Quand j’ai découvert l’album Polarman, j’ai tout de suite eu envie d’en savoir plus sur le travail de Gilles Rapaport sur cet album, et c’était aussi l’occasion de parler, avec lui, de son travail en général. Après cette interview, je vous propose de partir en vacances avec un grand nom de la littérature jeunesse : Magdalena !
L’interview du mercredi : Gilles Rapaport
Qui est Polarman, le héros de votre nouvel album ?
Polarman est un « vrai super-héros », il vit à Iqaluit, sur la terre de Baffin, au nord du Canada, au-delà du cercle Arctique. Iqaluit est la capitale administrative des Inuits, ceux qu’on appelait autrefois les Eskimo. Polarman y est une figure. Il y arpente les rues jour et nuit, masqué et habillé de son costume de super héros. Il aide les gens, surtout les enfants. Il est tout le temps disponible pour déneiger, faire des courses, pour les plus vieux, les plus seuls. Il aide les jeunes enfants pour leurs devoirs, il les aide comme il peut à affronter la vie ; il les conseille et les accompagne. Aucun jeune ne fume quand Polarman est là, aucune femme ne boit, personne ne se bat devant lui. Personne ne veut peiner Polarman. Il est très respecté.
Comment avez-vous eu connaissance de l’histoire de ce Polarman, sur Facebook comme le personnage du livre ?
J’ai été à Iqaluit après avoir traversé le Passage du Nord-Ouest à bord d’un brise-glace. J’accompagnais une journaliste qui connaissait l’existence de Polarman. Elle ne savait pas où le trouver, ni même s’il était encore à Iqaluit. Un matin, alors que nous partions sur des îles magiques en face d’Iqaluit, nous l’avons croisé dans la rue. La journaliste a bondi de la voiture, l’a arrêté, je l’ai photographié tout de suite. Nous avons pris rendez-vous le soir même pour qu’il nous raconte son histoire.
Vous lui avez fait lire l’histoire qu’il vous a inspirée ?
Je n’ai jamais envisagé de lui faire lire l’histoire, jusqu’à que le service juridique de Gallimard insiste parce qu’ils m’ont fait comprendre que je parlais d’une vraie personne, pas d’un personnage imaginaire, même si l’histoire l’est. Je lui ai envoyé l’histoire, traduite en anglais, parce qu’il ne parle pas un mot de français. Il a semblé assez content. A demandé quelques ajustements. J’ai accepté de faire un seul changement. La première couverture montrait Polarman porter un ourson blanc sur ses épaules. Là, le vrai Polarman a demandé qu’on l’enlève. En insistant sur le fait que l’Ours blanc n’est pas un animal domestique. On ne peut pas montrer cette image du Grand Nord. Je pense qu’il a eu raison.
Comment est venue l’idée du personnage féminin qui raconte l’histoire ?
Polarman, quand nous l’avons interviewé, a beaucoup insisté sur son impossibilité à avoir en même temps une femme, et s’occuper d’aider les autres. Moi, en l’écoutant, je me disais surtout qu’aucune femme ne voudrait d’un homme aussi sale, tout super héros qu’il était. En rentrant de l’interview, l’histoire s’est naturellement mise en place. Une femme pourrait l’aimer, et sa simple présence, le changerait. De crapaud, il deviendrait prince charmant. J’avais très envie de montrer comment un homme, par amour, peut changer, et sacrément changer !
Parlez-nous de votre voyage au cercle polaire
J’ai eu la chance d’être invité par une journaliste, Laurence Pivot, avec qui j’avais déjà travaillé, à partir sur un brise-glace de la garde côte canadienne, l’Amundsen, traverser le Passage du Nord Ouest. J’y ai passé dix jours extraordinaires, en Arctique, au milieu de paysages fabuleux. J’étais sur un énorme bateau. Tout le monde à bord travaillait. C’est une expédition scientifique. Il n’y avait que deux journalistes : nous, et un artiste conceptuel canadien. Tout ça pour dire, que j’étais toujours seul dehors, au milieu des glaces et des montagnes. C’est une expérience unique. Je devais dessiner. C’était impossible avec la mer. J’ai beaucoup écrit et fait des photos. Il faisait toujours beau. J’ai vu deux ours polaires. J’ai vécu dix jours dans un monde qui ressemble à ce que sera la Terre quand l’Homme aura disparu, ou avant qu’il ne soit là.
Je suis très fan de votre série avec Laurence Salaün, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Ce qui était une blague entre nous est devenu une série à succès. Laurence et moi, sommes mariés. Nous avons trois enfants à la maison. Laurence pense qu’il y a des règles à suivre pour bien vivre ensemble ! Nous, les garçons, prenons beaucoup de libertés avec ces règles… Nous avons pris le parti d’en rire, en essayant de rappeler ces règles à nos enfants. Nous avons glissé au milieu d’autres projets, ce petit livre à liste, comme le disent les éditeurs. Valérie Gautier et Béatrice Decroix ont adoré. Elles ont vu un véritable intérêt au livre. Dont nous n’avions aucune conscience. Dès que les « Règles à la maison » est sorti, il a eu du succès. J’ai tout de suite eu envie de faire un livre qui avait plus de sens pour moi, « les règles à l’école ». Nous avons travaillé avec Emmanuelle Cueff, qui a appris à lire à deux de nos enfants. Il a tout de suite rencontré son public. Finalement nous en avons fait un dernier, pour parler de la famille, et aborder une dimension plus psychologique que quotidienne, des relations entre enfants et parents. Que les livres plaisent autant est une véritable surprise, qui nous rend très heureux. À chaque dédicace, j’ai un immense plaisir, à voir les gens prendre les livres et rire. S’appeler, se les montrer et rire encore plus !
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai fait une école de communication après mon Bac, avec en particulier deux professeurs ; René Botti et surtout Claude Millet, qui m’ont convaincu très vite que je pourrais être illustrateur. Claude et Denise Millet, que j’ai rencontrés quand j’avais 15 ans m’ont emmené dans ce métier. J’ai travaillé tout de suite, surtout en presse, où je me suis rapidement fait un nom. Je n’ai commencé à publier sérieusement des livres en jeunesse, qu’après avoir retrouvé un ami d’enfance, Didier Levy, avec qui nous avons tout de suite été édités à l’École des loisirs et chez Nathan. Dans le même temps, Paul Fustier a pris mon Grand-Père, chez Circonflexe. Et j’ai su que j’avais une voix, un trait, une personnalité intéressante dans l’édition jeunesse. Depuis, je publie régulièrement. Mais je ne veux pas dépendre financièrement des livres, aussi, je fais peu de livres. Mais que des livres dont j’ai vraiment envie. Surtout, je les fais avec des gens que j’aime et apprécie. Sans Alice Liège, Polarman ne serait pas ce livre que vous avez aimé. Sans Valérie Gautier, les Règles ne seraient pas aussi réussies visuellement. Paul Fustier par sa confiance inébranlable m’a permis de faire des livres formidables. Je travaille beaucoup pour les entreprises. C’est avec elles que je gagne ma vie, mais aussi, ce sont elles qui me nourrissent l’esprit. Je fais beaucoup de dessins sur des sujets RH, comme ils disent. Tout ce qui touche aux relations humaines, dans l’entreprise. Dans la vie, en réalité. J’y trouve toute la matière qui me sert ensuite dans mes livres. Sauf quand je traite de sujets historiques. Mais c’est une autre histoire.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je dessine à l’encre de Chine, au pinceau, à la pipette, sur du papier aquarelle, ou machine. Je scanne les dessins, qui souvent sont en petits morceaux ; un visage là, un bras ici, le nez ailleurs. Je bricole le dessin à l’ordinateur, puis je le mets en couleurs sur Photoshop. Toutes les mises en couleurs de Règles ont été faites par Laurence, qui a introduit une palette colorée dans mon travail bien plus subtile que la mienne !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Quelle question !!! Je ne m’en souviens pas vraiment. Quand s’arrête l’adolescence ? Je lisais énormément de bandes dessinées, tellement, que j’en ai fait une overdose. Je n’en regarde pratiquement plus depuis 20 ans ! Hugo Pratt était mon auteur préféré. J’étais fasciné par Moëbius, et Druillet. Reiser pour les dessins de presse. Tout Charlie Mensuel et Pilote, de cette époque. Je lisais beaucoup, et les premiers livres qui me viennent à l’esprit sont ceux de Frison Roche. Mais il y en a eu des centaines d’autres. Dont toute la bibliothèque verte et les Rouge et or de l’époque.
Où avez-vous prévu de nous embarquer après Polarman ?
Je voudrais retourner dans le temps, à l’époque où le premier homme est arrivé sur terre. Mais il n’était pas le premier…
Bibliographie sélective :
- Polarman, texte et illustrations, Gallimard Jeunesse (2016).
- En famille, il y a des règles !, illustration d’un texte de Laurence Salaün, Seuil Jeunesse (2016).
- À l’école, il y a des règles !, illustration d’un texte de Laurence Salaün, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Avant Maintenant Après, illustration d’un texte de Catherine Grive, Seuil Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Mon grand-père, illustration d’un texte de Christine Schneider, Seuil jeunesse (2014).
- Les trois poils de la barbe d’or du diable, illustration d’un texte de François-Marie Luzel, Le Génévrier (2014).
- À la maison, il y a des règles, illustration d’un texte de Laurence Salaün, Seuil Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Alex et Léon dans les camps français 1942/1943, illustration d’un texte de Rolande Causse, Circonflexe (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le Gros Ralbum de tous les y’en a marre !, illustration d’un texte d’Élisabeth Brami, Seuil Jeunesse (2013).
- Un homme, texte et illustrations, Circonflexe (2007).
- La nuit du doudou, illustration d’un texte de Didier Lévy, l’école des loisirs (1999).
- Un cœur qui bat, illustration d’un texte de Didier Lévy, l’école des loisirs (1999).
- Grand-Père, texte et illustrations, Circonflexe (1999).
Retrouvez Gilles Rapaport sur son site http://www.gilles-rapaport.com.
En vacances avec… Magdalena
Régulièrement, je pars en vacances avec un.e artiste (je sais vous m’enviez). Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la.le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet.te artiste va donc profiter de ce voyage pour me faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle.il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il.elle veut me présenter et c’est elle.lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Magdalena que je pars ! Allez en route !
5 albums jeunesse « d’hier »
- Max et les Maximonstres
- Les 3 brigands de Tomi Ungerer
- Le géant de Zéralda de Tomi Ungerer
- Mon premier album d’Alice au pays des Merveilles de Lewis Carroll
- Le pays des 36 000 volontés d’André Maurois (ce n’est pas un album mais un des premiers livres dans la bibliothèque rose que j’ai lu et relu des dizaines de fois quand j’avais 6 ans).
5 albums jeunesse « d’aujourd’hui »
- Mon jardin de Christine Davenier
- Je suis un humain qui peint d’Alain Serres et Laurent Corvaisier
- Loup d’Olivier Douzou
- Louna au musée d’Héléna Perez Garcia
- Devine combien je t’aime de Sam Mc Bratney et Anita Jeram
5 romans
Et tous les livres de ces 3 auteurs que j’ai tirés au sort car j’en aime trop !
- Alison Lurie
- Anita Brookner
- Laurie Colwin
5 DVD
- Les ailes du désir de Wim Wenders
- Je ne suis pas là pour être aimé de Stéphane Brizé
- In the mood for love de Wong Kar Wai
- The taste of tea de Katsuhito Ishii
- Lady Chatterley de Pascale Ferran
Et en bonus
- Mary Poppins de Disney version 1964
- Alice de Woody Allen
5 CD
En général j’écoute surtout la radio BBC Two mais il y a les CD des artistes incontournables de ma« CDthérapiethèque »
- Stacey Kent
- Tori Amos
- Katie Melua
- Feist
- Rufus Wainwright
- Léonard Cohen
5 artistes
- Mark Rothko
- Edward Hooper
- Basquiat
- Botero
- Niki de Saint Phalle
5 BD
Pas de BD quand j’étais enfant elles étaient interdites à la maison, du coup je suis une inculte en BD… tout reste à découvrir !
5 lieux
- Derrière toutes les baies vitrées qui ont de la vue, dans un hôtel à New York avec vue sur Times Square la nuit, à Ceret avec vue sur le Canigou au lever et coucher du soleil, chez moi avec vue sur les marronniers et les écureuils…
- Tahiti de mes années d’enfance avec l’odeur du Tiaré.
- Barcelone pour entendre parler espagnol, respirer les odeurs de poivrons frits à l’huile d’olive et manger au petit déjeuner du « pan con tomate y jamon »
Magdalena est auteure.
- Les monstres de la nuit, album illustré par Christine Davenier, Père Castor (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Dans le noir de la nuit, album illustré par Christine Davenier, Père Castor (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Série Je suis en CE1, romans première lecture illustrés par divers.es illustrateurs.trices, Père Castor (2015-2016), que nous avons chroniqué ici.
- Série Les contes du CP, romans première lecture illustrés par divers.es illustrateurs.trices (2014-2016), que nous avons chroniqué ici.
- Louna et la chambre bleue, album illustré par Christine Davenier, Kaléidoscope (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La princesse Tralala. Une histoire qui joue avec les voyelles, album illustré par Gwen Keraval, Père Castor (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Pipi Caca Popot, album illustré par Claire Frossard, Père Castor (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La petite fille du tableau, album illustré par Elsa Huet, Kaléidoscope (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Série Je suis en CP, romans première lecture illustrés par divers.es illustrateurs.trices, Père Castor (2011-2016), que nous avons chroniqué ici.
- La princesse rosebonbon, album illustré par Éléonore Thuillier, Kaléidoscope (2010).
- Série Bali, albums illustrés par Laurent Richard, Père Castor (2009-2015), que nous avons chroniqué ici.
- 24 petites souris vont à l’école, album illustré par Nadia Bouchama, Père Castor (2004), que nous avons chroniqué ici.
- La princesse Tambouille, album illustré par Marianne Barcillon, Kaléidoscope (2003).
- La semaine de souris chérie, album illustré par Maïté Laboudigue, Kaléidoscope (2001).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !