Je l’ai déjà dit ici, j’ai eu un énorme coup de cœur pour L’Ours Kintsugi sorti il y a quelques mois chez Cambourakis. J’ai eu envie de réunir son autrice et son illustratrice dans les invité·es du mercredi. On commence par une interview de l’autrice Victoire de Changy, puis l’illustratrice (aussi autrice par ailleurs) Marine Schneider, nous parle de quand elle crée. J’espère vous donner envie, une nouvelle fois, de découvrir ce merveilleux album. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Victoire de Changy
Vous savez sorti il y a quelques mois L’Ours Kintsugi, un des plus beaux albums jeunesse que j’ai été amené à lire, j’aimerais que vous nous racontiez comment est née cette histoire.
Merci infiniment pour vos mots. Marine est une grande amie, et elle rêvait depuis toujours d’illustrer une histoire qui commencerait par la chute d’un ours. De mon côté, j’ai découvert la technique de réparation japonaise du Kintsugi, et j’ai trouvé l’allégorie parfaite pour en faire une histoire pour enfants. Le tout a donné L’ours Kintsugi !
C’était votre première histoire illustrée, comment avez-vous vécu le fait de voir des images sur vos mots et comment s’est passé la collaboration avec Marine Schneider ?
C’est de la pure magie, et je ne pouvais pas rêver talent plus puissant que celui de Marine pour ça. Chaque image reçue dans ma boîte mail était une fête et un émerveillement.
Comme je l’évoquais dans la question précédente, vous avez sorti des livres pour adultes, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai à ce jour sorti deux romans, très différents l’un de l’autre. Une dose de douleur nécessaire a été écrit dans l’urgence, en un mois à peine, comme pour me prouver à moi-même que j’en étais capable. L’île longue est un travail de plus longue haleine et contient une étude très réfléchie sur et à propos de la langue. Des deux, je dirais que c’est celui qui ressemble le plus à ce que je souhaiterais faire encore.
Est-ce que vous profitez de cette période étrange pour lire, et si oui que lisez-vous en ce moment ?
Très peu, malheureusement, parce que mon petit garçon de six mois me demande beaucoup d’attention ! Alors je lis principalement de la poésie, ça se prête bien à la lecture par petites brèches, et principalement, en ce moment, celle d’Antoine Emaz.
Parlez-nous de votre parcours
J’écris et raconte des histoires depuis que j’ai l’âge de tenir un stylo. Je n’ai véritablement jamais envisagé de faire « autre chose » de ma vie. À côté de mes phrases, j’ai étudié le journalisme puis l’édition, et je travaille dans le milieu de la poésie à Bruxelles.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de livres autour de moi enfant et adolescente. Nous avions le droit d’en choisir autant qu’on le souhaitait, et ma mère avait une bibliothèque gigantesque ! Enfant, je me souviens d’Ernest et Célestine, et de livres illustrés par Marie Wabbes. J’ai très tôt lu des livres pour adultes, et je vouais, adolescente, un culte à l’autrice belge Jacqueline Harpman.
Avez-vous de nouveaux projets en jeunesse ?
Un nouveau livre avec Marine, j’espère, destiné à un public un peu plus jeune, à mon avis, que L’ours Kintsugi.
Bibliographie jeunesse :
- L’ours Kintsugi, album illustré par Marine Schneider, Cambourakis (2019), que nous avons chroniqué ici.
Bibliographie adulte :
- L’île longue, roman, Autrement (2019).
- Une dose de douleur nécessaire, roman, Autrement (2017).
Quand je crée… Marine Schneider
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Marine Schneider qui nous parle de quand elle crée.
Le lieu où je crée, ma « chambre à moi », c’est une petite pièce sous les toits au dernier étage de mon appartement bruxellois. Il y a deux grandes fenêtres qui donnent sur le ciel, il y fait donc toujours très lumineux, même quand il fait gris. On y monte par un escalier en colimaçon qui grince, et dès qu’on y entre, on plonge dans mon univers — on y croise ce qui m’inspire, ce qui m’anime, des bribes d’histoires au mur, des petits bouts de papiers découpés ci et là sur le vieux tapis persan.
Dans mon atelier, il y a souvent de la musique, mais pas tout le temps. Il y a par contre tout le temps une tasse de café, et un morceau de chocolat (vite mangé) sur l’une des deux tables en bois qui occupent le milieu de la pièce. C’est ma chambre à moi, la mienne, l’endroit où je me sens le mieux au monde.
Pour les images, c’est assez simple — je m’entoure de tout mon matériel : mes aquarelles, mes pinceaux, mes acryliques, quelques pastels, quelques crayons, mes marqueurs, le tout classés par couleurs (enfin, plus ou moins… je suis assez maniaque partout, sauf dans mon atelier !), je prends une feuille de papier Steinbach 300 gr, et je m’y mets. Souvent sans crayonnés, directement à la peinture. Et le temps passe si vite que lorsque je regarde l’heure, il est souvent 16 h, l’heure de redescendre cet escalier qui grince, l’heure d’aller chercher mon fils à la crèche…
… toujours à pieds, car les textes de mes livres me viennent toujours pendant que je marche. Je réfléchis parfois, mais souvent, ça me tombe dessus. J’attrape les bonnes idées et j’y pense tout le temps, sans arrêt, quand je cuisine, sous la douche, et quand j’essaye désespérément de m’endormir. Et puis les textes prennent forme, alors je les couche sur papier, puis je les tape à l’ordinateur. Ensuite, c’est un jeu de ping-pong entre l’image et le texte, je travaille les deux en symbiose, jusqu’à la toute fin.
Je garde les originaux de mes livres dans un vieux coffre chiné, et certains textes sans images dans des carnets. Il m’arrive peu de faire des images « juste comme ça », car ce que j’aime par-dessus tout, c’est de combiner les images et les mots pour raconter une histoire, c’est d’imaginer quelqu’un découvrir l’histoire en tournant les pages.
Lorsque je ne suis pas dans mon atelier, j’aime voyager pour avoir de nouvelles idées, qui ne me « tomberaient » pas dessus lors de la traditionnelle marche jusqu’à la crèche, celle que je pourrais faire les yeux fermés. Les nouveaux bruits, couleurs, odeurs qui viennent avec la découverte d’un nouveau pays, c’est ça qui déclenche chez moi de nouvelles histoires.
Marine Schneider est autrice et illustratrice.
Bibliographie :
- Grand ours Petit Ours, texte et illustrations, Cambourakis (2020).
- L’ours Kintsugi, illustration d’un texte de Victoire de Changy, Cambourakis (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis la vie, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis la mort, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis le clown, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Chansons d’amour pour ton bébé, illustration d’un texte de Julie Bonnie, Label dans la forêt (2019).
- Hiro — Hiver et marshmallows, texte et illustrations, Versant Sud (2018), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Marine Schneider sur son site : https://www.marine-schneider.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !