Aujourd’hui, je vous propose de rencontrer l’autrice d’un album extrêmement original, Roxane Brouillard, puis de lire les coups de cœur et coups de gueule de l’auteur Christophe Léon. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Roxane Brouillard
Vous avez sorti en début d’année Mon chien Banane, un livre totalement décalé, pouvez-vous nous parler de cette histoire et de comment elle est née ?
Je souhaitais envoyer trois textes pour les Grands Prix de la Montérégie dans la catégorie Tout-petits 0-6 ans. J’ai écrit plusieurs histoires et Mon chien Banane est une de celles que j’ai sélectionnées pour ma participation. L’idée d’un tel animal m’est venue lors d’une sieste. J’étais entre le sommeil et l’éveil ce qui laisse libre cours à l’imagination.
Comment s’est passée la collaboration avec Giulia Sagramola ?
En fait, je ne l’ai jamais rencontrée ! Puisqu’elle habite en Italie, je n’aurai probablement jamais cette chance. Quand j’ai pu voir les illustrations du livre, il s’agissait déjà de la version finale. Je savais que j’allais aimer car, j’avais vu son travail sur son blogue.
Je suppose que vous racontez parfois ce livre à des enfants lors de rencontres, comment réagissent-ils ?
Je n’ai malheureusement pas eu la chance de faire beaucoup de rencontres. La pandémie a fait que j’ai dû annuler mes engagements. À ma première lecture j’ai apporté avec moi le « vrai » chien banane. J’ai été étonné de voir que les enfants me disaient savoir qu’un chien banane est impossible mais, me demandaient la permission de le flatter.
C’est votre premier album, parlez-nous de votre parcours.
Déjà adolescente je savais que je voulais devenir écrivaine. À la fin de mon baccalauréat en littérature, je désirais déjà écrire pour la jeunesse. La vie a fait que le travail ne me laissait pas beaucoup de temps libre pour l’écriture. Depuis, j’ai fait le choix de réduire mes heures de travail en changeant d’emploi. Je suis maintenant une employée de bibliothèque quand je n’écris pas. C’est une belle source d’inspiration.
Avant la publication de l’album, je vivais dans la peur que mon rêve ne se réalise jamais. J’accumulais donc les textes sans oser les envoyer. Puis, je me suis demandé comment je pourrais un jour dire à mes filles de réaliser leurs rêves si moi-même je ne prenais pas de risques.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Je lisais principalement les romans des Éditions La courte échelle. En vieillissant je me suis attaquée à ce qui se trouvait dans la bibliothèque de ma mère, c’est-à-dire une quantité de livres de tous les styles. Un jour je tombais sur Madame Bovary et l’autre sur un livre de croissance personnelle. Quand j’ai su que je voulais devenir écrivaine je me suis mise en tête que j’avais le devoir de lire les classiques littéraires. J’adorais Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand et Les Misérables de Victor Hugo. Le soir après l’école j’aimais lire de la poésie. Je me passionnais aussi pour des univers merveilleux comme on en rencontre dans l’œuvre de Tolkien et d’Harry Potter. Bref, je ne sortais pas souvent pour une adolescente…
D’autres histoires à sortir ?
J’ai un roman destiné aux petits lecteurs débutants qui devrait sortir au début de 2022. J’ai écrit ce que j’aimais lire à cet âge. Je n’en dirai pas plus puisque le contrat n’est pas signé avec l’éditeur. Sinon, j’ai plusieurs histoires qui attendent d’être peaufinées.
Bibliographie :
- Mon chien banane, album illustré par Giulia Sagramola, Éditions 400 coups (2020), que nous avons chroniqué ici.
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Christophe Léon
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur·trice, illustrateur·trice, éditeur·trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché·e, ému·e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il·elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé·e. Cette semaine, c’est Christophe Léon qui nous livre ses coups de cœur et ses coups de gueule.
Un, deux, trois… tritons dans une mare découverts durant le confinement, voilà une chose étrange et merveilleuse, un véritable coup de cœur. La nature n’a pas besoin de la bête humaine. Elle se porte nettement mieux sans nous. Elle nous nourrit, nous supporte, endure le poids que nous faisons peser sur elle, et nous ne lui rendons pas justice en la polluant, la martyrisant et en prélevant bien plus que nos besoins. Il n’a fallu que deux petits mois pour que lors de nos balades en famille (dérogatoires, débonnaires, en plein air dans les bois de ce magnifique département qu’est la Haute-Vienne) les oiseaux se remettent à chanter, les tritons à tritonner et les chevreuils à débouler devant nous en dandinant du cul. Quel bonheur, quelle surprise, quel plaisir ! Et nos tritons faisaient trempette en compagnie de gros têtards, futurs crapauds joufflus. Nous avons photographié, filmé et nous sommes fait des souvenirs tritonesques.
Autour de nous, dans notre village, les gens devenaient tritons, retrouvaient le goût du simple, de la mare tranquille. Nous partagions entre têtards qui ne voulaient plus être des bœufs. Vivre harmonieusement, croître lentement, découvrir qu’en asséchant la mare on crèvera tous. Partager l’espace et les ressources, c’est ce que les tritons nous disaient dans leur mare avec leur langage tritonant qui ne croit au progrès que s’il est partagé avec leurs amis têtards, puces d’eau, abeilles, mouches, et autres animaux — et nous bien sûr. Dans une autre vie je voudrais être triton pour vivre simplement afin que mes semblables, tous les êtres vivants, puissent simplement vivre.
Mon coup de gueule maintenant puisque c’est l’exercice qui le veut. Alors voilà, je suis auteur, j’écris des textes, je publie des livres, je rencontre des jeunes, des vieux, des ados, des quinquas et plus si affinité littéraire, j’aime ça, je ne cherche pas à devenir millionnaire, voilà un moment que j’ai compris que la seule richesse est de disposer de son temps et de travailler moins pour vivre plus. Je ne cherche pas la considération outrancière et mon fan-club le plus fervent se compose de mon chien et de mon chat ; et puis je mange modérément matin, midi et soir, à mon âge faut faire attention. Et bim, un virus ! Je confine, on me drone l’existence, les mots ne servent plus qu’à remplir des dérogations ubuesques, mes rencontres sont annulées, les livres en rade et la perspective à moyen terme sera longtemps très courte. J’entends de beaux discours sur la chaîne du livre, les librairies, les éditeurs, qu’il faut les aider (c’est vrai), qu’il faut faire quelque chose, vite, que ça va coûter bonbon, mais on va s’y mettre. Alléluia ! Le gouvernement promet, jure, balance quelques piécettes, c’est bien, c’est grand(iloquent), c’est utile.
Mais les auteurs (on peut élargir à tous les artistes intermittents ou pas), qui en parle ? Et soudain, j’ai l’impression de ne plus exister. Même mon chien et mon chat me considèrent différemment. L’auteur pourra-t-il leur payer des croquettes bio et pendant combien de temps ? Mon fan-club s’inquiète. Je leur explique que les auteurs sont le maillon faible de la chaîne, les variables d’ajustement (et ça fait mal à la plume d’être une variable). Mon chien me répond « T’as qu’à trouver un vrai travail. » Mon chat surenchérit « Auteur, c’est pas un boulot, feignasse. »
Bon allez, le plumitif retourne voir ses tritons, eux savent.
Bibliographie sélective :
- Black Friday, nouvelles, Le Muscadier (2020).
- L’ile, roman, Oskar (2019).
- Musique verte, roman, Thierry Magnier (2019), que nous avons chroniqué ici.
- La vie commence aujourd’hui, roman, La joie de Lire (2018).
- L’art de ne pas être des moutons, nouvelles, Le Muscadier (2018).
- Pas bête(s) !, nouvelles, Le Muscadier (2017).
- Et j’irai loin, bien loin, roman, Thierry Magnier (2017).
- Argentina, Argentina, roman, Oskar Editeur (2015).
- Mado m’a dit, roman, La joie de lire (2014).
- Pense bêtes, nouvelles, Le Muscadier (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Délit de fuite, roman, La joie de lire (2011).
- Granpa’, roman, Thierry Magnier (2010).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
“Mon chien banane” pas encore découvert mais rien que le titre ça donne envie.
Et pour le coup de coeur/coup de gueule j’adhère les deux à 100 %.
Et pour finir en rime : vive les tritons ! Mais dites Mr Léon à vos compagnons que pour la fin ils n’ont pas raison.
Continuons à agiter nos crayons !