Aujourd’hui, on reçoit Mary Orchard, autrice et invitée de l’interview. Puis, c’est une libraire jeunesse, Lou, qui va nous parler d’une série de BD qui l’a marquée.
L’interview du mercredi : Mary Orchard
Pourriez-vous nous parler de Sous les étoiles de Bloomstone Manor, votre dernier roman ?
On y rencontre Agathe qui a 19 ans en 1898. Ses parents désespèrent de la marier et elle renvoie proprement tout prétendant qu’elle estime indigne d’elle, c’est-à-dire beaucoup. En cachette, elle étudie l’astrophysique depuis des années avec la complicité mesurée de sa gouvernante. Au début du roman, la famille s’installe dans la Suffolk, à la campagne, et se fait inviter pour un thé à Bloomstone Manor, le domaine voisin. Son propriétaire, Lord Stone, est un personnage très atypique, ancien professeur de physique qui s’est retiré de l’université depuis des années, qui vit avec son cousin Adrian, discret et plongé dans ses livres. Cette rencontre va bouleverser leur vie à tous.
C’est un roman qui parle de sciences, donc, mais aussi d’émancipation féminine, d’empouvoirement en général, et surtout de trouver sa place dans le monde. Il y a de l’amour, de la poésie, de la littérature, et beaucoup de thé.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un récit historique ?
J’ai fait des études de littérature et civilisation anglaises et je m’étais spécialisée dans l’époque victorienne. J’étais donc dans une zone de confort que je maîtrisais et surtout, c’est une période fascinante, pleine de bouleversements sur la perception du monde, pleine de progrès et de changements sociétaux… et donc pleine de contradictions. Pour écrire un roman, c’est du très bon terreau. En outre, le roman historique a cet effet incroyable que quand on parle de problématiques ou de considérations qui sont toujours d’actualité à notre époque, on se les prends en pleine face.
Dans ce roman, vous parlez beaucoup de sciences et plus particulièrement d’astrophysique. Est-ce un sujet qui vous est cher ?
Malgré ma formation universitaire très littéraire, j’ai fait un bac S. J’aimais bien l’astrophysique, mais l’anglophilie a pris le dessus pour mon choix d’études. Néanmoins, j’ai continué de m’intéresser au sujet. J’ai eu très vite l’idée d’un concours de sciences quand j’ai commencé à réfléchir au roman. Ça s’est dirigé naturellement vers ce sujet-là, d’autant qu’il a un potentiel poétique non négligeable.
Votre roman a dû demander beaucoup de recherches, tant pour le cadre historique que pour les thèmes abordés. Comment vous êtes-vous organisée ?
Pour le cadre historique, j’avais de très bons restes de mes études, il a seulement fallu que je complète avec des recherches sur des thèmes bien précis. Pour les sciences, ça a demandé évidemment plus de travail. Les connaissances n’étaient pas du tout les mêmes qu’aujourd’hui. Il a fallu faire le point sur ce qui était considéré comme vrai à l’époque d’Agathe et faire avec – donc raisonner en bonne partie avec des notions dont on sait aujourd’hui qu’elles sont fausses. J’ai aussi fait des recherches sur la mode, les danses de bal, les traditions de Noël, les floraisons par saison pour le domaine de Bloomstone… Ces petits détails ont fait l’objet de recherches au fil de la rédaction.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
C’est très varié ! Je la trouve beaucoup dans la musique. Certaines scènes ne sont apparues que lorsque j’ai écouté un morceau bien précis pour la première fois (comme la scène du chapitre « Et le miroir se brisa »). Je laisse beaucoup mon esprit divaguer, je me préserve des temps de rêverie, lors de promenade, par exemple, ou mes trajets pour aller au travail. Enfin, je discute beaucoup de mes écrits, de mes idées de scènes ou de personnages avec mon mari et des amis, qui me poussent toujours plus loin dans mes réflexions. C’est très stimulant.
Savez-vous à l’avance comment vont se terminer vos histoires ?
Pour moi, c’est indispensable, au moins pour les intrigues principales. J’en ai besoin pour équilibrer les intrigues et structurer le récit de façon à avoir toujours au moins un arc narratif qui avance. Qui plus est, je suis une grande amatrice de polars et j’aime beaucoup semer des indices ou des petites choses au fil du récit qui me resserviront bien plus tard, de façon à ce qu’on ne me voit pas venir avec mes gros sabots alors que je m’apprête à faire une révélation.
Depuis quand écrivez-vous ? Est-ce une passion qui vous anime depuis toute petite ou est-elle venue plus tardivement ?
Je pense que j’ai toujours écrit et voulu écrire, sans vraiment me l’avouer. Lire a toujours été aussi vital que de respirer, mais l’écriture a toujours été quelque part en arrière-plan : de grandes rédactions pendant les années de scolarité, des fanfictions sans se prendre au sérieux, des histoires que je me racontais dans ma tête… C’est en 2017 que j’ai commencé à activement prendre les choses en main, sur un texte qui n’est pas publié. En tant que libraire, j’avais l’impression de passer une barrière tacitement interdite, comme si j’étais là pour conseiller des histoires et non pour créer les miennes. C’est passé avec le temps et du travail sur moi et mon rapport à l’écriture.
Que lisiez-vous quand vous étiez enfant et adolescente ?
Je viens d’une famille de grands lecteurs, donc à peu près tout ce qui me tombait sous la main. La lecture a vraiment été compulsive dès que j’ai su lire. Tout y passait, romans ou BD. Je me souviens par exemple avoir passé toute mon année de CM2 sur les Jules Verne. Il y avait évidemment Harry Potter qui a bouleversé tout le paysage littéraire jeunesse et que j’ai dévoré comme tout le monde. Mon année de 4ème a été un véritable tournant avec Le Clan des Otori de Lian Hearn et Les Dames du Lac de Marion Zimmer Bradley. Je quittais progressivement la lecture dite jeunesse pour passer vers de l’ado/adulte (et le young adult n’existait pas encore). J’ai lu mes premiers polars adultes, jusqu’au Retour du professeur de danse d’Henning Mankell qui a vraiment été un choc littéraire, tout comme certains classiques comme Les liaisons dangereuses, L’appel de la forêt ou les textes d’Oscar Wilde. C’était très varié.
Avez-vous d’autres projets ? Si oui, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Plein ! J’ai d’abord mon tout premier texte qu’il faudrait reprendre d’un bout à l’autre pour en faire une version présentable. On est dans de l’historique aussi, mais d’un tout autre genre. Ensuite, il y a un petit polar aux personnages forts sympathiques que j’ai mis en longue pause pour le moment. J’ai aussi un projet fantastique, ce qui est clairement en dehors de ma zone de confort. Il tourne dans ma tête, mais il sera long et technique à mettre en place. Enfin, le projet sur lequel je travaille actuellement… est une surprise !
Bibliographie :
- Sous les étoiles de Bloomstone Manor, roman, Casterman (2023), que nous avons chroniqué ici.
Ce livre-là… Lou
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trices, éditeur·trices… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime, mais qui sont sans lien avec la littérature jeunesse. Cette fois, notre invitée est Lou, libraire passionnée.
Lou, de Julien Neel, Glénat (2004)
J’aime les livres jeunesse depuis que je suis toute petite. J’ai été bercée par Ponti, L’école des loisirs, puis par Tara Duncan et compagnie. Ce n’est donc pas étonnant si j’ai fini libraire jeunesse. Et il y a cette série qui m’a marquée, qui continue de le faire : la BD Lou de Julien Neel. Tout le monde la connaît, cette petite blonde avec deux mèches sur le front, qui vit avec sa mère et bave devant son voisin Tristan. On a tous suivi son parcours, son évolution, ses rencontres et ses déceptions.
Un jour d’été 2008, ma maman est rentrée avec un paquet dans les mains. Forme rectangulaire, fin, un livre à n’en point douter. Déjà dévoreuse de pages, j’ai crié de joie et me suis empressée de l’ouvrir. Lou. Alors, qu’on se le dise : ce n’était clairement pas de mon âge. Je n’ai pas compris la moitié des blagues. Mais voilà, cette petite fille avait le même prénom que moi et, surtout, la même tête. J’ai suivi Lou dans son évolution. D’abord plus jeune, je l’ai ensuite dépassée. Fait amusant, on fait beaucoup de choses ensemble : son schéma familial a éclaté en même temps que le mien, nous avons porté des lunettes en même temps, commencé nos études… et abandonné aussi (la sortie de Lou ! Sonata coïncidait avec mon arrêt prématuré des études, c’était incroyable). Et encore aujourd’hui, après quinze ans, je relis chaque tome avec bonheur, sous mon plaid. Quand j’ai un coup de blues, je me réfugie dans le monde de cette autre Lou. Je me questionne avec elle. Je ris à ses côtés. Je pleure un peu, aussi. Et il est étonnant de voir qu’à 22 ans comme à 8, j’attends avec toujours autant d’impatience le tome suivant.
Lorsque Lou ne conseille pas avec passion ses coups de cœur en librairie, elle parle de ses lectures sur son compte Instagram @bouquins_de_petronille. Vous pouvez lire ses chroniques ici.
Passionnée de lecture depuis toujours, j’adore découvrir de nouvelles histoires et de nouveaux univers. J’aime échanger autour de ma passion, parler pendant des heures du dernier roman que j’ai lu, réarranger sans cesse ma bibliothèque et me balader en brocante à la recherche de petites pépites.