Pour bien commencer l’année, deux auteures qu’on aime particulièrement. La première, Anne Cortey, on ne l’avait jamais encore interviewée, la seconde, Clémentine Beauvais, a été souvent notre invitée, mais on n’était jamais parti en vacances avec elle… c’est chose faite ! Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Anne Cortey
Parlez-nous de votre dernier album, Le voyage d’Ignacio sorti chez Grasset.
C’est toujours compliqué pour moi de parler de mes propres textes. En général, je bafouille, je ne sais pas par où commencer, comment expliquer. Je n’ai pas assez de recul et j’ai l’impression d’être la mauvaise personne pour parler de mes histoires. Dans ces moments-là, j’aimerais que mon éditrice soit à mes côtés pour me souffler les bons mots. Je vais tout de même essayer de vous répondre, puisque vous me le demandez… L’histoire se situe dans une forêt autour de l’amitié entre Ignacio le renard, Ferdinand le cerf et Ernest l’écureuil. Malgré l’amitié profonde qui les unit tous les trois, un conflit éclate. On a beau être amis, on ne se comprend pas toujours… Les personnages vont cheminer chacun de leur côté pour à la fin accepter l’autre tel qu’il est. Mais c’est aussi une histoire qui parle des plaisirs de la vie, de gourmandises, d’un rêve de voyage vers le Nord et d’une grande fête. Ce texte, je l’ai écrit pour mon ami Vincent Bourgeau et c’est lui qui l’a illustré.
Muette, Une vie d’escargot, Petite, Le voyage d’Ignacio… vos histoires parlent souvent d’oser (oser parler, oser casser la routine, oser partir…), c’est un sujet important pour vous ?
C’est étrange pour moi que vous mentionniez ce lien entre mes histoires car je ne m’en rends pas compte en les écrivant. Ce n’est pas un choix conscient. Les histoires m’entraînent, les personnages m’embarquent et moi, je ne fais qu’écrire.
Mais vous avez raison, mes personnages sont dans un mouvement, ils cherchent à aller de l’avant, à bouger, même si parfois, ils se sentent un peu paralysés. Ils ont des barrières intérieures comme beaucoup d’entre nous, mais ils sont tenaces, ils s’accrochent pour atteindre leur but.
Comment naissent vos histoires ?
N’importe où et souvent quand je ne les cherche pas. Elles viennent vers moi comme par surprise, au café, à la plage, dans des maisons amies, la nuit au moment où le sommeil me gagne, je dois alors vite attraper mon carnet, noter ce qui vient, l’envie pressante, l’énergie du moment. Puis le lendemain, ou quelques jours plus tard, je m’attable, je tisse les liens entre les idées et je commence à écrire.
Vous êtes généralement gâtée niveau illustration, c’est vous qui choisissez les illustrateurs et illustratrices qui accompagnent en image vos textes ?
J’ai toujours été passionnée par l’illustration et j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui dessinent. La plupart du temps, l’envie de travailler avec un illustrateur naît d’une rencontre, d’une complicité. Créer un livre devient alors aussi une histoire d’amitié et ça me plaît énormément. La seule à qui j’ai écrit pour lui demander si elle aimerait illustrer un de mes textes, c’est Julia Wauters. On ne se connaissait pas, je suivais son travail depuis ses débuts et j’adorais ce qu’elle faisait. Je me suis jetée à l’eau pour lui écrire. Elle m’a dit oui tout de suite. Maintenant nous sommes amies et nous allons publier au printemps notre deuxième livre aux éditions Sarbacane.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Enfant, j’avais un souhait : vivre avec les livres. J’ai d’abord voulu être bibliothécaire, libraire, éditrice. J’ai fait des études de communication puis une licence de sciences du langage tout en suivant des cours d’Histoire de l’Art en auditeur libre. L’année suivante, je quittai ma province pour faire une licence d’Histoire de l’Art à Paris. Là, j’ai passé beaucoup de temps dans les musées et c’était le bonheur. Je travaillais alors à mi-temps dans une librairie et faisais un stage incroyable à l’atelier pour enfants L’art en jeu au centre Georges Pompidou. Quand j’ai dû choisir mon sujet de maîtrise, je l’ai orienté autour du livre jeunesse et des illustrations des contes de Perrault. À la suite d’un stage chez Albin Michel jeunesse, j’ai voulu me former au graphisme pour faire les maquettes de tous ces projets et être au plus près des livres. J’aimais bricoler, je créais des petits projets de livres pour enfants, parfois destinés à une seule personne. Mais c’est à la naissance de ma fille qu’une évidence s’est imposée : je ne voulais qu’écrire, seulement écrire. Les textes surgissaient les uns après les autres et je ne me suis plus arrêtée. Aujourd’hui, je vis toujours avec les livres et c’est exactement ce que je souhaitais.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Enfant à la maison, il y avait quelques albums de la collection du Père Castor Les enfants de la terre dont Apoustsiak le petit flocon de neige de Paul Émile Victor, livre que j’ai lu et relu et que je garde encore précieusement. J’ai appris à aimer avec ce livre le goût de l’ailleurs. Comment la souris reçoit une pierre sur la tête et découvre le monde d’Étienne Delessert et Jean Piaget me faisait un peu peur, il y avait l’orage, des tunnels sombres, la nuit et des yeux de chats qui clignotaient dans la nuit, mais j’y retournais toujours. Il y avait aussi Hulul d’Arnold Lobel que je chérissais plus que tout. Mais lui ne m’appartenait pas. Je ne pouvais le lire que chez mes cousins et je les jalousais secrètement d’avoir chez eux ce bijou que je n’avais pas. J’ai bien sûr dévoré Le club des cinq, comme la majorité des filles de mon âge, j’ai adoré la série de bande dessinée Julie Wood de Jean Graton. L’héroïne était une magnifique blonde platine, pilote de moto. Elle osait affronter les hommes sur les circuits internationaux et elle me fascinait. À l’entrée de l’adolescence, je sortais de la bibliothèque verte et j’ai découvert Mon Bel oranger de Jausé Mauro Vasconcelos. J’ai eu alors l’impression de rencontrer un livre pour moi.
À mon époque, la littérature pour adolescents n’existait pas comme aujourd’hui. On lisait des livres pour adultes, même s’ils traitaient parfois de l’adolescence, comme L’herbe bleue ou Moi Christiane F, 13 ans, prostituée. Puis j’ai lu tout ce que je pouvais trouver à la bibliothèque de mon village, les livres de Joseph Kessel, François Mauriac, Robert Merle, Hervé Bazin, Robert Sabatier, Marcel Pagnol…
Mais le livre qui a été un vrai tournant dans ma vie et dans mes lectures, c’est La Modification de Michel Butor que j’ai lu à 18 ans, Ce fut un vrai choc esthétique. Cette histoire m’a changée et elle a sans doute participé à l’adulte que je suis devenue aujourd’hui.
Quelques mots sur vos projets ?
En ce moment, je suis en train de finir l’écriture d’un petit roman qui paraîtra l’automne prochain dans la collection Mouche à l’École des Loisirs, ce qui me ravit. J’ai aussi un projet enthousiasmant qui paraîtra chez Thierry Magnier. Mais je ne peux vous en dire plus pour le moment car il est en cours d’écriture et, comme je vous le disais précédemment, je peine à raconter mes propres textes. J’ai aussi sur le feu de nouvelles petites histoires de Kimi et Shiro, à paraître cette année chez Grasset jeunesse avec Anaïs Massini aux dessins. Sinon, une nouvelle histoire d’Amos trottine dans ma tête. Elle n’est pas encore aboutie, mais, comme l’hiver est là et que j’adore écrire sur ce personnage quand le froid arrive, ça ne devrait pas tarder… Il faut juste que je trouve le moment parfait ou le bon canapé…
Bibliographie sélective :
- Le voyage d’Ignacio, texte illustré par Vincent Bourgeau, Grasset jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Avec des lettres, texte illustré par Carole Chaix, À pas de loups (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Aujourd’hui Amos, texte illustré par Janik Coat, Grasset jeunesse (2016).
- Petite, texte illustré par Audrey Calleja, éditions À pas de loups (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Les petits jours de Kimi et Shiro, texte illustré par Anaïs Massini, Grasset jeunesse (2015).
- Une feuille verte, album, texte illustré par Candice Hayat, Sarbacane (2014).
- Fanfare, album, texte illustré par Julia Wauters, Sarbacane (2014).
- Une vie d’escargot, texte illustré par Janik Coat, Autrement jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Nuit d’hiver, texte illustré par Anaïs Massini, Autrement jeunesse (2012).
- L’armoire, texte illustré par Claire de Gastold, Grasset jeunesse (2012).
- Sur l’île, texte illustré par Vincent Bourgeau, Baron perché (2012).
- Muette, texte illustré par Alexandra Pichard, Autrement jeunesse (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Amos et les pissenlits, texte illustré par Janik Coat, Autrement jeunesse (2011).
- Amos et les gouttes de pluie, texte illustré par Janik Coat, Autrement jeunesse (2011).
- Mange ta chambre, texte illustré par Audrey Calleja, Autrement jeunesse (2010).
- Les ailes d’Anna, texte illustré par Anaïs Massini, Autrement jeunesse (2009).
En vacances avec… Clémentine Beauvais
Régulièrement, je pars en vacances avec un. e artiste (je sais vous m’enviez). Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la.le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet.te artiste va donc profiter de ce voyage pour me faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle.il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il.elle veut me présenter et c’est elle.lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Clémentine Beauvais que je pars ! Allez en route !
5 albums jeunesse
- Le meilleur livre pour apprendre à dessiner une vache, d’Hélène Rice et Ronan Badel
- Le ballon de Zébulon, Alice Brière-Haquet et Olivier Philipponneau
- Mon chat le plus bête du monde, Gilles Bachelet
- Anna et le gorille, Anthony Browne
- S’aimer, Cécile Roumiguière et pleeeeeeein d’illustrateurs/trices !
5 romans
(Seulement cinq ? angoisse ! je vais en choisir 5 parmi ceux que j’ai lus cette année, alors, pour limiter le choix).
- Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie
- La supplication, Svetlana Alexievitch
- Réparer les vivants, Maylis de Kerangal
- Le copain de la fille du tueur, Vincent Villeminot
- Autres rivages, Vladimir Nabokov
5 DVD
(DVD de vacances donc beaucoup de temps pour les regarder donc je triche !)
- L’intégrale de Jacques Demy
- L’intégrale des Star Wars
- Le coffret ‘mélo de 4 heures’ Docteur Jivago & Autant en Emporte le Vent
- Le coffret ‘screwball comedies’ de Doris Day et Rock Hudson
- Le coffret best-of de Hitchcock
- Eugène Onéguine (of course), version Hvorovstovsky et Fleming
- Françoise Hardy, n’importe lequel
- Jane Birkin, n’importe lequel
- Regina Spektor, Soviet Kitsch ou Begin to Hope
- Simon and Garfunkel, The Concert in Central Park
5 artistes
- Gustave Caillebotte (of course)
- Sonia Delaunay
- Vassili Kandinsky
- Henri Rivière
- Thomas Lévy-Lasne
5 lieux
- York, Grande-Bretagne. C’est là où j’habite et c’est juste beau.
- Audresselles, dans le Pas-de-Calais, où j’ai passé tous les aoûts de mon enfance.
- Le Beaujolais, où j’ai passé tous les juillets de mon enfance.
- Le Japon, où je meurs d’envie de retourner depuis que j’y suis allée il y a presque 15 ans.
- Saint-Pétersbourg, où je meurs d’envie de retourner depuis que j’y suis allée il y a presque 15 ans.
Clémentine Beauvais est auteure.
Bibliographie :
- Va jouer avec le petit garçon, album illustré par Maisie Paradise Shearring, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Songe à la douceur, roman, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les Royales Baby-Sitters (2 tomes), romans, Hachette (2015-2016).
- Les petites reines, roman, Sarbacane (2015).
- Lettres de mon hélicoptêtre, album illustré par Anne Rouquette, Sarbacane (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Carambol’Ange : L’affaire mamie Paulette, roman illustré par Églantine Ceulemans, Sarbacane (2015).
- Comme des images, roman, Sarbacane (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La louve, album illustré par Antoine Déprez, Alice Jeunesse (2014).
- La pouilleuse, roman, Sarbacane (2012), que nous avons chroniqué ici.
- On n’a rien vu venir, roman, collectif, Alice (2012), que nous avons chroniqué ici.
- La plume de Marie, roman illustré par Anaïs Bernabé, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Les petites filles top-modèles, roman illustré par Vivilablonde, Talents Hauts (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Samiha et les fantômes, album illustré par Sylvie Serprix, Talents Hauts (2010), que nous avons chroniqué ici.
En anglais :
- Sesame Seade books 1, 2, 3 (children’s series). Hodder Children’s Books (Avril 2013 -Avril 2014)
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !