Une fois par mois, avec Véronique Soulé, nous mettons en avant deux invité·es lié·es par un livre. Cette fois-ci, elles sont un peu plus de deux ! C’est L’imagier des sens, sorti chez Askip Jeunesse qui nous a fait réunir les éditrices, Hélène Montero, Stéphanie Tschopp et Julia Jobin, et l’autrice-illustratrice Anne Crausaz. Les premières sont mes invitées pour l’interview, la seconde répond à la rubrique (sonore !) Du tac au tac de Véronique Soulé.
L’interview du mercredi : Hélène Montero, Stéphanie Tschopp et Julia Jobin
Parlez-nous de votre parcours.
Julia : Je navigue entre texte et dessin. J’ai fait une maturité en lettres, puis des études d’arts visuels à Genève où j’ai suivi un atelier d’écriture qui a beaucoup compté dans mon travail. Depuis, j’œuvre de près ou de loin dans les domaines du livre et de l’art, j’ai été membre du comité des éditions art&fiction à Lausanne pendant dix ans, elles nous ont beaucoup aidé au démarrage du projet askip.
Stéphanie : J’ai fait des études dans la même école que Julia, mais quelques années plus tard, en section communication visuelle. Aujourd’hui, je suis graphiste indépendante au sein d’un atelier associatif à Lausanne.
Hélène : J’ai fait des études en arts à l’université et aux beaux-arts, où j’ai commencé à m’intéresser au livre. J’ai fait des stages dans des maisons d’édition de BD indépendantes et je suis entrée à La Cambre à Bruxelles où je me suis spécialisée dans la reliure et le design du papier. Je travaille dans mon atelier près de Lausanne comme relieuse indépendante.
L’année dernière, vous avez créé askip : parlez-nous de la naissance de cette maison d’édition.
Hélène était voisine d’atelier des éditions art&fiction qui publient des écrits et des livres d’artistes. Avec Stéphanie elles animaient des ateliers autour de la fabrication de livres dans les classes, ce qui leur a donné l’envie de faire des livres pour enfants. Elles ont rencontré Julia autour de son projet Comme un poisson-fleur, qui a été le démarrage de l’aventure askip. Au début, il a été question de créer une collection chez art&fiction, mais nous voulions quelque chose de plus petit, de plus mobile. Nous avons donc fondé nos éditions sous forme associative, dans l’idée de publier un livre par année et de proposer des ateliers, des animations, des collaborations, de la micro-édition.
D’où vient le nom ?
C’est une expression que nous avons souvent entendue chez les enfants lors des devoirs surveillés ou dans la cour de récréation, qui figure d’ailleurs dans le Dictionnaire des mots du bitume. Askip’, à ce qu’il paraît, nous a semblé parfait pour dire que nous faisons des livres, mais aussi pour évoquer une ouverture sur des mondes possibles. Il laisse entendre une perméabilité entre le réel et l’imaginaire, une zone un peu floue, qui nous donne le choix face à ce qui est raconté d’y croire ou non, et peut-être l’envie de creuser, de vérifier par nous-mêmes.
Qui compose l’équipe ?
Hélène Montero, relieuse, présidente de l’association, Stéphanie Tschopp, graphiste (mme pastèque), et Julia Sørensen, auteure et plasticienne. Au démarrage, nous avons eu un renfort d’Yves Jobin pour fonder l’association.
Comment choisissez-vous les projets que vous éditez ?
Vu notre rythme de parutions, la question que nous nous posons avant tout est si nous nous imaginons « vivre » pendant une année avec ce projet. Ce qui veut dire que nous ne choisirons pas un livre déjà tout prêt, probablement. askip s’est construit de manière un peu organique, mais ce qui devient clair est que nous voulons publier des livres-expériences : des premiers livres, ou des livres qui remettent en jeu une pratique déjà installée. Notre mode de fonctionnement nous permet de prendre des risques, de ne pas nous soucier de tendances ou de prévisions.
Et nous accordons une grande importance au dessin, puisque l’objet-livre est ce qui nous réunit et que nous sommes aussi influencées par le livre d’artiste. Nous avons d’ailleurs la chance de travailler avec un photolithographe incroyable.
D’après vous, qu’est-ce qu’un bon livre jeunesse ?
Julia : J’aime les livres dans lesquels chacun trouve ou voit autre chose. Les livres qui ouvrent, qui démarrent ou déclenchent, qui se jouent autant dans les pages qu’en dehors. Et aussi les livres qui font rire. Et, plus que tout, les livres où il se passe tout ça à la fois.
Hélène : En tant qu’adulte, les livres qui me donnent envie d’en faire, qui me donnent des envies d’images, de textes ou de nouvelles réflexions, qui suggèrent de nouvelles pensées créatrices. Pour les enfants, des livres qui peuvent se lire longtemps, se répéter, se garder précieusement dans un coin de la tête. Je pense qu’on peut aussi suggérer de nouvelles pistes d’imagination aux enfants, une idée, une nouvelle pensée, une petite révélation qui fera son chemin.
Le dernier ouvrage que vous avez publié, L’imagier des sens, est une merveille. Comment est né ce projet et comment s’est passée la collaboration avec Anne Crausaz ?
Nous avons rencontré Anne Crausaz par différents chemins, et nous avons parfois dessiné ensemble. Dans les conversations revenait souvent le rapport au dessin à la main, à l’expérimentation. En construisant askip, nous lui avons proposé très spontanément l’« espace » d’un livre pour le faire, elle a accepté. Elle a alors imaginé un projet sur mesure où la gouache, l’eau, le papier participent pleinement à la narration. Nous avons échangé tout au long du travail, et nous sommes réunies quand se posaient des questions importantes. Ça a été une très belle aventure, qui nous a énormément appris.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Julia : Les lectures dont je me souviens le mieux sont Astrid Lindgren, Fifi Brindacier et Zozo la tornade, puis Les Moomins, de Tove Jansson, et beaucoup Michael Ende mais surtout Momo et les deux volumes de Jim Bouton. Et aussi Paul Maar, Eine Woche voller Samstage (je crois qu’il n’a pas été traduit). Pour l’adolescence c’est plus flou, sauf peut-être Romain Gary et Albert Cohen, qui m’ont sortie d’une période où je lisais compulsivement Agatha Christie.
Stéphanie : Enfant, je me souviens de Max et les maximonstres, les livres de Leo Lionni, ceux de Pef, et le petit journal Yakari auquel j’étais abonnée. Dès que j’ai su lire, je dévorais tout ce qui me tombait sous la main, beaucoup de BD tirées de la bibliothèque familiale (Tintin, Astérix, Lucky Luke, mais aussi Gotlib et Wolinski), les livres de Roald Dahl aussi. Adolescente, je me souviens des livres de Judy Blume, Daniel Pennac, puis Toni Morrison et Paul Auster.
Hélène : Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de lectures d’enfance. Quelques cassettes audio écoutées sur le canapé du salon… Matilda vers 10 ans. Je n’ai pas beaucoup aimé lire avant Nadja d’André Breton vers 16 ans. J’ai découvert beaucoup de livres plus tard. J’ai une liste infinie dans ma tête depuis mon adolescence que je m’efforce de remonter au fur et à mesure.
Comme vous ne publiez qu’un livre par an le prochain ne sera pas pour tout de suite… mais savez-vous déjà lequel est-ce ?
Il est en route, il s’agit du premier livre pour enfants d’un auteur-illustrateur issu du Boloklub (boloklub.ch), Thomas Grand, que nous avons découvert lors d’une exposition collective à Genève. Un nouveau défi puisque ce projet est une histoire inventée, et qu’il faut composer avec des problématiques que nous n’avons jusqu’ici pas encore rencontrées. Nous nous réjouissons !
Bibliographie :
- L’imagier des sens, d’Anne Crausaz (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Comme un poisson-fleur, de Julia Sørensen (2021), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez les éditions askip sur leur site et sur Instagram.
Du tac au tac… Anne Crausaz
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Anne Crausaz qui répond à ses questions à l’occasion de la sortie de L’imagier des sens.
Anne Crausaz est autrice et illustratrice. Elle a publié, en fin d’année dernière, L’imagier des sens aux éditions askip (voir ci-dessus) et Quand il fait mauvais temps aux éditions MeMo.
Bibliographie sélective :
- L’imagier des sens, texte et illustrations, askip (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Quand il fait mauvais temps, texte et illustrations, MeMo (2022).
- Une nuit au jardin, texte et illustrations, MeMo (2021),
- Rouge-queue. Quatre histoires d’oiseaux, texte et illustrations, MeMo (2020).
- Quel est ce fruit ?, texte et illustrations, MeMo (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Quel est ce légume ?, texte et illustrations, MeMo (2019), que nous avons chroniqué ici.
- C’est l’histoire, texte et illustrations, MeMo (2017).
- Réveille-toi Raymond !, texte et illustrations, MeMo (2015).
- L’oiseau sur la branche, texte et illustrations, MeMo (2014).
- L’une et l’autre, texte et illustrations, MeMo (2013).
- Raymond s’habille, texte et illustrations, MeMo (2013).
- Jouets des champs, texte et illustrations, MeMo (2012).
- Pas le temps, texte et illustrations, MeMo (2011).
- Qui a mangé ?, texte et illustrations, MeMo (2011).
- Où es-tu ?, texte et illustrations, MeMo (2010).
- Premiers printemps, texte et illustrations, MeMo (2010).
- J’ai grandi ici, texte et illustrations, MeMo (2008).
- Raymond rêve, texte et illustrations, MeMo (2007).
Retrouvez Anne Crausaz sur Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !