Encore un beau mercredi… J‘ai posé quelques questions à un auteur qu’on apprécie beaucoup sur La mare aux mots François David (qui est également éditeur chez Møtus), je vous propose de lire juste en dessous ses réponses. Ensuite j’ai proposé à Benoît Broyart (dont j’ai adoré Vers un monde alternatif ? récemment) de nous donner son coup de cœur et son coup de gueule du moment. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : François David
Comment êtes-vous devenu auteur ?
Mon premier livre était un recueil de nouvelles, Les Contes du Bel Impossible. Il était préfacé par Gilles Perrault et, déjà, illustré (superbes illustrations de Christophe Rouil), même si c’était un livre pour les adultes.
Je pense que l’on écrit lorsqu’il est « impossible » de ne pas le faire. Ensuite, si l’on a publié plusieurs livres, ce sont les autres qui vous nomment « auteur ». Cela n’a jamais été, pour ma part, un projet préalable. J’ai publié un livre, un deuxième, un troisième… parce que l’écriture de ces livres s’est imposée, pas dans l’idée d’être un auteur. J’avais au demeurant une profession (j’enseignais la littérature dans un lycée, puis le théâtre.) Et je tenais à ne pas dépendre des ressources éventuelles du livre pour vivre.
Comment est né Motus ?
Motus va avoir 25 ans en 2013. Au tout début, la maison d’édition a été créée pour faire découvrir un poète dont j’admirais les textes. Finalement, ce n’est pas cet auteur, mais Michel Besnier qui a été publié le premier. Mais l’aventure a ainsi commencé…
D’ailleurs, d’où vient ce nom ?
C’est le doigt sur la bouche pour se retenir de (trop) dire ; l’espoir que par la concision ou le sous-entendu, on puisse exprimer davantage. Tendre vers ce qu’Yves Bonnefoy indique si bien en seulement trois vers :
« Les mots comme le ciel,
Infini
Mais tout entier soudain dans la flaque brève. »
Dans le livre Bouche cousue, superbement illustré par Henri Galeron, j’essaye d’expliquer ce choix en des poèmes… de quelques mots.
Certains de vos textes sont édités par Motus et d’autres chez d’autres éditeurs, comment choisissez-vous ceux que vous voulez éditer vous-même ?
J’ai publié en effet des livres chez une trentaine d’éditeurs. Mais je publie chez Motus des projets quand ils sont si atypiques qu’une autre maison d’édition n’aurait pas la « folie » de les retenir. Au départ, il n’était par exemple pas du tout assuré que La tête dans les nuages, album à base de photos à un moment où il y en avait peu en édition jeunesse, ou Noir/Voir, livre noir sur noir, allaient trouver leurs lecteurs. Pourtant ils ont été réédités plusieurs fois, le premier étant maintenant traduit en de nombreuses langues, le deuxième étant nominé à diverses reprises.
Parlez-nous du très beau Un rêve sans faim, comment est né ce projet ?
C’est un livre qui, pour moi, compte particulièrement. J’ai écrit une centaine de « livres pour enfants ». Mais dans plusieurs parties du monde, des enfants, de l’âge de ceux qui lisent ces livres, souffrent de la faim. Et certains (5 millions d’après la FAO) en meurent chaque année. Cela m’a paru « impossible », pour reprendre ce mot, de ne pas écrire à ce sujet alors que, curieusement, il y a, sauf à de notables exceptions, peu d’ouvrages, hors documentaires, qui l’évoquent. Jean Ziegler, qui fut rapporteur à l’ONU pour la question du droit à l’alimentation, marque son vif étonnement dans La faim dans le monde expliqué à mon fils (Le Seuil) que cette question soit rarement au programme des écoles ou qu’elle soit traitée rapidement. J’ai souhaité qu’on ne représente pas de façon réaliste le corps amaigri des enfants. Les compositions d’Olivier Thiébaut, qui crée à partir d’objets, et le recours à la poésie, permettent de suggérer plutôt que souligner. Ce livre nous a pris trois années car nous voulions vraiment parvenir à un équilibre : dire, mais en conservant des parts d’espérance. Sur la vente de chaque livre, un euro est reversé à Sharana, une ONG qui accomplit un très précieux travail en Inde en faveur des enfants.
Quels sont vos projets ?
En ce qui concerne Motus, le prochain livre sera un magnifique recueil de poèmes de Jean Elias, illustré par Anastassia Elias : Les rêves s’affolent. Ils avaient déjà publié chez Motus Grand-mère arrose la lune qui a obtenu le Prix Lire et Faire Lire du Printemps des Poètes.
Le suivant sera un livre dont je suis l’auteur : L’homme avec un format très particulier adapté au propos, satirique, sur l’être humain. Il n’y a aura aucune illustration, mais des jeux typographiques et avec les couleurs.
Presque en même temps paraîtra un album chez Océan Edition : Roucoule ma tourterelle, illustré, avec inspiration et raffinement, par Brunella Baldi… à qui Motus avait fait appel en 2012 pour Peau de lapin (texte de Vanessa Simon Catelin). Ainsi, vous avez raison, les activités de l’auteur et de l’éditeur sont à la fois séparées et reliées. Et j’espère que l’on retrouve dans l’une et dans l’autre invention et créativité. Une singularité sans doute aussi, mais non recherchée dans un souci d’originalité à tout prix. Simplement pourquoi faire un livre encore s’il n’est pas, d’une façon ou d’une autre, différent ?
Les dernières parutions de François David :
- Un rêve sans faim, illustré par Olivier Thiébaut, Motus (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Jabberwocky le dragragroula, d’après le texte de Lewis Carroll, illustré par Raphaël Urwiller, Sarbacane (2012)
- Georges Brassens, à la lèvre un doux chant, illustré par Anastassia Elias, A dos d’âne (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Vole vole vole, illustré par Consuelo de Mont-Marin, Éditions Les Carnets du Dessert de Lune (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Les bêtes curieuses, illustré par Henri Galeron, Motus (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Les hommes n’en font qu’à leur tête, illustré par Olivier Thiébaut, Sarbacane (2011)
- Tes mots sur mes mots, livre-objet, Motus (2011)
- Le garçon au cœur plein d’amour, illustré par Stasys Eidrigevicius, Motus (2011)
Les derniers livres parus chez Motus :
- J’en ai assez ! de Michel Boucher, illustré par l’auteur (2012)
- Le goût d’être un loup de Catherine Leblanc, illustré par l’auteur (2012)
- La fabuleuse aventure de Frida Cabot de Lise Renaux, illustré par l’auteur (2012)
- La clé du cœur, livre objet (2012)
D’autres livres publiés chez Motus que nous avons chroniqué :
- Peau de Lapin de Vanessa Simon Catelin illustré par Brunella Baldi (2012), chroniqué ici
- Le soleil meurt dans un brin d’herbe, de Jean Rivet, illustré par Aude Léonard (2007), chroniqué ici
- Le sentier aux pas de Carole Lepan, illustré par Marcellin (2012), chroniqué ici
- Je suis venu tout seul de Nicole Dedonder, illustré par l’auteur (2011), chroniqué ici
- Une petite heure perdue, de Nathalie Hense, illustré par l’auteur (2011), chroniqué ici
Retrouvez François David sur son site : http://www.minisites-charte.fr/sites/francois-david et les éditions Motus sur leur site : http://motus.zanzibart.com et sur leur page facebook : https://www.facebook.com/editionsmotus
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Benoît Broyart
Une fois par mois un acteur de l’édition jeunesse (auteur, illustrateur, éditeur,…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché, ému ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé. Cette semaine c’est l’auteur Benoît Broyart qui nous livre son coup de cœur et son coup de gueule.
Mathieu et l’aéroport
La musique m’accompagne souvent quand j’écris. La musique m’accompagne souvent, même quand je n’écris pas, d’ailleurs. Récemment, j’ai découvert le nouvel album de Mathieu Boogaerts, intitulé sobrement Mathieu Boogaerts. Un moment que je suis l’artiste. Je me souviens l’avoir vu il y a quoi… une quinzaine d’années à peu près, au Festival du Devenir de Saint-Quentin (Aisne), en première partie d’un Arno particulièrement imbibé. J’ai le souvenir d’avoir découvert ce soir-là un jeune homme à la crinière orange auteur de chansons décalées. La crinière orange en moins, il n’a pas changé. Aujourd’hui, je le retrouve avec plaisir. Forcément, c’est un peu comme un membre de la famille, à force. Une voix qui remue toujours des choses plus profondes qu’il n’y paraît. Une justesse de ton. Une belle économie de moyens. Enfin bref. Et puis là, sur le dernier opus, ça touche vraiment à la grâce. Chaque mot a sa place. Une poésie immédiate. Un truc inimitable qui remue.
Ce samedi de novembre, revoir Mathieu Boogaerts en solo sur scène, à Nantes, c’était un vrai bonheur. On partage pas mal de choses donc, même si je ne le connais pas personnellement. On se donne un peu des rendez-vous, à intervalles réguliers.
Au départ, je ne pensais pas lier mon coup de cœur à mon coup de gueule mais Mathieu Boogaerts m’offre une occasion de le faire. Après plusieurs rappels, il est revenu sur scène pour dire qu’il n’était pas un chanteur engagé mais qu’il était en complet désaccord avec le projet de construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Merci Mathieu. Voici donc ce qui, ces temps-ci, me fiche en colère. Construire un nouvel aéroport dont l’inutilité n’est plus à démontrer (celui de Nantes étant loin d’être saturé), sans hésiter à rayer de la carte des terres agricoles et des espèces protégées, pour une poignée d’hommes d’affaires qui ne pourront bientôt plus voler. À quoi bon ? La fin du pétrole, ne l’oubliez pas, c’est dans quelques dizaines d’années ! En tout cas, une belle résistance s’est mise en place à Notre-Dame-des-Landes depuis quelques semaines. Deux mondes s’affrontent et heureusement, celui qui représente l’avenir n’est pas celui qu’on croit.

Benoît Broyart est auteur. Ses derniers livres parus :
- Le taureau à lunettes, roman illustré par Daphné Hong, Milan (2012)
- Spézette, album illustré par Soizic Gilibert, Beluga (2012)
- Librairie Chamboul’tout, album illustré par Laurent Richard, Beluga (2012)
- Chut, monsieur Dragon, roman illustré par Laurent Richard, Milan (2012)
- Tina Tornade contre Gary Calamar, roman illustré par Anne Simon, Milan (2011)
- Cavale, roman, Oskar éditeur (2012)
- Si tu savais, roman, Oskar éditeur (2012)
- Vers un monde alternatif ?, essai co-écrit avec Sylvie Muniglia, illustré par Mathieu de Muizon, Gulf Stream (2012) que nous avons chroniqué ici
Parmi ses écrits plus anciens, nous avons également chroniqué Magie Noire (qui est d’ailleurs le tout premier roman chroniqué sur le blog).
Ses prochaines sorties :
- Les caprices de Mélisse, roman illustré par Elsa Fouquier, Milan (janvier 2013).
- Gimini Trompette, roman, Milan (2013).
- La bouche de l’ogre, roman illustré par Donatien Mary, Oskar éditeur (février 2013).
- Ma mère est une sirène, nouvelle illustrée par Laurent Richard, Gargantua (2013).
- La reine de la nuit, roman, Oskar éditeur (mars 2013).
- La folie, essai, Gulf Stream (printemps 2014).
Retrouvez Benoît Broyart sur son site : http://benoitbroyart.blogspot.fr

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Encore un très joli mercredi qui donne envie de découvrir des nouveautés, il y a vraiment de sacrés belles choses en littérature jeunesse ! Je ne connais pas du tout Benoît Broyart mais je partage et son coup de coeur et son coup de gueule. J’apporterais juste une petite correction, la belle résistance qui s’est installée à Notre Dame des Landes remonte à bien plus longtemps qu’il y a quelques semaines…
Oui, c’est très juste. Bien plus longtemps effectivement !
tient, nous devions recevoir Benoît Broyart à la bib pour lui remettre une récompense pour son livre Tina Tornade contre Gary Calamar mais ça a été annulé (pas de réponses du monsieur..)
Pas de réponse du monsieur ? Je suis assez estomaqué… De quelle bibliothèque s’agit-il ? Pour dissiper le malentendu au plus vite, je vous propose de me contacter directement par mail (broyart@cegetel.net). Ce n’est pas mon genre de ne pas répondre. L’information n’est sans doute pas venue jusqu’à moi.
Cordialement,
Benoît Broyart
Ah ce que j’aime le mercredi !!!