Aujourd’hui, j’ai eu envie d’en savoir plus sur l’auteure d’un album sorti il y a peu chez Hélium, Muséum Dinos : Gaëlle Mazars ! Ensuite, c’est avec Cécile Roumiguière et Natali Fortier que nous avons rendez-vous pour la rubrique Parlez-moi de… Ensemble, elles reviennent sur leur album, D’une rive à l’autre. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Gaëlle Mazars
Présentez-nous de votre dernier album, Muséum Dinos, paru chez Hélium
Muséum Dinos est la suite de Cache-cache dinos. Ces deux histoires mettent en scène Yvette et Roger, des petits dinosaures malins à qui il arrive quelques (més)aventures. Ces livres sont des prétextes pour donner à voir aux enfants la réalité sous un autre angle.
Et si les gros dinosaures n’avaient pas vraiment disparu et dormaient sous les collines et les montagnes ?
Et si nos muséums étaient remplis d’animaux qui font semblant d’être immobiles pour qu’on les laisse tranquilles ?
Et si les enfants étaient finalement, eux aussi, de drôles d’animaux et qu’eux seuls avaient accès à ces secrets bien gardés ?
C’est le deuxième album que vous sortez avec Jean-Baptiste Drouot, pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
Jean-Baptiste est un ami. C’est en espérant qu’il l’illustre que j’ai écrit la première histoire. Et je n’ai pas été déçue : dès les premières ébauches, il a su apporter sa sensibilité, son humour et ses super idées.
Pour Cache-cache dinos, nous n’avions aucun impératif, nous avons pris notre temps. Nous avons beaucoup échangé, et finalement ce premier livre est le résultat d’un vrai travail d’équipe.
La conception du deuxième a été un peu différente. Nous avions un délai à respecter et de nouvelles contraintes. Concevoir une suite s’avère plus compliqué, je trouve, qu’écrire un album « unique ». Nous avons travaillé chacun de notre côté. Mais quand il y avait une difficulté, quand je bloquais sur le texte ou lui sur une image, on essayait de se trouver l’un l’autre des solutions, bien épaulés aussi par Gilberte Bourget notre éditrice.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?
J’ai toujours aimé les livres, le papier, les histoires, mais après un bac littéraire, je ne savais pas vraiment ce que je voulais entreprendre. J’ai entamé des études d’Histoire et d’histoire de l’art. C’était passionnant. Mais je ne voyais pas d’application concrète et professionnelle à tout ça. Alors j’ai changé de cap avec un BTS édition. La bonne idée ! Il m’a ouvert les portes de l’école Estienne : l’école du livre, le support de toutes les histoires, le Saint Graal ! C’est là, qu’en plus de m’être nourrie de graphisme, d’images, de typographies, de concepts et de belles rencontres, je me suis mise, grâce à mon professeur de français, à écrire des nouvelles.
Aujourd’hui je suis graphiste. Je fabrique des images qui racontent des histoires, des images qui ont du sens, enfin, j’espère.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Quand on était enfants, on se racontait beaucoup d’histoires avec mon petit frère ou avec mes ami.e.s, pour s’endormir, pour rêver, pour jouer. Des histoires qu’on avait lues et qui nous avaient plu, des histoires qu’on inventait aussi. Chacun notre tour, on essayait d’imaginer une histoire meilleure que la précédente.
Petite fille, je dévorais les Astrapi, J’aime lire et Je bouquine. Je me souviens aussi particulièrement d’un des premiers vrais livres que j’ai lus toute seule : Les Malheurs de Sophie. Ce livre était un très bel objet. Un livre relié comme un livre de grand, avec une couverture qui n’avait rien des codes enfantins, presque comme une tapisserie en toile de Jouy. Mais cette histoire, je ne l’ai pas du tout aimée. C’était la première fois que ça m’arrivait. (Note pour plus tard : il faudrait que je la relise aujourd’hui.)
Adolescente, je me suis prise de passion pour les romans historiques, les sagas, les gros livres, les pavés. Si, en plus de l’Histoire, j’y trouvais une histoire d’amour en filigrane, je n’en décrochais pas ! Entre deux, je piquais les BD de mes frères.
Quelques mots sur vos projets ?
J’ai récemment soumis quelques histoires à mon éditrice. Je croise les doigts ! D’autres sont encore en germination. Il est question de fées, de voyages, d’amour, de différence…
Je nourris aussi le défi secret de mener à terme un projet de A à Z : texte et illustrations. Mais il me faudra d’abord me débarrasser de quelques complexes. Ce n’est donc peut-être pas pour tout de suite !
Bibliographie :
- Muséum dinos, texte illustré par Jean-Baptiste Drouot, Hélium (2016).
- Cache-cache dinos, texte illustré par Jean-Baptiste Drouot, Hélium (2015).
Parlez-moi de… D’une rive à l’autre
Régulièrement, on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur.e, son illustrateur.trice et/ou son éditeur.trice. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a plu. Cette fois-ci, c’est sur D’une rive à l’autre, que nous revenons avec son auteure (Cécile Roumiguière) et son illustratrice (Natali Fortier).
De « Entre deux rives, Noël 43 » à « D’une rive à l’autre »
Entre deux rives est mon premier album réédité, et j’en suis très heureuse ! Sa première version, D’une rive à l’autre, Noël 43, n’était plus disponible depuis un moment, et j’aime tellement le travail de Natali !
Revenons au commencement…
Il était une fois, une éditrice qui me demande si j’ai des idées pour une histoire de Noël. Je n’ai alors écrit qu’un album, À l’ombre du tilleul (illustré par Sacha Poliakova), et je suis ravie qu’on me demande d’en écrire un autre. Mais Noël n’est pas un sujet auquel j’aurais pensé toute seule, je ne suis pas très Père Noël, ni sapin enguirlandé, encore moins crèche ou santons. La demande reste quand même présente dans ma tête. Je réfléchis à ce que représente Noël. Au-delà du côté commercial, au-delà du religieux, Noël marque le passage d’une saison à une autre, la sortie de l’hiver, la (re)naissance, la réconciliation…
Quelques jours après, j’écris d’un jet ce qui allait devenir Entre deux rives… Un texte plus long que ce qu’on gardera dans l’album*, mais l’essentiel est là.
Du fin fond de l’enfance
L’histoire se passe en Aveyron, sur les terres de la famille de ma mère. Je lui fais lire l’histoire. Elle me téléphone, me demande comment je savais que « la Dourdou » était fâchée avec mon grand-père et qu’elle était « accoucheuse »… Je ne le savais pas. Ou plutôt, je ne savais pas le savoir. J’ai dû entendre les adultes parler de ces histoires de fâcheries toute petite, les enterrer tout au fond de ma mémoire d’enfant, elles ont refait surface avec l’écriture. Cette sensation d’avoir puisé dans des lieux insoupçonnés de l’enfance colore le lien que j’ai avec cet album. Un lien d’autant plus fort que ma demande côté illustrations est suivie : Natali Fortier va illustrer l’album !
Natali qui trace avec ses couleurs des dessins sur papier noir, qui gratte pour refaire naître le noir et éclabousser de douceur toute l’illustration. Natali qui cherche à la bibliothèque des intérieurs des années quarante pour rester au plus près de l’histoire et fait brouter un caribou près de l’église d’un village aveyronnais… Je ne pouvais rêver mieux !
Une vie d’album
L’album sort pour Noël 2006. Je découvre à cette occasion que les saisons sont courtes en librairie : dès Noël passé, le livre disparaît des tables, sauf chez quelques libraires qui le suivent et le mettent en avant longtemps (merci à « L’Oiseau Lire » à Évreux, entre autres belles librairies). Avec Natali, on reprend nos droits quelques années plus tard.
En 2013, Carole Chaix me présente Laurence Nobécourt qui monte sa maison d’édition « À pas de loups ». Elle n’a ni format ni idée préconçue, que l’amour des beaux livres, des illustrations fortes, atypiques, et des histoires où le sens et le style se font écho. Plus tard, en pleine création de S’aimer, je lui parle de Entre deux rives… Elle aime l’histoire, elle aime les illustrations… elle dit « banco ».
La renaissance
Natali est d’accord aussi. On a toutes les deux beaucoup d’interrogations. Le travail qu’on a fait en 2005 ne correspond plus à ce qu’on fait aujourd’hui. Nos styles, nos façons d’écrire, d’illustrer, bougent, évoluent. Faut-il retoucher le texte, l’image ? Ou laisser en l’état ? Avec Laurence, on se met d’accord assez vite sur le fait de garder texte et images tels qu’ils sont mais d’épurer la maquette, de donner plus d’air au livre, aux images, en enlevant des fonds. La couverture aussi sera retravaillée.
Et le titre…
Le titre de l’album de 2006 avait été sujet de discussions infinies, il était le résultat un peu bancal d’un compromis. Avec Natali, on a profité de cette nouvelle parution pour en trouver un plus évident, tout en gardant l’idée de « rive » pour préserver le lien avec la première version.
D’une rive à l’autre a retrouvé le chemin des librairies en octobre dernier. En juin prochain, avec Natali et Laurence, on ira le lire et le présenter au Mémorial de la Shoah…
D’une histoire l’autre
*Pour la petite histoire, cette partie du texte qui a été coupée, une histoire d’oiseau et de couteau, est en train de renaître dans un nouveau projet. Les histoires rebondissent les unes sur les autres, des surgeons naissent sur des branches coupées, des personnages font le lien entre un roman et un album, une toile se tisse… non pas d’une rive mais… « d’une histoire à l’autre ».
- Un lien sur la genèse de l’album : https://cecileroumiguiere.com/wp/?page_id=295.
Natali Fortier, illustratrice:
Lorsque j’ai lu le texte de Cécile pour la première fois, j’en ai frissonné, et ce qui est encore plus fort, c’est qu’à chaque fois, il me fait le même effet.
Lors de la première parution, j’avais fait une quantité de dessins impressionnants car c’était un film qui se déroulait dans ma tête.
Les mouvements, les focus, plan en travelling, j’avais envie de tout balancer ce que je voyais.
Dix ans plus tard, Laurence, Cécile et moi on était toutes les trois d’avis qu’il fallait épurer, laisser respirer les mots de Cécile… du souffle dans l’image.
Des pages à suivre comme les pas d’Élise dans la neige.
Je suis très heureuse qu’il ait une seconde vie.
Les saisons ont passé entre les deux rives, entre les deux maisons d’édition, mais ce texte est au présent continuellement.
D’une rive à l’autre Texte de Cécile Roumiguière, illustré par Natali Fortier. Sorti chez À pas de loups (2016). |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !