoires… Pour La tempête, j’ai beaucoup pensé aux films d’animation : Miyazaki, bien sûr, mais aussi le court métrage Le vieux moulin de Walt Disney. Et puis les films de John Ford pour le côté western. Pour le dessin, j’aime beaucoup Kazuo Iwamura, Peter Spier, Aude Picault, mais aussi les estampes japonaises de Hasui Kawase.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Tout mon parcours, c’est très long, je vais essayer de résumer. Après des études à St-Luc Bruxelles en illustration, j’ai sorti deux albums chez Alice jeunesse. Puis j’ai réalisé des petites bandes dessinées dans le magazine Capsule Cosmique. Dessinant de plus en plus dans mes carnets lors de mes voyages, j’ai découvert la montagne en 2012. Cela m’a énormément inspiré. Pour Montre-toi, montagne !, bien sûr, mais aussi pour les bandes dessinées L’étape du Tour de France et La vengeance. Je collabore également à des magazines comme Carnets d’ailleurs ou Reliefs.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
L’arche de Noé de Peter Spier, j’adorais enfant ! Mais il y avait aussi les bandes dessinées Spirou, Lucky Luke, Yakari. Et puis la découverte de Blueberry, des mangas et Taniguchi.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Pour le moment, il y a plusieurs idées, envies qui ne sont pas encore complètement définies. Un projet jeunesse, que je présenterai à Diplodocus, mais aussi un roman graphique adulte.
Bibliographie :
- La tempête, BD, scénario et dessins, Le Diplodocus (2024).
- La vengeance, BD, scénario et dessins, Anspach Éditions (2024).
- Montre-toi, montagne !, album, texte et illustrations, Le Diplodocus (2022).
- Herbert et la machine, album, texte et illustrations, Alice Jeunesse (2003).
- Paul chasseur d’ogres, album, texte et illustrations, Alice Jeunesse (2003).
Retrouvez David Wautier sur Instagram.
En vacances avec… Marianne Dubuc
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un·e, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… Cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte avec nous que ces choses-là, on ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… Sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’iel veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Marianne Dubuc que nous partons ! Allez, en route !
5 albums jeunesse
- Nous les enfants de l’archipel de Astrid Lindgren. Bon, c’est plutôt un roman, mais il est rempli des illustrations de Kitty Crowther (dont j’aime beaucoup le travail)
- Toto veut la pomme de Mathieu Lavoie parce que c’est l’histoire de Toto le ver de terre. Tout est dit.
- La famille Foulque de Anne Brouillard. Un de mes plus grands coups de cœur.
- Nos petits enterrements de Ulf Nilsson et Eva Eriksson. Pour ces petits êtres qui nous côtoient et dont l’existence mérite d’être célébrée.
- Tu étais où, avant ? de Yvan Pommaux parce que ma mamie collectionnait les cailloux.
5 romans
- La péninsule aux 24 saisons, de Mayumi Inaba pour ce concept d’une multitude de saisons dans la culture japonaise.
- Rosa Candida de Audur Ava Olafsdottir
- L’homme qui savait la langue des serpents de Andrus Kivirähk
- Là où je me terre de Caroline Dawson. L’autrice de ce livre a un an de plus que moi, et raconte son arrivée au Canada, après avoir quitté le Chili dans les années 1980 avec sa famille. En lisant ce livre, j’ai pu réaliser que moi, petite Québécoise au Québec depuis 9 générations, j’ai dû côtoyer des enfants qui avaient vécu un tel déracinement et vivaient l’immigration à mes côtés sur les bancs d’école. Je me suis reconnue dans « les petites filles blondes québécoises » qu’elle décrivait. Et je trouve que tous les enfants devraient lire ce livre afin de prendre conscience de la réalité de certains de leurs copains de classe.
- Le livre de la jungle de Rudyard Kipling. J’ai adoré découvrir la version originale de cette histoire parue en 1894, dont on connaît principalement la version de Disney. C’est tellement plus !
5 BD je suis celle qui lit le moins de bd de la famille, alors j’ai décidé de parler plutôt d’essais ou de documentaires qui m’ont marquée
- Quand les montagnes dansent, Récits de la terre intime de Olivier Remaud parce que j’aime la montagne, et que ce livre m’a éveillée à ses subtilités.
- La langue affranchie de Anne-Marie Beaudoin-Bégin, l’insolente linguiste. Un essai qui permet de voir les langues comme des choses vivantes, qui évoluent et se transforment, sans pour autant perdre leur identité. En tant que francophone en Amérique du Nord, cernée par l’anglais, j’ai beaucoup aimé cette lecture qui remet les choses en perspective.
- L’entreprise des Indes de Erik Orsenna, qui nous plonge dans le monde des cartographes de l’époque des Grandes Explorations, alors que le frère de Christophe-Colomb raconte les voyages de ce dernier vers l’Amérique.
- Elles ont fait l’Amérique de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, qui nous fait découvrir la vie de femmes oubliées de l’Histoire, qui ont pourtant contribué à ce qu’est l’Amérique d’aujourd’hui.
- Naturally Curious: A Photographic Field Guide and Month-By-Month Journey Through the Fields, Woods, and Marshes of New England de Mary Holland. Un livre qui me permet d’observer la nature et ses petits secrets un mois à la fois.
5 DVD Films (parce que ça fait des lustres que je n’ai pas utilisé de DVD… même si j’en ai plusieurs en fait.)
- When Harry Met Sally, que je regarde chaque année à Noël depuis maintenant 25 ans avec mon amoureux.
- Another Year de Mike Leigh, un coup de cœur doux et sensible, et en toute simplicité. Un film qui me fait sourire juste en regardant la bande-annonce.
- La grenouille et la baleine, mon film préféré parmi ces fameux « Contes pour tous » de Rock Demers qui ont diverti les enfants du Québec (et d’ailleurs) durant les années 1980-1990.
- Little Women, la version de 1949 (c’est important !) diffusée à la télévision dans le temps des fêtes et que j’écoutais religieusement, adorant Jo et pleurant pour Beth.
- La la land, un film que j’ai vu trop de fois, dont je connais toutes les chansons que je chante à tue-tête dans la voiture avec Mathieu et notre fille (son frère trouve qu’on exagère).
5 CD
- Tu m’aimes, tu ? de Richard Desjardins
- John Prine, je ne donne pas d’album en particulier
- Alina de Arvo Part, que nos enfants ont écouté tous les soirs pendant 13 ans (vraiment !) pour s’endormir.
- Pet Sounds des Beach Boys que j’ai découvert à 11 ans et que j’écoutais sur mon walkman Sony jaune.
- Not So Deep As A Well, de Myriam Gendron, qui met en musique l’œuvre de la poétesse américaine Dorothy Parker avec une sensibilité incroyable.
5 artistes :
- Edward Gorey que j’adorais petite, fascinée par ses illustrations, mais aussi par son univers un peu glauque (je rêvais d’être une sorcière)
- Gustave Doré pour ses gravures des Fables de Lafontaine
- Paul Cox
- Jason Logan, auteur de Make Ink: A Forager’s Guide to Natural Inkmaking
- Shoko Teruyama
5 lieux à me faire découvrir :
- Le jardin alpin du Jardin botanique de Montréal
- Le Hadlock Field à Portland, Maine, USA où les Sea Dogs, le club-école de l’équipe de baseball des Red Sox de Boston, joue durant l’été.
- La Papeterie Nota bene à Montréal
- Le Pain de sucre du Mont Saint-Hilaire, en Montérégie au Québec, où j’ai passé plusieurs moments avec ma grand-mère Pierrette pour qui j’ai écrit Le chemin de la montagne.
- Le Musée Redpath, Université McGill à Montréal Un petit musée de Curiosités où on peut découvrir beaucoup trop de choses : une immense collection de coquillages, un ours polaire empaillé, des minéraux rares et une momie de chat… entre autres. J’adore y passer l’après-midi à dessiner.
Marianne Dubuc est autrice et illustratrice. Dans sa dernière parution, L’automne, on retrouve ses personnages Lucie, Adrien, Marcel, Léon et Doris dans trois nouvelles aventures. Cet album qui vient tout juste de paraître, comme les précédents de la même série, est sorti chez Casterman.
Bibliographie sélective :
- Automne, album, texte et illustrations, Casterman (2024).
- Été, album, texte et illustrations, Casterman (2023), que nous avons chroniqué ici.
- 1, 2, 3… à l’école !, album, texte et illustrations, Casterman (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Le chemin de la montagne, album, texte et illustrations, Saltimbanque (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Chez toi, chez moi, album, texte et illustrations, Casterman (2019), que nous avons chroniqué ici.
- L’Autobus, album, texte et illustrations, De la Martinière Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Les voyages extraordinaires de Facteur Souris, album, texte et illustrations, Casterman (2017).
- Je ne suis pas ta maman, album, De La Martinière Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Lucie et ses amis, album, texte et illustrations, Casterman (2017).
- L’arche des animaux, album, texte et illustrations, Casterman (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les vacances de Facteur Souris, album, texte et illustrations, Casterman (2016).
- Mais papa…, album, illustration d’un texte de Mathieu Lavoie, De la Martinière Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le lion et l’oiseau, album, texte et illustrations, La Pastèque (2014), puis Éditions Saltimbanque (2020), que nous avons chroniqué ici et là.
Retrouvez Marianne Dubuc sur son site et sur Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !