Deux époques, deux sujets graves, deux albums pour en parler avec les enfants, même grands. Deux coups de cœur !
Un papillon éphémère ne vit qu’une journée. Il estime avoir de la chance puisqu’il va la passer avec les Hoffmann qui sont tous réunis au jardin pour un repas familial. Il y a notamment Clara, avec ses deux nœuds dans les cheveux. Des enfants qui courent, des saucisses grillées, un air d’accordéon, une sieste dans la chaise longue,… Le temps s’écoule paisiblement, et chacun profite de cette belle journée. Et soudain, l’ambiance change radicalement… Des hommes en costume beige, brassard rouge et cheveux rasés, font irruption dans le jardin. La musique cesse, tout le monde baisse la tête et le papillon assiste à de violentes scènes : le mobilier vole, les coups aussi… Seule la petite Clara réussira à désarmer, avec sa candeur, ces hommes violents.
Alors que l’histoire démarre de la manière la plus paisible qu’il soit et que l’on s’attend à un délicieux récit de repas de famille, plein de détails savoureux qui nous plongent complètement dans l’ambiance, la rupture est brutale. Aussi brutale que la détermination de ces soldats nazis qui viennent semer la terreur, affoler tout le monde, et dessiner une étoile sur le portail bleu… Racontée du point de vue d’un papillon, pour apporter à la fois recul, légèreté et gravité (oui, c’est possible de mélanger les deux), cette histoire m’a beaucoup émue. Vincent Cuvellier choisit ses mots avec justesse, il n’en dit ni trop ni trop peu pour que chacun se figure à son niveau les événements. C’est fort ! Les illustrations de Sandrine Martin sont quant à elles parfaitement adaptées à l’ambiance, à la fois simples, vivantes et détaillées. C’est un album original, qui s’intéresse à un sujet difficile abordé sous un angle différent et qui fait monter les larmes aux yeux.
Moussa part pour Paris-Paradis, capitale de la France ainsi surnommée pour l’eldorado qu’elle représente pour le jeune homme et ses compagnons de galère. Il devra pour cela traverser des villages, parcourir des pistes et des déserts. Plusieurs véhicules pour rejoindre la côte, puis le paiement de l’accès à la pirogue avec toutes ses économies et enfin, la traversée, si dangereuse, avec les vagues, les enfants qui pleurent, et les passagers qui ne savent pas nager. A l’approche des côtes françaises, ils sont remorqués, puis Moussa rencontre Chloé…
Malheureusement très tristement d’actualité, Paris-Paradis deuxième partie (le premier tome racontait la prise de décision du jeune garçon de quitter l’Afrique, mais on lit sans problème les albums de manière indépendante), raconte l’épopée de ces centaines de personnes qui chaque jour tentent d’arriver en France, dans des conditions souvent très difficiles. Rien n’est épargné : l’épuisement, la trahison de certaines rencontres qu’il croit d’abord bienfaisantes, la fragilité de la pirogue, la peur des autorités, et les premiers pas sur le sol français… Didier Jean et Zad, comme à leur habitude, savent traiter des sujets les plus graves, avec émotion et justesse, mais sans pathos. Le texte est très poétique, très fort, et les illustrations de Bénédicte Nemo simplement magnifiques. On ressent la force de Moussa, mais aussi la force des éléments, et la dureté de l’épreuve. C’est beau, ça me donne envie de lire rapidement le premier tome en attendant de découvrir un jour le troisième, qui est prévu.
Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué d’autres ouvrages de Vincent Cuvellier (Les socquettes blanches, La fille verte, La première fois que je suis née, Émile veut une chauve-souris, Émile fait la fête, Émile est invisible, Émile veut un plâtre, Emile se déguise), et de Didier Jean et Zad (Parle-moi Papa, Comme deux confettis, Gaufrette et Nougat jouent au papa et à la maman et Les Artichauts).
Je suis un papillon Texte de Vincent Cuvellier, illustré par Sandrine Martin Gallimard Jeunesse Giboulées 12,50 €, 215 x 255 mm, 24 pages, lieu d’impression non précisé, 2013 |
Paris-Paradis, deuxième partie Texte de Didier Jean et Zad, illustré par Bénédicte Nemo 2 Vives Voix dans la collection Bisous de famille 15,50 €, 220 x 320 mm, 40 pages, imprimé en France sur papier issu de forêts durablement gérées, à l’aide d’encres végétales, 2013 |
Mercredi dernier Gabriel a présenté sa première chronique radio dans l’émission Écoute ! il y a un éléphant dans le jardin, sur Aligre FM. Retrouvez bientôt l’émission en intégralité en suivant ce lien, et écoutez dès à présent la chronique grâce à l’onglet dédié sur le blog.
Marianne
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Merci pour ces deux découvertes. Deux sujets forts. J’apprécie particulièrement le point de vue pris dans le premier, pour donner au lecteur l’impression d’^tre témoin des événements.
En voilà deux qui vont me plaire.