Aujourd’hui, on a la chance de recevoir l’autrice Christine Naumann-Villemin pour une interview, puis on va se glisser dans l’atelier de Julie Guillem afin de voir comment elle crée ! Bon mercredi.
L’interview du mercredi : Christine Naumann-Villemin
Dans votre dernier roman, La visite en classe qui vient de sortir chez Mijade, vous racontez les rencontres entre les auteur·rices et les classes, pouvez-vous nous parler de ce livre et nous dire quelle est la part de vécu dans ce que vit Crissi Lomanimin ?
Il y a une question qui revient systématiquement, lorsque j’interviens dans les classes, c’est : « Comment trouvez-vous vos idées ? » Lorsque les enfants sont assez grands, je leur explique que je trouve parce que je cherche, que je suis à l’affût, que je prends des notes, fais de recherches, etc.
Pour les plus petits, je le fais « en direct » : « Tiens, c’est vrai, comment on fait pour trouver les idées ? » Alors, je parcours la classe, j’examine les enfants, la maîtresse ou le maître, j’examine les murs et, dès que quelque chose me semble inhabituel, je saute dessus : « Mais, quel est ce trou, derrière le tableau ? Mais, qui a laissé ce papier de bonbon dans la boîte à mouchoirs ? ». Ensemble, on échafaude, on construit : « Peut-être que des bêtes vivent dans ce trou ? Ou alors, c’est une réserve de gâteaux pour la directrice ? Ou alors, avant, cette école était une fabrique de bonbecs, ou alors, une maman a fait un trou dans le mur pour vérifier que son enfant est sage ou alors… » On choisit les options et, à la fin, je leur dis que c’est exactement comme ça que je procède.
Une fois, à un premier avril, j’ai raconté à des élèves de collège qu’en fait, je n’étais pas Christine mais sa cousine, que j’étais danseuse de hip-hop et que, s’ils le désiraient, j’allais leur donner un cours. À ma grande surprise, malgré mes consignes chorégraphiques épouvantables, une démonstration nullissime et une déclaration finale de farce, certains restaient persuadés qu’en plus d’être auteure, j’étais danseuse de hip-hop !
En tant que professeure, je remarque qu’il y a toujours, dans une classe, un élève lunaire, un peu décalé, qui décroche de ce qu’on fait et puis qui raccroche de façon très personnelle. Cet enfant m’intéresse !
Quant au « Crissi Lomanimin », je n’ai rien inventé, c’est du vécu !
Comment s’est passée la collaboration avec Annick Masson (et lui avez-vous demandé de dessiner Susie Morgenstern) ?
J’adore ce que fait Annick. Je suis toujours épatée par la finesse de ses analyses, elle a toujours compris au-delà même de ce que j’essayais de dire ! Elle travaille toute seule, de son côté, s’approprie mon texte comme bon lui semble et je deviens spectatrice de son travail. Et non, je ne lui ai pas demandé de dessiner ma chère Suzie, mais j’adore cette idée !
Pouvez-vous nous dire comment naissent vos histoires ?
De tout ! Souvent, de choses que je remarque chez les adultes, d’une phrase, d’un détail : dans une histoire à paraître chez Mijade, La fantastique et dangereuse aventure de la classe de Melle Petsec, tout est parti d’un enfant qui levait sans cesse le doigt. C’était le plus important pour lui : répondre à l’injonction, répondre, même s’il ne connaissait jamais la réponse. Il n’écoutait même pas la question : on lui demandait de répondre, il le faisait.
Quand vous écrivez, savez-vous à l’avance comment va se terminer votre histoire ?
En général, oui. C’est un tout, surtout que j’écris principalement des albums ou des romans courts. Tout doit se tenir, d’un bout à l’autre. En général, je ne commence à écrire que lorsque j’ai une trame terminée mais cela n’excluent pas les chemins de traverse, il m’arrive de me surprendre toute seule !
Qui sont vos premiers lecteur·rices ?
Mes éditeurs ! Mes enfants, qui ont été mes cobayes pendant longtemps ne sont plus du tout intéressés. En cas de difficulté, mon amoureux accepte de faire le mannequin de crash test…
Parlez-nous de votre parcours
J’ai été longtemps orthophoniste et puis les aléas de la vie m’ont emmenée vers le métier de prof. Je suis passée de rééducatrice à éducatrice ! Je suis donc maintenant prof-documentaliste, pour mon plus grand bonheur !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Enfant, il n’y avait pas cette offre extraordinaire, cette créativité, cette beauté dans les livres pour enfants : comme je serais heureuse d’être enfant maintenant et de grandir avec ces histoires ! Mais, malgré des possibilités moindres, j’ai adoré lire. Tout. Absolument tout : les Caroline, Fifi Brindacier ; la bibliothèque rose, verte, documentaires, mythologie. Mais c’est à l’adolescence que je me suis régalée avec, comme beaucoup, des chocs : L’attrape-cœur, Carson Mc Cullers, Patricia Highsmith, Agatha Christie, Maupassant, Zola, Camus,…
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Avec le Covid, certaines parutions sont retardées mais, on verra bientôt, toujours chez Mijade : La fantastique et dangereuse aventure de la classe de Melle Petsec, la suite de Papa loup et ses loupiots : cette fois, le papa débordé va apprendre à ses enfants à attraper un petit chaperon rouge. Chez Nathan, un couple de jumeaux enquêteurs devrait amuser les tout jeunes lecteurs. Il s’agit d’une BD, Zélie et Misha. Et puis, pour les ados, peut-être la suite d’Esmée (Jungle), si les temps nous sont plus doux…
Bibliographie sélective :
- La visite en classe, roman illustré par Annick Masson, Mijade (2020), que nous avons chroniqué ici.
- On ne mord pas, Titou !, album illustré par Marianne Barcilon, Kaléidoscope (2020).
- Comment être aimé quand on est un grand méchant loup ?, roman illustré par Annick Masson, Mijade (2020).
- Série Esmée, BD, dessins de Maëlle Schaller, Jungle (2020).
- Aïe Aïe Aïe !, album illustré par Anna Duna, Auzou (2020).
- Le livre qui n’aimait pas les enfants, album illustré par Laurent Simon, NordSud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Série Simone et ses bêbêtes, albums illustrés par Delphine Renon, Rageot (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Qu’est-ce que je m’ennuie, album illustré par François Soutif, Kaléidoscope (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Jour de piscine, album illustré par Éléonore Thuillier, Kaléidoscope (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Oh, Pétard !, album illustré par Christine Davenier, Kaléidoscope (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Le pipi de Barnabé, album illustré par Elsa Oriol, Kaléidoscope (2010), que nous avons chroniqué ici.
- La tétine de Nina, album illustré par Marianne Barcilon, Kaléidoscope (2002), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Christine Naumann-Villemin sur son site : http://naumann-villemin.blogspot.com.
Quand je crée… Julie Guillem
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Julie Guillem qui nous parle de quand elle crée.
J’ai toujours dessiné chez moi. J’habite actuellement à Paris et je travaille sur une grande table dans mon salon, entourée de mes livres, des cartes postales que je ramène des expositions que j’ai vues, d’images que j’aime bien et qui m’inspirent et mes plantes. L’été il m’arrive d’aller travailler à La Rochelle chez mes parents, la maison est grande, il a un bureau et le chat de mes parents me tient compagnie.
Je travaille plutôt la journée, je commence vers 9 h et je finis au plus tard à 20 h. J’écoute parfois la radio, le matin j’aime bien écouter France Culture et l’après-midi j’ai un petit faible pour l’émission « Affaire sensible ». Mais lorsque j’ai besoin de me concentrer je préfère qu’il n’y ait pas de bruit.
Mon emploi du temps s’articule entre les illustrations que je réalise pour des livres jeunesse (à peu près deux par an) et les illustrations de commande que je réalise pour la presse ou pour des entreprises. Cela me permet d’alterner entre des projets plus longs, plus personnels et des projets plus courts, pour lesquels je dois dessiner et trouver des idées assez rapidement.
Je peux séparer chacun de mes projets en deux temps. Le premier est celui des croquis et de la recherche. Je commence toujours par noter mes idées sur un carnet, ce sont souvent des petits dessins qui ne font pas plus de 5 cm. Cela me permet de voir très rapidement si une idée fonctionne mais aussi de m’en rappeler. Je travaille ensuite sur une tablette graphique et je réalise beaucoup (beaucoup) de croquis. Les idées me viennent souvent en dessinant, en mettant un élément à côté d’un autre, en changeant l’échelle ou le cadrage, sur la tablette c’est assez facile de modifier, de supprimer, d’ajouter un élément ou encore de revenir en arrière.
Le deuxième temps est celui de la réalisation et de la mise en couleur. Pour les illustrations d’un livre je dessine 8 à 10 h par jour. J’aime beaucoup cette étape, c’est à ce moment que le dessin se précise, que les couleurs s’ajustent et que l’illustration prend forme.
Il m’arrive entre deux commandes de peindre. Je travaille à la gouache sur de petits formats. La peinture me permet de travailler les couleurs différemment qu’à l’ordinateur.
Quand l’inspiration me manque, je sors me promener, je marche, je vais voir des livres en librairie, des expositions, ça me permet de revenir à mes illustrations avec de nouvelles idées.
Julie Guillem est autrice et illustratrice.
Bibliographie sélective :
- Le petit Ziryâb, illustration de textes de Farouk Mardam-Bey, Actes Sud Junior (2020).
- L’Aéropostale, illustration de textes de David Marchand et Guillaume Prévot, Milan (2020).
- Le si petit roi, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, HongFei (2019), que nous avons chroniqué ici.
- La grande histoire des explorations, illustration de textes de Théophile Simon, Actes Sud Junior (2019).
- La vie en danse, illustration de textes de Cécile Guibert Brussel, Actes Sud Junior (2018).
- Cerfs-volants, illustration de textes d’Éva Bensard, De la Martinière jeunesse (2018).
- Un petit monde, texte et illustrations, Actes Sud Junior (2017).
- Atlas des nuages, texte et illustrations, Actes Sud Junior (2016).
Retrouvez Julie Guillem sur son site : https://www.julieguillem.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !