Nathalie Minne fait partie de ces auteur.e.s/illustrateur.trice.s dont on attend toujours avec impatience le nouvel album. En attendant Mon amie la sirène qui sortira en octobre 2016, j’ai eu envie de lui poser quelques questions. Ensuite, c’est Manon Jaillet (de la magnifique maison d’édition d’images, La maison est en carton) l’invitée de notre rubrique Le coup de cœur/coup de gueule. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Nathalie Minne
Parlez-nous de votre parcours
Pour trouver ma route, je me suis promenée dans différentes directions pour finalement m’arrêter à l’École Supérieure d’Arts Graphiques (ESAG) à Paris. Mes choix m’ont finalement ramenée à un amour des images que j’ai depuis toute petite. Ces 5 années de graphisme m’ont donné le goût des signes et de leur message. Puis, j’ai partagé cette passion dans différents ateliers de graphistes pendant… plusieurs belles années. L’arrivée de mes enfants m’a donné l’envie de chercher comment leur raconter et leur dessiner des histoires, comment nourrir leurs regards, leurs oreilles, de façon à les rendre ouverts, heureux, critiques, curieux avec du rêve.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Je n’étais pas une grande lectrice. Je préférais courir dans les champs et les bois autour de la maison et passer du temps à la ferme d’à côté. Mes « lectures » étaient surtout visuelles. J’aimais tracer un chemin à travers les hautes herbes d’un pré fleuri d’herbes folles, observer les animaux pendant de longues heures depuis une cachette dans la forêt, approcher tout doucement un oiseau jusqu’à le toucher, organiser des courses d’escargots de toutes les couleurs. J’aimais les livres d’images. Je collectionnais des images d’animaux que je choisissais et découpais soigneusement dans des magazines pour les coller dans un grand cahier à spirales. Je fabriquais aussi des cahiers de voyages et des cahiers de mots que j’aimais. Mais, de mes lectures de livres sans images, je n’ai pas beaucoup de souvenirs.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je travaille en collages. Je prépare mes papiers avec du pastel ou du crayon ou de la peinture. Je choisis ensuite les morceaux que je vais découper suivant leur couleur, leur lumière, leur vibration, leur silence aussi. J’aime organiser ces formes abstraites qui « jetées » sur une feuille de papier vont raconter un village, une forêt, la mer, le ciel.
Comment est né le personnage qu’on retrouve dans vos trois albums ?
C’est l’histoire d’un petit homme qui ne trouvait pas sa place dans le monde qui parle…
Je voulais raconter une histoire destinée aux enfants pour lesquels les mots sont un mystère, les enfants perdus du langage pour leur donner le courage d’affronter leur peur. Le petit voleur de mots est arrivé doucement, avec patience et détermination.
Tous vos albums sont sortis chez Casterman, c’est une maison dans laquelle vous vous sentez particulièrement bien ?
Casterman est la maison d’édition qui m’a accueillie et guidée dans la réalisation de mon premier album puis des autres. Je dois beaucoup à mon éditrice Brigitte V. qui a toujours été à l’écoute de mes doutes, de mes peurs, de mes rêves et de mes envies et cela tout en respectant mon rythme de travail.
Quelques mots sur Le petit voleur de temps, votre dernier album ?
À la fin de l’histoire, dans mon premier album le petit voleur de mots tombe amoureux d’une petite fille. J’ai voulu donner une suite à ce début d’histoire. Une histoire d’amour m’a semblé être la meilleure façon de parler du Temps. Comment attraper le Temps et le raconter à des cœurs d’enfants ? Sur quel temps les cœurs d’enfants battent-ils ? Le petit voleur de temps les invite à une promenade au fil des mots du Temps qui passe le temps d’une semaine ponctuée par l’avant et l’après d’un petit rendez-vous amoureux.
Quels sont vos projets ?
Mon album Mon amie la sirène sortira en octobre prochain. C’est un album avec un nouveau personnage.
Le petit voleur reviendra sans doute dans une autre histoire un peu plus tard encore…
Bibliographie :
- Le petit voleur de temps, texte et illustrations, Casterman (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit garçon de la forêt, texte et illustrations, Casterman (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit voleur de mots, texte et illustrations, Casterman (2009), que nous avons chroniqué ici.
Prochainement :
- Mon amie la sirène, texte et illustrations, Casterman (octobre 2016).
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Manon Jaillet
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur.e, illustrateur.trice, éditeur.trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché, ému ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il.elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé.e. Cette semaine, c’est Manon Jaillet qui nous livre son coup de cœur et son coup de gueule.
Je ne sais pas si on peut appeler cela coup de gueule, je dirais plutôt « coup d’inquiétude »…
La place du livre dans les établissements scolaires m’interroge. En observant les pratiques dans différents établissements, j’ai constaté que beaucoup de classes ne travaillent plus sur des manuels scolaires, mais sur des photocopies. Leurs cartables sont remplis de photocopies d’albums, de romans, de leçons de manuels scolaires… Parfois même certains enseignants photocopient des pages de livres où il est pourtant écrit dans la marge : « interdit à la reproduction ». Comment apprécier un album aux illustrations chatoyantes lu sur des photocopies format réduit en noir et blanc ? Comment avoir envie de lire un roman dont les pages sont photocopiées par quatre sur un A4 et qu’on ne sait pas dans quel ordre les lire ? Comment plonger au cœur d’un polar lu collectivement en classe, projeté sur un écran ?
Certaines collectivités mettent à disposition des enfants des ordinateurs portables… Je n’oppose pas le numérique au livre, mais est-ce judicieux de mettre de tels budgets dans des ordinateurs pour toutes les familles alors que la plupart sont équipées ? Ne serait-il pas plus opportun de proposer une aide ciblée à ceux qui ne sont pas équipés en matériel informatique et de réserver ces « budgets d’équipements numériques » aux livres ? L’accès aux livres, à la culture est aujourd’hui un point d’inégalité bien plus important que l’accès à l’informatique. Quels moyens, quels budgets sont prévus pour l’achat de livres dans notre système éducatif ? Tous les enseignants sont-ils informés des règles concernant les photocopies ? Savent-ils qu’ils ne peuvent reproduire que 10 % d’un ouvrage et ont droit à un maximum de 80 copies par an et par élève ? (voir centre français du droit d’exploitation de la copie). Quand j’évoque ce sujet, je ne pense même pas aux droits des auteurs et des éditeurs floués par ces pratiques mais bien aux adultes de demain à qui l’éducation ne donne pas toujours accès aux outils essentiels de construction individuelle. Donner les clés de l’accès à la connaissance pour des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines à l’heure où chacun a l’impression d’avoir le bonheur et les connaissances accessibles au bout de l’écran… N’est-ce pas là l’essentiel ?
Je crois que le livre est un objet affectif, que plonger dans l’imaginaire, la fiction, l’image dans cet objet papier est essentiel pour la construction individuelle et le mieux vivre ensemble. Je crois que la recherche documentaire uniquement sur internet ne permet pas à nos enfants de faire le tri entre l’information « vraie » et les points de vue de chacun. Je crois qu’équiper les bibliothèques en liseuses est un gouffre financier sachant que tous les trois ans il faut renouveler les équipements devenus obsolètes.
Je crois que nous devons remettre au cœur de nos préoccupations la place du livre, la pratique de la lecture, l’accès à la culture, le rôle des bibliothèques, les pratiques de l’école… Rien n’est acquis ! Quelles seront les conséquences sur les prochaines générations…?
Coup de cœur pour l’imagination, le rêve, la fiction et la pratique artistique pour tous.
À l’heure où le nombre d’ouvrages dits de fiction donnent une place prépondérante aux récits de faits réels, aux livres qui soignent, aux livres qui expliquent… je crie haut et fort vive l’imaginaire ; la lutte contre la crise passera par l’imagination ! (comme le dit si justement Valérie Cussaguet des éditions les fourmis rouges).
Notre maison d’édition aura 10 ans en 2017, nous avons mis au cœur de notre projet les artistes, l’approche de l’écrit et de l’image par d’autres biais que les ouvrages classiques, notre idée étant d’offrir des portes d’entrées diverses pouvant permettre au plus grand nombre de bénéficier des bienfaits de l’art et de la culture.
Jusqu’à aujourd’hui notre ligne était concentrée vers l’enfance et la jeunesse mais récemment nous avons été associés à un projet « Nous vieillirons ensemble » tourné vers nos anciens qui a donné lieu à la publication d’un ouvrage. Une initiative partie du postulat que la pratique d’une activité artistique et la confrontation à des œuvres d’art stimulent la personne âgée et participent au bon vieillissement de celle-ci et, c’est une réussite !
Ainsi les personnels de soins à domicile ont été accompagnés d’artistes. Après une année de rencontres, au travers des témoignages de ceux qui y ont participé, on entrevoit déjà les transformations profondes sur le « prendre soin » et sur « le regard vers l’autre » qu’elles ont pu entraîner.
Nous sommes convaincus que donner à lire ce projet au plus grand nombre est nécessaire afin d’apporter une réflexion profonde sur la place que nous donnons à nos anciens et aussi à nos enfants, aux adultes de demain dans notre société.
Cette initiative riche et émouvante nous conforte dans notre idée que la création artistique est essentielle pour tous, que l’Art est particulièrement adapté aux échanges intergénérationnels, un outil incroyable de développement, de mieux-être et de bien-vivre ensemble.
Lien vers Nous vieillirons ensemble : http://www.lamaisonestencarton.com/?ig=833&id=156
Manon Jaillet est éditrice chez La maison est en carton. Si vous ne connaissez pas foncez sur leur site, c’est LE site si vous voulez de belles images (à tout petit prix), mais on y trouve aussi des livres (comme Auprès de mon arbre qu’on a chroniqué ici), de belles toises, des grandimages (dont À la piscine et Chez mémé qu’on a chroniqué ici), des coloriages (comme Un jour dans la forêt Toc Bou Toc Zoï / Une nuit dans la forêt Toc Bou Toc Zoï qu’on a chroniqué ici) et bien d’autres choses encore ! Le site (indispensable) : http://www.lamaisonestencarton.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Bonjour,
Sur vos conseils, j;’ai foncé sur le site la maison est en carton et j’ai commandé une belle affiche pour ma fille… J’ai été prélevée mais je n’ai jamais reçu ma commande et je n’arrive à contacter personne. Auriez-vous un contact ? Je vous remercie, Claire
Bonjour,
Oh zut ! Je vous envoie le contact que j’avais par mail (mais il date)
Gabriel