Cette semaine encore une seule invitée (vous sentez qu’on est un peu sous l’eau ?), mais une nouvelle fois une autrice-illustratrice que j’aime beaucoup : Marianne Dubuc. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Marianne Dubuc
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Comme plusieurs, j’étais une enfant qui adorait dessiner. J’aimais créer des choses avec mes mains. J’étais fascinée, et le suis toujours, par les images, les motifs et les belles choses. Mes parents m’ont toujours encouragée à dessiner, et plus tard à étudier dans ce domaine. J’ai fait des études en Arts et Lettres au Collège Brébeuf, puis un bac en Design Graphique à l’UQÀM. Dans ce programme, j’ai suivi tous les cours d’illustration offerts (trois je crois), mais c’est plutôt une fois sortie de l’école, à temps perdu, que j’ai trouvé le médium avec lequel je me sentais à l’aise. J’ai participé à un concours (LUX/Grafika), et sur le jury il y avait un des éditeurs de La Pastèque. Ils m’ont proposé de faire un livre, et c’est comme ça que tout a commencé.
Les choses se sont faites naturellement par la suite, avec des propositions de collaboration, et des enfants (deux !) qui sont nés au fil du temps. Je travaille depuis le début avec Mathieu Lavoie, que j’ai rencontré à l’université. Il est mon premier lecteur, et je suis sa première lectrice (il est, lui aussi, auteur et illustrateur de livres pour enfants). Nous avons fondé notre propre maison d’(auto)édition en 2017 (NDLR Les éditions Albums), et publions nos livres à notre compte. Avec le temps, j’en suis à plus de 15 livres, traduits en 30 langues, et je peux vivre de mon travail. Je me compte bien chanceuse de faire un si beau métier !
J’aimerais que vous nous disiez quelques mots sur le très beau Chez toi, chez moi, votre dernier ouvrage qui vient de sortir chez Casterman.
C’est une proposition de Casterman : faire un livre dans la même veine que Facteur Souris (qui a eu beaucoup de succès, tant au Québec qu’à l’international… il est traduit en 30 langues !), mais avec un lieu fixe cette fois. J’ai donc exploré l’idée de l’immeuble où on suit le quotidien de plusieurs familles d’animaux.
Quel projet ! Il a été long à faire, et ce durant une année très difficile au plan personnel. Il représente l’aboutissement de beaucoup d’efforts et d’énergie, alors je suis très heureuse de voir qu’il est si bien reçu. Pendant qu’on travaille sur un nouveau livre, on y met beaucoup d’énergie sans savoir s’il aura du succès ou non.
C’est un grand format, ce qui est plutôt rare en édition, et j’ai fait toutes les illustrations au crayon de bois et à l’aquarelle, au format réel.
Comment travaille-t-on sur un album avec autant de détails ?
C’était justement le concept de départ de l’album, tous ces détails. C’est ce qui le rend intéressant. L’étape la plus importante quand je fais ce genre de livre, c’est l’esquisse (le brouillon). C’est à ce moment-là que je réfléchis et que je dessine tous les petits détails. Le défi, pour ce livre-ci, c’était d’écrire l’histoire de chaque famille et de réussir à les faire se croiser les unes et les autres, et que ce soit intéressant à chaque page pour chaque appartement. Je m’étais fait un grand tableau avec la trame narrative de chaque famille, avec des codes couleurs pour voir où les personnages se croisaient, où ils se trouvaient dans l’immeuble à chaque page… Un vrai casse-tête ! Mais avec une planification bien établie, le reste de la réalisation s’est fait sans difficulté.
La particularité de Chez toi chez moi et de son écriture, c’est aussi que le texte ne parle que de la famille Lapin (alors qu’il y a 9 appartements en tout dans la page). Par moment, les autres personnages croisent la famille lapin et nous avons un petit aperçu de ce qui se passe dans le reste de l’immeuble. Le lecteur peut suivre l’histoire des autres familles, bien observer tous les détails, et en inventer les mots.
J’aime bien cacher des petits détails dans mes livres. Souvent, je puise les idées dans les contes, auxquels j’aime bien faire référence. Dans Chez toi chez moi, on retrouve mes classiques : les trois petits cochons, le Petit Chaperon Rouge, le Grand Méchant Loup, et même Boucle d’or.
Comment naissent vos idées ?
Je puise une grande partie de mes idées dans mes souvenirs d’enfance. J’essaie de penser à ce que j’aimais enfant, quand je lisais des livres, quand on me racontait des histoires. Je choisis parfois une émotion, et l’utilise comme point de départ pour une nouvelle histoire.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ?
Crayons de bois, aquarelle et crayon mine.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Toute petite, ma grand-mère nous a lu beaucoup de livres du Père Castor : Les bons amis, Roulegalette, Marlaguette, etc. Elle m’a fait découvrir Bécassine, qu’elle aimait beaucoup. Il y avait aussi Pierre et le loup… J’ai de doux souvenirs des images et de la musique, dans sa petite maison bleue au Mont Saint-Hilaire.
Plus tard, j’ai eu ma phase BD, avec Garfield, Boule et Bill, Cubitus, Mafalda (dont je ne comprenais pas toutes les blagues politiques), et Le concombre masqué… Une fois adolescente, j’ai dévoré la série Anne… La maison aux pignons verts, et la série Les enfants de la terre de Jean M. Auel. Vers la fin du secondaire j’ai lu Réjean Ducharme et Boris Vian. Je remercie mon enseignant de l’époque, ce fut une révélation. J’ai découvert un univers de mots et d’images qui m’a beaucoup inspirée (et m’inspire toujours).
Bien que les livres aient fait partie de mon enfance, je réalise que les souvenirs que j’en garde sont surtout ceux des images, des couleurs. J’ai toujours été fascinée par les illustrations de livres ou d’ailleurs. C’est peut-être en partie pour cette raison que j’écris mes livres en images principalement, le texte étant souvent secondaire dans le récit.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Pour le moment, je suis en écriture. J’ai un nouveau projet avec Casterman, mais nous en sommes au tout début. J’écris aussi un nouveau livre pour les Éditions Album, notre maison d’édition. À suivre !
Bibliographie sélective :
- Chez toi chez moi, texte et illustrations, Casterman (2019).
- Le chemin de la montagne, texte et illustrations, Éditions Album (2019).
- L’Autobus, texte et illustrations, De la Martinière Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Les voyages extraordinaires de Facteur Souris, texte et illustrations, Casterman (2017).
- Je ne suis pas ta maman, De La Martinière Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Lucie et ses amis, texte et illustrations, Casterman (2017).
- L’arche des animaux, texte et illustrations, Casterman (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les vacances de Facteur Souris, texte et illustrations, Casterman (2016).
- Au carnaval des animaux, texte et illustrations, La courte échelle (2015).
- Mais papa…, illustration d’un texte de Mathieu Lavoie, De la Martinière Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le lion et l’oiseau, texte et illustrations, La Pastèque (2014), puis Éditions Album (2018), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Marianne Dubuc : http://www.mariannedubuc.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !