Quel bonheur de commencer cette nouvelle saison (la 6e !) avec Cécile Roumiguière et Beatrice Alemagna ! On ne change pas de formule, cette année encore vous pourrez lire chaque mercredi une interview puis un bonus. Et donc aujourd’hui, c’est Cécile Roumiguière qui a accepté de répondre à nos questions puis on part en vacances avec Beatrice Alemagna ! Et entre temps, vous pouvez tenter votre chance à notre concours pour gagner Les fragiles, le dernier roman de Cécile Roumiguière grâce aux éditions Sarbacane ! Alors bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Cécile Roumiguière
Qui sont les fragiles qui ont donné le titre à votre roman qui vient de sortir chez Sarbacane ?
Au départ, il y a « un » fragile, un enfant de neuf ans croisé dans une classe, une rencontre autour de Pablo de La Courneuve. Un débat s’était installé autour du racisme, et quand j’ai dit que je trouvais le racisme idiot, cet enfant m’a interrompu, très ému et m’a dit : « Mais moi, Madame, mon père il est raciste. » Un uppercut en plein dans mes « belles convictions »… Et des questions. Comment cet enfant allait-il grandir ? Comment gère-t-on une faille telle entre ce que l’on vit à la maison et le « vivre ensemble » que l’on apprend à l’école ? Des tas de questions.
Des tas de « fragiles » aussi, partout. Des enfants que j’ai vus grandir, des relations viciées dès le départ, des fils mal noués, avec cet espoir de résilience, mais aussi tellement de ravages.
Bien sûr, je n’ai pas raconté l’histoire de cet enfant croisé dans une classe, j’ai juste « imaginé » ce qu’un enfant pouvait vivre dans une situation aussi complexe, quel adulte il pouvait devenir.
Dans le roman, le père est aussi fragile que le fils, la mère est une fragile et Sky, l’amie de Drew, en est encore une. Et ne sommes-nous pas tous des « fragiles », chacun avec notre lot de « fils mal noués » ? Mais certains plus que d’autres…
Comment est née cette histoire en particulier et comment naissent vos histoires en général ?
L’histoire est donc née de la remarque de cet enfant et de l’interrogation sur le rapport père-fils en général. C’est un thème qui me poursuit. Il y a déjà un père « empêché » dans Pablo de La Courneuve (un personnage que j’ai approfondi dans une version synopsis du roman lors d’une formation Fémis à l’adaptation ciné). Et aussi d’un intérêt pour la folie, les « borderline ». Adolescente, je lisais frénétiquement Antonin Artaud, Freud, Anaïs Nin et la vie de Camille Claudel. Avant de me lancer dans l’écriture des Fragiles, j’ai lu un récit de Polo Tonka, Dialogue avec moi-même : un schizophrène témoigne (Odile Jacob, 2013). Ce témoignage a nourri le personnage de Drew, mais sans qu’on puisse vraiment dire si Drew est ou n’est pas schizophrène. Simplement, il grandit avec une faille en lui, et cette faille ne peut pas être consolidée, elle est élargie jusqu’à la cassure par ce rapport destructeur entre son père et lui.
Mes romans, mes albums partent souvent d’un fait réel, d’un moment vécu, observé, ou d’une colère sur un sujet précis (la non scolarisation ou le mariage forcé des filles par exemple). Après un peu plus de dix ans de publications, je m’aperçois que pour que j’en fasse une fiction, il faut que ce fait ou/et cette colère croisent l’une de mes obsessions, et j’en ai beaucoup…
Vous alternez les romans et les albums, avez-vous une préférence entre l’un des deux, où prenez-vous le plus de plaisir ?
J’ai besoin des deux. J’ai commencé à écrire en créant des spectacles, de grands spectacles sons et lumières avec des acteurs mais aussi des images géantes, des effets spéciaux… Je pourrais presque dire que je suis dans l’image avant de penser en mots. C’est pour ça qu’il y a autant de remerciements « cinématographiques » dans Les Fragiles par exemple. Après le spectacle, l’idée d’écrire des livres est venue par l’album, avec le désir de travailler avec un illustrateur.
Aujourd’hui, l’album reste essentiel mais j’aime aussi me replier sur un monde où les images doivent naître exclusivement de mes mots, de leur agencement. C’est un défi. Et à ces images je peux ajouter des sons, des odeurs, des sensations. Je « sculpte » les sens en écriture comme un sculpteur creuse et lisse son argile. Il me semble que mes personnages ne tiendraient pas sans ça. Et mon histoire non plus.
J’ai l’impression que l’image compte particulièrement pour vous (dans vos projets, dans vos amitiés…), est-ce que vous vous impliquez particulièrement dans les choix des illustrateur.trice.s (puis dans leur travail) qui illustrent vos livres ? Et, question subsidiaire, avez-vous une certaine frustration de ne pas illustrer vous-même ?
Oui, comme je l’ai dit, l’image est essentielle. Par exemple, j’ai une mémoire visuelle, je suis incapable de dire le titre du roman que je suis en train de lire, mais je peux retrouver des détails visuels anodins d’une rencontre il y a deux ans… Quand mon premier texte a été accepté, je ne connaissais rien ni aux livres « jeunesse » ni au monde de l’édition en général. J’avais regardé pas mal d’albums, noté le travail de certains illustrateurs que j’aimais beaucoup, et j’ai donc proposé que mon texte soit illustré par telle illustratrice. Je me suis aperçue que ça ne se passait pas comme ça. Pour mon premier livre, j’ai donc laissé choisir l’éditrice (un très bon choix d’ailleurs, Sacha Poliakova). Ensuite, j’ai d’abord « rusé », suggéré, parlementé… puis très vite j’ai proposé des projets en commun avec l’illustrateur, jusqu’au travail avec Carole Chaix qui se fait en duo dès la genèse du projet.
Avec Carole, on crée ensemble dès le départ. Avec d’autres illustrateurs, je leur propose une idée ou un texte terminé, s’ils sont partants, on cherche un éditeur puis ils illustrent. Il peut y avoir un dialogue entre nous, mais je ne m’immisce pas dans leur travail, sauf s’ils me demandent mon avis. C’est leur univers qui vient croiser le mien, c’est ça qui est puissant, et qui me fascine chaque fois : cette rencontre entre des mots, une histoire, et des images, ce tressage. Avec Delphine Jacquot par exemple, il y a eu ce moment magique où Delphine m’a demandé si elle pouvait « annoncer » le dénouement de l’histoire en pointillé dès le début (Le fil de soie, chez Thierry Magnier), une idée qui donne une force étonnante au livre. Ou encore avec Fanny Ducassé pour un album à paraître en octobre (Dans le ventre de la terre, au Seuil), quand elle m’a fait cerner par ses dessins des sens que je n’avais pas lus dans mes propres mots… Je pourrais ainsi citer des tas de moments forts dans ce travail avec les illustrateurs.
Pour la question subsidiaire, non, je n’ai pas de frustration. J’aime trop ce temps de collaboration et la surprise, chaque fois, l’émerveillement quand les images et les mots résonnent ensemble. Si je m’amuse à griffonner, gribouiller dans mes carnets, c’est plus comme un jeu.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Un bac scientifique, des études de lettres, cinéma et théâtre à Montpellier, puis du théâtre encore avant de rencontrer une équipe de réalisation de son et lumière et de travailler comme assistante de réalisation avant de passer à l’écriture des scénarios.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Vers neuf ans, je suis passé de Fantômette et du Club des Cinq à Balzac, Alexandre Dumas et Eugène Sue via un abonnement : chaque mois, je recevais un gros livre relié en skaï (les éditions François Beauval…). C’est à la télé que j’ai découvert les contes, Peau d’Âne (celui de Jacques Demy), la Belle et la Bête (de Jean Cocteau), Pinocchio (de Comencini) et les séries sur fond historique (Quentin Durward), les films de cape et d’épée puis de science-fiction. Dans mes livres « phares » au collège, je cite souvent Le grand Meaulnes et les nouvelles de Maupassant, les romans de Daphné du Maurier. Mais je lisais aussi les romans photo que les voisines stockaient chez nous (on vendait le papier au poids pour des assos caritatives), des San Antonio et même des SAS ! Un joyeux méli-mélo sans interdit et tout en découvertes débridées.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
J’ai évoqué Dans le ventre de la Terre, un album avec Fanny Ducassé, qui sort en octobre prochain au Seuil, j’ai hâte de le voir « en vrai » !
Hasard des calendriers, deux de mes livres sont réédités en ce moment. Douze ans après sa publication, L’école du désert, mon premier livre, est édité avec de nouvelles illustrations de Marie Caudry (chez Magnard). Et Entre deux rives, Noël 43 devient D’une rive à l’autre chez À pas de loups (sortie début octobre). Je tenais beaucoup à ce livre, à l’histoire comme au travail splendide de Natali Fortier, et j’étais un peu triste qu’il ne soit plus disponible. Je suis très heureuse qu’il renaisse avec une mise en page actualisée.
Enfin, pour finir sur les publications de cet automne et toujours avec À pas de loups, je suis très fière d’avoir écrit le texte d’un album à partir des images de presque quarante illustrateurs. Laurence Nobécourt (l’éditrice) m’a proposé cette aventure au lendemain du 13 novembre dernier, me demandant de choisir un thème. J’ai répondu sans réfléchir un instant : « s’aimer ». C’est le titre de l’album, il sort en octobre-novembre aussi.
Bibliographie sélective :
- S’aimer, album illustré par un collectif, À pas de loups (sortira en novembre).
- Dans le ventre de la Terre, album illustré par Fanny Ducassé, Seuil Jeunesse (sortira en octobre).
- D’une rive à l’autre, album illustré par Natali Fortier, À pas de loups (sortira en octobre).
- L’école du désert, illustré par Marie Caudry, Magnard Jeunesse (2016).
- Les fragiles, roman, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le secret du soir, album illustré par Éric Gasté, Milan (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Mon chagrin éléphant, album illustré par Madalena Matoso, Thierry Magnier (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Lily, roman, La joie de lire (2015).
- Parole de papillon, roman illustré par Léa Djeziri, éditions du Pourquoi pas, (2015).
- Sur un toit, un chat, illustré par Carole Chaix, À pas de loups (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La Belle et la Bête, illustré par Aurélia Fronty, Belin Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Une princesse au palais, illustré par Carole Chaix, Thierry Magnier (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Série Les blue Cerises, co-écrite avec Sigrid Baffert, Maryvonne Rippert et Jean-Michel Payet, Milan (2011-2012).
Retrouvez Cécile Roumiguière sur son site : http://www.cecileroumiguiere.com.
Concours : Grâce aux éditions Sarbacane, l’un.e d’entre vous va gagner le dernier roman de Cécile Roumiguière, Les fragiles. Pour participer, il vous suffit de nous dire, en commentaire à cet article, quel livre a marqué l’été de vos enfants (ou le vôtre). Le.la gagnant.e sera tiré.e au sort parmi tous les commentaires. Vous avez jusqu’à mardi 20 h. Bonne chance à tous et à toutes !
En vacances avec… Beatrice Alemagna
Régulièrement, je pars en vacances avec un.e artiste (je sais vous m’enviez). Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la.le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet.te artiste va donc profiter de ce voyage pour me faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle.il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il.elle veut me présenter et c’est elle.lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Beatrice Alemagna que je pars ! Allez en route !
5 albums jeunesse
(ces 5 albums me remplissent d’amour pour les gens, le monde, la vie !)
- Roland d’André François
- Heureusement de Remi Charlip
- Les Mellops de Tomi Ungerer
- Dans la nuit noire de Bruno Munari
- Sylvester and the Magic Peeble de William Steig
- Le grand cahier d’Agota Kristof
- Sur la route de Jack Kerouac
- Le monstre des Hawkline de Richard Brautigan
- Norwegian Wood de Haruki Murakami
- The Summer Book de Tove Jansson
- Happiness de Todd Solondz
- La Famille Tenenbaum de Wes Anderson
- Nous nous sommes tant aimés de Ettore Scola
- Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly
- Frank de Lenny Abrahamson
5 CD
- Sigur Ros, Agaetis Byrjun
- Anouar Brahem, Le pas du chat noir
- Max Richter, The Blue Notebooks
- Soviet Suprem, d’internationale
- Nick Cave and the bad seeds, Murder Ballads
5 artistes
- Theo Jansen
- Jockum Nordstrom
- Horace Pippin
- Bill Traylor
- Jan Svankmajer
5 lieux
- Une énorme grange suédoise sur l’île de Fårö (lire Fore)
- Le salon de la villa La Californie à Cannes (mieux si avec Picasso dedans)
- L’atelier d’Alexander Calder (toujours avec Calder dedans ou si pas possible, rempli de ses mobiles)
- la salle circulaire de la Stockholms stadsbibliotek
- Une ancienne cuisine anglaise avec gigantesque verrière sur le fleuve Cam
Beatrice Alemagna est auteure et illustratrice
Bibliographie sélective :
- Un grand jour de rien, texte et illustrations, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Le merveilleux Dodu-velu-petit, texte et illustrations, Albin Michel Jeunesse (2014).
- Petit grand Boubo, texte et illustrations, La joie de lire (2014).
- Les cinq malfoutus, texte et illustrations, Hélium (2014).
- Bon voyage bébé !, texte et illustrations, Hélium (2013).
- La gigantesque petite chose, texte et illustrations, Autrement (2011).
- Jo singe garçon, texte et illustrations, Autrement (2010).
- C’’est quoi un enfant ?, texte et illustrations, Autrement (2009).
- Un lion à Paris, texte et illustrations, Autrement (2006).
- Histoire courte d’une goutte, texte et illustrations, Autrement (2004).
Retrouvez Beatrice Alemagna sur son site : http://www.beatricealemagna.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Bonjour La Mare !
Le livre qui a marqué ma Louise cet été c’est “Le royaume de Kensuké” de Michaël Morpurgo. La sagesse de Kensuké et les aventures de Michaël et Stella l’ont vraiment embarquée. Pour ma part, c’est “L’heure des fous” de Nicolas Lebel qui aura marqué mon été, un super polar dans l’univers des SDF.
Bonjour, ici nous avons beaucoup aimé Aïko la jeune fille à l’éventail de Pascal Vatinel, qui nous a fait voyager en Chine et au Japon. Merci pour ce jeu.
Bonjour et merci pour ces échanges. J’apprécie beaucoup le travail de Cécile Roumiguière, engagé, intelligent, sensible… Des sujets forts et toujours de l’innovation dans ce qu’elle crée.
Cet été deux de mes enfants ont dévoré la série de la quête d’Ewilan (bd), scénario de Lylian adapté du roman de Pierre Bottero. Quant à moi, c’est l’espèce fabulatrice de Nancy Huston.
Ce qui a marqué l’été de mon fils, c’est la série Charles le dragon d’Alex Cousseau et Philippe-Henri Turin. Texte poétique, illustrations somptueuses
Merci beaucoup et à bientôt
Bonsoir!
C’est avec grand plaisir que je vais tenter ma chance!
Mon été fut marqué par une jolie découverte les deux premiers tomes d’alexiane de Lys “les ailes d’émeraude” ! j’ai adoré et je recommande! Aussi non ma fille elle a adoré le club des cinq!
je suis fan fb sous le nom : olivia philippe
merci et croisons les doigts!
Bonsoir
Euhhhhhhhhh … Comment dire ???!!! “Chica Vampiro”, la série !!! Si si !! Succès garanti ici pour ma Louloute de 10 ans 1/2 !!!!!! Mais comme elle lit peu, j’en suis tout de même ravie !!!!
Merci …
Bonjour merci pour ce joli concours,
le livre de l’été de mon fils à été le bon gros géant de roald dahl
(il a adoré le film)
Passe une bonne journée
Bonjour et merci pour vos articles !
Mon coup de coeur de l’été : “On déménage !” aux éditions Little Urban, par Alice Brière-Haquet et Barroux !
Bonne journée
Sur la plage, cet été : “1 rue des petits pas” de Nathalie Hug. Pour les enfants, des BD de Lucky Luck laissées à disposition des locataires !!!
Merci pour ce concours et bonne rentrée à vous !
Bonjour La Mare aux mots!
belle rentrée à vous!
Notre été de lectrices (mes filles de 13 et 10 ans, et moi) a été marqué par 2 gros coups de coeur communs : Jan de Claudine Desmarteaux et Les jours sucrés de Loïc Clément et Anne Montel.
Je suis une grande fan de X’, et je n’ai pas encore lu Les fragiles. merci pour le concours!
Bravo à Isa48