Les romans de Madeline Roth font partie de ceux qui marquent, qui nous bouleversent. J’ai eu envie de parler avec elle de son dernier, Tant que mon cœur bat, et de revenir ensemble sur son parcours. Ensuite, je vous propose de partir en vacances avec Martine Delerm, c’est parti !
L’interview du mercredi : Madeline Roth
Qui sont Bastien et Esra, les héros de Tant que mon cœur bat ?
Bastien est un jeune lycéen, en première. Esra est en seconde dans le même lycée que lui. Ils se rencontrent, et Bastien comprend assez vite qu’Esra vit quelque chose de compliqué. Une histoire d’amour qui la dépasse. Bastien est l’ami, le confident. Celui qu’Esra appelle au secours quand elle comprend qu’elle doit sauver sa peau.
Il y a aussi Laura et Cyril…
Laura et Cyril sont les héros du second texte de ce recueil : Et grandir maintenant. Les prénoms sont un clin d’œil au film Les Nuits fauves, qui m’avait bouleversée à sa sortie. Laura rencontre Cyril à quatorze ans, dans une boîte de nuit. Pendant des années, Laura va aimer Cyril, pour le peu qu’il lui donne : se voir et faire l’amour. Le texte s’ouvre des années plus tard, lorsque Laura a vingt-trois ans. Se déroule alors leur parole à tous les deux.
Quel est le point commun entre ces deux histoires, pourquoi les avoir réunies ?
J’ai d’abord envoyé à mon éditrice le premier texte, Elle une marionnette, qui était trop court pour être publié seul. Elle a eu l’intelligence de ne pas me demander d’en faire un récit plus long, mais de le publier avec un autre texte. Raccourcir un texte est toujours possible, mais l’augmenter, c’est une très mauvaise idée je crois.
La deuxième histoire est proche de la première parce qu’Esra et Laura se ressemblent. Elles ont la même envie de vivre, la même soif de grand, d’intense, de fort. Et face à elles deux, des hommes qui en jouent, ou qui ne la comprennent pas.
Le titre de À ma source gardée venait d’une chanson de Pierre Lapointe, d’où vient celui de Tant que mon cœur bat ?
J’ai toujours trouvé ça très compliqué, de trouver le bon titre… Pour ce livre, j’ai cherché dans des poèmes. D’abord dans ceux de Marina Tsvetaeva, une poétesse russe que je cite dans le livre, et puis je suis tombée sur une strophe d’Alfred Musset, dans un poème qui s’intitule À mon ami Alfred T. :
« Et, que demain je meure ou que demain je vive
Pendant que mon cœur bat, t’en donner la moitié »
J’ai juste changé le « pendant » en « tant que », et voilà !
En tant que libraire, vous devez lire beaucoup de romans, et connaître les attentes des lecteurs et lectrices, ce sont des choses qui vous influencent ?
Les attentes ? Oh non ! Je n’écris pas en pensant aux lecteurs ou lectrices, ou très peu. J’écris parce qu’un jour des personnages naissent, et qu’il y a une absolue nécessité à les faire vivre, parler, comprendre ce qu’ils vivent. J’écris d’abord pour moi, peut-être ne devrais-je pas le dire, mais c’est comme ça ! Être libraire me donne une chance inouïe, celle de pouvoir lire énormément de livres, et les conseiller, en débattre, s’enflammer pour un texte qui me bouleverse… Pour des voix, aussi. La littérature, pour moi, ça ne marche pas juste avec des histoires. C’est une histoire + une voix.
Quand avez-vous commencé à écrire ?
Très tôt, je pense. Je remplissais des journaux intimes dès l’âge de neuf/dix ans. J’ai écrit beaucoup de lettres, aussi. Et le premier récit que j’ai vraiment inventé, la première « fiction », j’avais quatorze ans. Et c’était déjà une histoire d’amour… J’ai eu la chance, dans mon métier, de rencontrer énormément d’auteurs et d’éditeurs qui m’ont encouragée.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Ma mère nous a toujours lu et acheté beaucoup de livres. C’est un cadeau immense, c’est le plus beau qui soit. Les contes du Père Castor (Les bons amis, Poulerousse, Cigalou….), les histoires de Pomme d’Api, puis les romans, surtout ceux publiés à l’école des loisirs (Marie-Aude Murail, Susie Morgenstern, Judy Blume…). Adolescente, j’ai un peu dévoré tout ce que je trouvais, des classiques qu’on étudiait au lycée, de la poésie, des romans contemporains… Le premier livre « pour adultes » que j’ai lu, c’était 37,2 le matin, de Philippe Djian, quand j’avais quatorze ans. Ça a été une vraie claque. Le personnage de Betty, je crois qu’il m’accompagne encore aujourd’hui.
Quelques mots sur vos projets ?
J’en ai plein ! J’adorerai écrire aussi des textes d’albums, ou de bande dessinée. Mais là tout de suite, j’essaie d’écrire un recueil de nouvelles, pour adultes. Et c’est très dur ! On lit peu de nouvelles en France, et c’est dommage. Aux États-Unis, les écrivains commencent beaucoup par là, en ateliers d’écriture par exemple, à l’université. J’essaie de me coltiner à ça, parce que j’aime les formats courts, et l’intensité qui se déploie dans ce type d’écrit.
Bibliographie :
- Tant que mon cœur bat, roman, Thierry Magnier (2016).
- À ma source gardée, roman, Thierry Magnier (2015), que nous avons chroniqué ici.
- L’été de Léa, roman, Sarbacane (2015).
En vacances avec… Martine Delerm
Régulièrement, je pars en vacances avec un.e artiste (je sais vous m’enviez). Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la.le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet.te artiste va donc profiter de ce voyage pour me faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle.il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il.elle veut me présenter et c’est elle.lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Martine Delerm que je pars ! Allez en route !
Voilà quelques choix pour les vacances. Évidemment, c’est compliqué de choisir… Alors, je l’ai fait très vite, un peu comme quand on doit boucler ses valises et qu’au dernier moment on se dit « Mince j’aurais pu prendre un disque, un livre ! ». On choisit à la hâte, une heure plus tard, on aurait fait un autre choix !
Albums jeunesse :
- Le collectionneur d’instants, Quint Buchholz (Milan)
- Le magicien d’Oz, illustré par Lisbeth Zwerger (Nord-sud)
- Gratte-Paillette, Elzbieta (Pastel)
- Sol-Ägget, Elsa Beskow (Bonnier) il y a sans doute eu une traduction L’œuf du soleil (chez Garnier)
- Le gardien de l’oubli, Gisbert/Ruano (Syros)
- Un amour sans paroles, Didier Blonde (Gallimard)
- Retour aux villas sans soucis, Georges Kolebka (Castor Astral)
- Carnet Vénitien, Liliana Magrini (Le promeneur)
- Le livre d’un été, Tove Jansson (Livre de poche)
- La Théorie des nuages, Stéphane Audeguy (Gallimard)
- Les gens de Dublin, John Huston
- Dix hivers à Venise, Valerio Mieli
- Confidences trop intimes, Patrice Leconte
- Brodeuses, Eléonore Faucher
- Ma nuit chez Maud, Eric Rohmer
- Akö, Blick Bassy (Sof)
- Svarta ballader, Sofia Karlsson (A amigo)
- The three ravens, Alfred Deller (The Bach Guild)
- Pierre Lapointe seul au piano, Pierre Lapointe (Wagram)
- Mirel Wagner (Bone voyage)
Artistes :
- Karin et Carl Larsson
- Julos Beaucarne (pour l’artiste et l’homme)
- Michel Ocelot
- Miss.Tic
- Delphine Seyrig (pour l’artiste et la femme)
Lieux :
Cher Gabriel, je vous inviterais bien
- à passer un moment dans la beauté silencieuse du Campo San Francesco della vigna à Venise avant de boire un spritz sur celui si vivant de San Giacomo dall’ Orio.
- à marcher dans les rues ignorées de Bruges et à dîner dans la pénombre flamande du Gran Kaffée de passage.
- à pique-niquer sur le quai Montebello en attendant que la nuit tombe sur Paris et que s’allument Notre-Dame, les ponts et les fenêtres.
- à vivre dans une maison de bois rouge, près d’un lac, en Dalécarlie, quelque part au nord de la Suède
- à goûter la brume de Goury au nord du Cotentin, là où le paysage se prend pour l’Irlande.
Martine Delerm est auteure et illustratrice, elle vient de sortir, au Seuil, un magnifique livre sur son travail, Secrets d’album, où l’on retrouve un long entretien avec Philippe Delerm, des textes sur son œuvre, sa façon de travailler et bien plus de choses encore.
Bibliographie sélective :
- Le Pays d’avant, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2016).
- La fée sans elle, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici
- Les inconstances de Constance, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Juste en soi, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La petite fille sans allumettes, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Jeanne cherche Jeanne, roman, Folio Junior (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Annabelle et les cahiers volants, texte et illustrations, Éditions du Jasmin (2011).
- Marie banlieue, roman, Gallimard (2009).
- Barnabé peintre d’ombres, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2009).
- Antigone peut-être, texte et illustrations, Panama (2007).
- Funambule, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2007).
- Marie-Marine et l’océan, texte et illustrations, Panama (2005).
- Papiers de Soi, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2002).
- Fragiles, illustrations de textes de Philippe Delerm, Seuil Jeunesse (2001).
- Origami, texte et illustrations, Ipomée (1990).
- La petite fille incomplète, texte et illustrations, Ipomée (1989).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !