C’est tout d’abord avec Lucile Birba, qui vient de sortir un très bel ouvrage sur des aventurières, que l’on a rendez-vous, puis on va se glisser dans l’atelier de Delphine Renon, histoire de voir comment elle crée ! Bon mercredi.
L’interview du mercredi : Lucile Birba
Parlez-nous de votre parcours
Après mon bac L et une MANAA, j’ai intégré la section Illustration de l’école de Condé à Paris. Après mon diplôme j’ai fait un passage éclair en agence de graphisme, mais je travaille surtout en tant que graphiste et illustratrice freelance. Depuis bientôt 2 ans j’ai aussi la chance d’enseigner le design graphique à l’école LISAA.
Vous venez de sortir votre tout premier album, Destins d’aventurières, j’aimerais que vous nous présentiez cet ouvrage
Destins d’aventurières présente 16 aventurières géniales, plus ou moins connues du grand public, venant de différentes époques et des quatre coins du monde. C’est un album qui permet de mettre en lumière ces femmes aux destins incroyables avec de courtes biographies et une double page illustrée. L’idée n’était pas forcément d’être exhaustive sur ces portraits mais plutôt de donner envie aux gens d’en savoir plus sur ces héroïnes.
Comment avez-vous travaillé sur ce projet (choix des femmes présentées, recherches sur ces femmes…)
L’idée d’un livre sur des femmes aventurières est d’abord partie du constat simple qu’il existait des tonnes de livres sur les grands explorateurs mais presque aucun sur les grandes exploratrices. C’est là que j’ai commencé mes recherches : films, livres, internet, etc. plus j’en parlais autour de moi, plus on m’envoyait des noms de femmes ayant accompli des exploits partout dans le monde. C’était fou, elles étaient toutes plus fascinantes les unes que les autres. Je répertoriais tout dans un tableau Excel avec à chaque fois l’époque, le continent et une courte biographie. Quand j’ai rencontré les Éditions du Trésor, j’avais réduit ma liste à une quarantaine de femmes qui couvraient plus de 2 siècles d’histoires à travers les 5 continents. Bien sûr, pour les besoins de l’album il a fallu encore réduire cette liste à 16 aventurières, mon éditrice m’a laissé le champ libre pour choisir « mes préférées », celles que j’avais le plus envie d’illustrer.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ?
Je réalise tous mes croquis à la main puis je fais la couleur de façon numérique en utilisant des brushs recréant la texture des crayons de couleur. J’aime aussi beaucoup travailler aux crayons mais le numérique offre une plus grande flexibilité, pour modifier un dessin, changer une couleur, etc.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai toujours lu tout ce qui me passait sous la main, qu’il s’agisse de romans ou de bande dessinée. Je viens d’une famille de lecteurs, à la maison il y a toujours eu des livres partout. Enfant, mes histoires préférées étaient les histoires dramatiques ! Les malheurs de Sophie, Oliver Twist… j’avais aussi un livre de contes russes dont j’adorais le côté très sombre !
Actuellement, y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche particulièrement ?
Depuis que je suis à l’école j’aime beaucoup l’univers d’Anne Laval, et le travail de Laura Carlin. J’aime bien l’idée de mélanger les techniques comme elles le font, je faisais beaucoup de collages pendant mes études et j’ai complètement arrêté depuis. Parfois je me dis que je devrais essayer d’en réintégrer dans mes illustrations.
Sur cet album, vous avez signé texte et illustrations, est-ce que vous aimeriez aussi illustrer les mots d’autres ?
Oui bien sûr ! Même si j’aime écrire j’ai très envie de collaborer avec des auteurs ou des autrices.
Qu’est-ce que le collectif Jaune Cochon dont vous faites partie ?
Jaune Cochon est un collectif que nous avons formé avec des amis, à l’époque où nous étions encore à l’école. Nous avons un atelier dans le 13ème arrondissement ou l’on travaille tous ensemble sur nos projets personnels. C’est très enrichissant d’avoir les avis des uns et des autres sur notre travail, on retrouve un peu la même ambiance qu’à l’école finalement ! Une à deux fois par an, on essaie aussi de monter un projet tous ensemble : une expo, un fanzine, etc. C’est l’occasion de faire un vernissage et d’inviter du monde à l’atelier !
Des projets en cours ?
Je travaille en collaboration avec une autrice sur un projet d’album depuis quelques temps mais je ne sais pas si je peux en parler. J’ai aussi un projet d’album jeunesse, encore au stade de recherche, autour des mythes et légendes des civilisations pré-colombiennes. C’était le thème de mon projet de diplôme, je l’avais mis de côté depuis mais j’ai très envie de le retravailler.
Destins d’aventurières est sorti aux Éditions du Trésor en 2020. Retrouvez Lucile Birba sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/lucilebirba.
Quand je crée… Delphine Renon
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Delphine Renon qui nous parle de quand elle crée.
Lorsque je reçois un texte j’aime avoir, quand c’est possible en terme de délai, un moment de flanerie studieuse et de prises de notes avant de commencer à travailler à mon bureau. C’est un moment qui peut durer plusieurs jours, et que j’appelle « infusion ». En effet pendant ce temps, le texte infuse dans mon esprit, qui se met dans une veille plus ou moins consciente et guette toute sortes d’images et d’idées, couleurs, ambiances, détails, qui pourraient servir le texte…
Ce moment de travail se fait un peu partout et tout le temps, un carnet en poche. Cela peut être le jour ou la nuit, en balade ou chez moi, dans un café, une soirée, un musée, dans la campagne ou dans la rue, devant un film, un livre, avec ou sans musique, au calme ou pas…
Après cette étape, lorsque je rentre vraiment dans l’histoire, j’ai besoin d’être seule pour travailler, au calme dans mon appartement où j’ai un espace dédié, avec tout mon matériel, ma documentation et mes notes à portée de main. Je me mets dans une bulle car ailleurs, la tentation de regarder et d’écouter ce qu’il se passe autour est trop grande.
Je peux travailler un peu à tout moment si besoin, mais en général mes journées sont assez structurées, avec une prédilection pour un démarrage assez tôt le matin. Je commence toujours par un tour dehors, une petite marche et un café rapide au bistrot voisin, avec des amis. C’est un sas nécessaire, une façon de « partir au bureau ». Puis je m’installe à ma table de travail et allume la radio, un geste reflex. J’écoute des stations musicales et/ou culturelles, sans publicités ; parfois aussi, des textes lus que j’emprunte à la médiathèque, cela me permet de « lire » un peu en dessinant…
Je fait des pauses régulièrement pour m’étirer et prendre un peu de recul sur mes images.
Différentes étapes se succèdent, le travail des crayonnés, la recherche des personnages, du rythme visuel, des ambiances colorées, la pose des décors, le rapport texte/images… jusqu’à l’éxécution des illustrations.
Selon les étapes, mon attention est plus ou moins sollicitée. Il peut m’arriver pendant plusieurs heures d’être si concentrée que je n’entends rien de ce qu’il se passe à la radio et que j’oublie toute pause. Inversement lorsque mon esprit est moins focalisé, je peux écouter des émissions ou des textes, qui offrent une précieuse fenêtre sur le monde à un moment où j’en suis coupée.
Parfois je sens que ça n’avance pas dans le bon sens, c’est le moment d’aller faire un tour.
Pendant que je travaille sur les images définitives, je sors une grande quantité de matériel et livres divers, le bureau est envahit, et je remets tout en ordre une fois le livre terminé.
Delphine Renon est illustratrice.
Bibliographie sélective :
- Le cadeau, illustration d’un texte d’Alain-Serge Dzotap, Les Éditions des Éléphants (2020).
- Série Hermès détective, illustration de textes de Sophie Marvaud, Éditions Magellan (2019-2020).
- Arion, illustration d’un texte de Karen Hottois, Seuil jeunesse (2020).
- Le grand voyage, illustration d’un texte de Karen Hottois, Seuil Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Série Simone et ses bébêtes, illustrations de textes de Christine Naumann-Villemin, Rageot (2017) que nous avons chroniqué ici.
- Emmet et Cambouy, illustrations d’un texte de Karen Hottois, Didier Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Regarde, regarde !, illustrations d’un texte de Stéphanie Joire, Magnard (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Berty le plus cool des monstres, illustrations d’un texte de Didier Levy, Grasset Jeunesse (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Le festin de Citronette, illustrations d’un texte d’Angélique Villeneuve, Éditions Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Casse-tête au pays des pâquerettes, illustrations d’un texte de Didier Lévy, Éditions Sarbacane (2015).
- Tranquille comme fossile, illustrations d’un texte de Natacha Andriamirado, Hélium (2014).
Son site : http://delphinerenon.blogspot.fr/
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !