Aujourd’hui, c’est une interview un peu particulière que nous vous proposons. Déjà parce que c’est la première que je réalise pour la Mare aux mots – et quelle première ! -, ensuite parce que c’est la dernière avant la rubrique d’été (vous retrouverez les rubriques d’interviews habituelles à la rentrée). Pour cette dernière, nous voulions vous faire un beau cadeau… et nous sommes allés à la rencontre des talentueux Timothée de Fombelle et François Place pour leur poser quelques questions à propos des 10 ans de Tobie Lolness. 10 ans déjà que le petit Tobie et son millimètre et demi ont fait leur apparition sur la planète littérature jeunesse. Pour fêter cet anniversaire, Gallimard a décidé de rééditer le roman en une magnifique édition ! Alors, n’hésitez pas à replonger dans cette vie minuscule entre les arbres. Une décennie plus tard, Tobie Lolness est toujours aussi fort, aussi émouvant, aussi éblouissant… Qui a dit que la littérature jeunesse ne pouvait pas rivaliser avec son aînée ?
L’interview du mercredi : Timothée de Fombelle et François Place
D’où vous est venue l’idée de Tobie Lolness et de cette vie minuscule dans les arbres ?
Timothée de Fombelle : Les bonnes idées viennent toujours en ouvrant grands les yeux ! Quand j’étais enfant, je regardais les arbres et je me disais qu’un peuple qui aurait grandi dans les cimes se poserait les mêmes questions que nous. Y a-t-il une vie en dehors de l’arbre ? Petit à petit ce monde est né dans ma tête, puis sur la page.
Sans être un texte à message, Tobie Lolness demeure une fable sur notre monde contemporain. 10 ans après, l’auriez-vous écrit différemment ?
TdF : Sur ses grands enjeux, je n’écrirais pas autre chose. Le thème principal de Tobie est celui de la fragilité. Cette préoccupation est aujourd’hui au cœur de notre monde. Encore plus qu’il y a dix ans. Pour la construction et l’écriture, oui, je l’écrirais sûrement différemment aujourd’hui… Et j’aurais tort ! C’est l’énergie d’un premier roman qui fait sa force…
Pourquoi s’être tourné vers la littérature jeunesse ? Que vous permet-elle de plus que la littérature adulte ?
TdF : Le livre pour la jeunesse permet de faire de la littérature sans s’en rendre compte. C’est une cachette où s’épanouit l’imaginaire. Oui, j’ose beaucoup plus en littérature jeunesse que ce que j’écrirais pour les adultes. J’ose des sujets plus vastes, moins prudents. Étrangement, en pensant aux plus jeunes, j’écris plus grand, avec des mondes plus complexes. Mais je serais incapable de faire un portrait-robot de mon lecteur. Ça peut être une fille de treize ans, mais c’est souvent aussi son père de 40 ans, sa grand-mère… et son petit frère ! D’ailleurs, en faisant le bilan de ces dix ans, le mélange des générations est la plus belle surprise pour moi.
Comment vous êtes-vous rencontré avec Timothée de Fombelle ?
François Place : J’ai rencontré Tobie avant Timothée puisque j’ai reçu son manuscrit sans le connaître. Timothée a eu la gentillesse de se déplacer jusque dans mon atelier pour parler des illustrations.
Et il m’a laissé libre d’interpréter son livre. C’est une grande chance d’avoir à illustrer un texte comme celui-ci.
Avez-vous tout de suite eu envie d’illustrer Tobie Lolness ?
FP : Non seulement j’en ai eu envie, mais Tobie m’a donné l’occasion d’aller vers des images que je n’aurais pas faites pour moi. C’est un texte qui emporte, littéralement.
Comment s’est passée la confrontation de vos deux imaginaires ? Avez-vous eu « carte blanche » pour illustrer Tobie Lolness ?
FP : Je ne sais pas ce que Timothée imaginait. Il y a juste une difficulté pour les images de ce texte : l’échelle réelle donnée par la hauteur des personnages est à un degré de grossissement tel qu’on ne devrait pas reconnaître l’environnement. J’ai volontairement triché : les décors sont à une échelle où on peut facilement désigner une feuille, une écorce, de la mousse. Pour les costumes, je les ai situés dans de fausses années 30, il y a dans le texte des éléments qui pourraient tirer vers le Moyen-Âge et d’autres qui sont des éléments plus modernes, mais datés (je pense au béret du papa de Tobie, par exemple). Je ne pouvais imaginer le succès qu’aurait ce livre. Ce n’était que le début de la trajectoire de Timothée, et je crois que c’est ce qui est le plus extraordinaire dans ce livre, il y en avait d’autres derrière tout aussi novateurs, tout aussi étonnants : ce n’était, en fait, que le début d’une œuvre magnifique et polymorphe, parce que Timothée joue de tous les registres.
Bibliographie commune :
- Tobie Lolness, roman, Gallimard Jeunesse (2016)
- Victoria Rêve, roman, Gallimard Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Les yeux d’Elisha, deuxième tome de Tobie Lolness, roman, Gallimard Jeunesse (2007)
- La vie suspendue, premier tome de Tobie Lolness, roman, Gallimard Jeunesse (2006)
Bibliographie de Timothée de Fombelle :
- La bulle, album illustré par Éloïse Scherrer, Gallimard Jeunesse (2015)
- Un prince sans royaume, deuxième tome de Vango, roman, Gallimard Jeunesse (2011)
- Entre ciel et terre, premier tome de Vango, roman, Gallimard Jeunesse (2010)
- Céleste, ma planète, roman, Gallimard Jeunesse (2009)
- Je danse toujours, théâtre, Actes Sud (2003)
Bibliographie (sélective) de François Place :
- Angel, l’indien blanc, Casterman (2014).
- Lou Pilouface, tome 1 : Passagère clandestine, Gallimard Jeunesse (2014).
- Le vieil homme et la mer, illustration d’un texte d’Ernest Hemingway, Gallimard Jeunesse (2013).
- Le sourire de la montagne, Gallimard Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le secret d’Orbae, Casterman (2011).
- La douane volante, Gallimard Jeunesse (2010).
- La Fille des Bataille, Casterman (2007).
- Le prince bégayant, Gallimard Jeunesse (2006), que nous avons chroniqué ici.
- Le vieux fou de dessin, Gallimard Jeunesse (2001).
- Le royaume de Kensuke, illustration d’un texte de Michaël Morpugo, Gallimard Jeunesse (2001).
- Les Derniers Géants, Casterman (1992).
Retrouvez notre interview de François Place ici et retrouvez le sur son site internet là.
Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.
Bonjour La Mare aux mots et Bonjour Sarah!!
Et bien félicitation pour cette première interview!! Elle est vraiment très bien et clôture avec succès la période avant les vacances!! J’ai découvert Timothée de Fombelle avec ce livre, Tobie Lolness et j’ai adoré son univers!! J’avais 27 ans!! 😉 Et je commençais à travailler en bibliothèque jeunesse!!
Merci encore pour ce beau mercredi!
Bonjour
Merci Sarah pour cette 1ère interview.
A plus de 40 ans, j’ai adoré lire Tobie, découvert au Salon de Saint Paul 3 châteaux. Je n’ai pas pu lâcher le livre avant la fin et j’ai lu la suite, puis Vango, dès que j’ai pu. Mon fils est encore un peu jeune (8 ans) pour des livres de cette longueur, mais je me doute qu’ils feront partie longtemps de sa bibliothèque.
Sinon, ils resteront dans la mienne…