Internet est quelque chose de fabuleux, une vraie révolution, mais parfois il peut détruire une vie, transformer l’existence d’un adolescent en cauchemar. Entendons-nous bien, je pense qu’on n’a pas attendu internet pour que le harcèlement et la pédophilie existent, mais, alors qu’avant dans leur chambre ils étaient généralement tranquilles, en sécurité, aujourd’hui les adolescents continuent, même là, d’être victimes des harceleurs et des pervers. Quatre romans sur des jeunes qui, à cause de ce genre de choses, ont vu leur vie basculer.
Violette, élève de Terminale L, adore écrire. Elle participe activement à un forum consacré à l’écriture, Pen Touch. L’arrivée d’un nouveau venu, Ahriman va mettre le forum en émoi. Plus âgé que les autres membres, il se dit directeur littéraire et propose de donner son avis aux écrivains en herbe sur leurs écrits. Ahriman ne va pas tarir d’éloges sur les textes de Violette, se rapprochant d’elle de plus en plus. C’est même lui qui va l’héberger lors d’une rencontre des membres du forum à Paris. En rentrant, Violette ne se souviendra plus de rien, mais se sentira de plus en plus mal…
Dès les premières lignes, Violette parle de chaos. On sait donc dès le début de l’histoire qu’elle va vivre un évènement horrible, que sa vie va sombrer dans un cauchemar. C’est tout en sachant ça qu’on lit les évènements, assistant à ses mauvais choix, à la dégringolade de la jeune fille. Parents absents à l’extrême (c’en est même un poil caricatural), c’est grâce à Arnaud que Violette va réussir à remonter à la surface. Les chapitres sur Violette et Arnaud alternent, parfois entrecoupés par des messages internet (sur le forum Pen Touch ou sur le blog de Violette). Un roman tout à fait dans l’air du temps, très bien écrit, captivant. En plus des adultes qui abusent de la crédulité des ados, on y parle de l’amitié et de l’importance de porter plainte quand on a subi le pire. Un roman très fort.
Un soir de dispute avec sa mère, Julie s’inscrit sur un tchat sous le pseudo Marilou. Elle n’est plus l’ado de quatorze ans, mais une jeune fille de seize ans. Très vite, elle rencontre un garçon qui dit avoir 20 ans et dont elle va tomber éperdument amoureuse. Il va devenir sa drogue, elle se pliera bientôt à toutes ses demandes, même les pires…
Jo Witek nous entraîne dans une descente aux enfers. Sans jamais être touchée physiquement par son agresseur, Julie va vivre un cauchemar sans quitter sa chambre. Trop peu d’adultes ont conscience qu’aujourd’hui un jeune peut vivre des choses atroces sans sortir de chez lui. Parce qu’il lui promet des choses (il se dit photographe, elle veut être mannequin) et parce qu’il lui semble si sérieux, Julie va obéir à Laurent, faire tout ce qu’il lui demande, aller de plus en plus loin jusqu’à ne plus se reconnaître, rompre avec ses amis, mentir à sa mère. Un roman très fort là encore.
Lorsque Léopoldine et son amie arrivent en retard en classe ce jour-là, elles se rendent compte qu’il y a un problème, qu’on les regarde bizarrement. Qui dit retard, dit tour chez le CPE et là encore, les deux ados sentent quelque chose de changé dans l’attitude de celui-ci. Il demande d’ailleurs à Léopoldine de se rendre chez le proviseur pendant que sa camarade retourne en classe. Quelques minutes plus tard, celle-ci voit Léopoldine passer dans la cour avec le proviseur et vomir sur le sol… Que s’est-il passé ? Tout le monde semble au courant, l’attente est insupportable.
Comme des images commence par un chapitre très court, qui tient en une phrase « Il y a un corps dans la cour du lycée Henry-IV ». On sait donc dès cette toute première ligne que la fin ne sera pas heureuse, et l’on avance donc dans l’histoire tout en sachant ça et tout en demandant à qui sera le corps en question. Notre lecture ne sera pas de tout repos. Souvent dérangé (mais ça fait du bien, parfois, d’être un peu bousculé), on assiste à des scènes parfois dures, parfois violentes. Clémentine Beauvais nous raconte la jeunesse des quartiers huppés, dans ces lycées au taux de réussite au bac proche des 100 %. On parle ici aussi des fameux revenge porn (oui, qui dit nouveaux médias, dit termes anglais) qui consistent à mettre sur internet des photos ou vidéos pornos d’un-e ex pour se venger, quelque chose fait dans l’intimité, en toute confiance, se retrouve ainsi à la vue de tous. Clémentine Beauvais montre aussi avec beaucoup de justesse le regard des adultes sur ce genre de chose (du prof qui en profite pour humilier encore plus ses élèves à celui qui tente maladroitement d’aider). Un roman très fort, qui sonne vrai, qui met le doigt là où il faut.
Laura préfère la compagnie des garçons à celle des filles, elle traîne toujours au lycée avec Sofiane et ses copains. Tout se passe bien jusqu’au jour où elle se rend compte que celui qui est pour elle un ami a d’autres pensées la concernant. Un baiser refusé et voilà qu’une photo apparaît sur le net. La photo est pourtant banale, Laura dort, tout simplement. Pourtant elle est accompagnée de commentaires salaces et fait vite le tour du lycée. Ses copains lui ont tourné le dos et les filles ne veulent pas être amies avec une fille qui a une telle réputation, Laura, partagée entre son père permissif et sa mère psychorigide, ne sait à qui se confier…
L’histoire de Ma réputation, le roman de Gaël Aymon, est peut-être la « pire » de toutes celles des romans de la sélection, car Laura n’a rien fait de « mal » (je mets « mal » entre guillemets, car à chacun de décider si les héros des livres précédents ont « mal » agis). La photo la montre juste endormie, elle n’y fait rien, et pourtant ça sera dévastateur. L’adolescente va se trouver complètement isolée, personne ne saura l’aider et plus les jours passent, plus sa réputation se dégrade. Gaël Aymon nous entraîne dans cette chute (dont le dénouement sera heureux, rassurez-vous) avec beaucoup de sensibilité, de justesse. Il nous parle du harcèlement, de l’incompréhension des parents quand ça arrive à leur enfant. Un beau roman sur l’adolescence dont la chute nous surprend et nous apprend à nous méfier des apparences.
Quelques pas de plus…
Deux autres romans sur le même sujet que nous avons chroniqué : La fille seule dans le vestiaire des garçons et Tarja.
Nous avons déjà chroniqué d’autres ouvrages de Jo Witek (Un jour j’irai chercher mon prince en skate et Le ventre de maman), Clémentine Beauvais (Samiha et les fantômes, La plume de Marie, Les petites filles top-modèles, La pouilleuse et On n’a rien vu venir) et Gaël Aymon (Le fils des géants, L’anniversaire à l’envers, Les souliers écarlates, La princesse Rose-Praline, Une place dans la cour, Contes d’un autre genre et Giga Boy). Retrouvez aussi nos interviews de Clémentine Beauvais et de Gaël Aymon.
À l’ombre de l’oubli de Mireille Disdero Seuil 11 €, 140×205 mm, 174 pages, imprimé en France, 2013. |
Mauv@ise connexion de Jo Witek Talents Hauts dans la collection Ego 7 €, 125×190 mm, 95 pages, imprimé en France chez un imprimeur éco-responsable, 2012. |
Comme des images de Clémentine Beauvais Sarbacane dans la collection Exprim’. 14,90 €, 136×216 mm, 204 pages, imprimé en Bulgarie, 2014. |
Ma réputation de Gaël Aymon Actes Sud Junior 10,50 €, 136×216 mm, 99 pages, imprimé en France, 2013. |
Le nouveau numéro de La petite Salamandre est sorti ! Pour son numéro 92, La revue des enfants curieux de nature s’est parée de blanc ! Hermines, lagopèdes, lièvres… tous ont mis leur blanc manteau pour disparaître dans la neige et se protéger des prédateurs. Un reportage avec de magnifiques photos. On retrouve évidemment nos rubriques habituelles : le face à face (où l’on comparera une taupinière de taupe et une de campagnol), facette de saison (on part à la rencontre d’un drôle d’oiseau qui marche sous l’eau, le cingle), raconte-moi ! (dans ce numéro on lira l’histoire d’un renard amoureux) et bien sûr des jeux, des BD, une recette, une expérience, du loisir créatif, un poster, le courrier des lecteurs, des idées de lecture… Encore un très bon numéro pour une revue qu’on aime beaucoup !
Renseignements, abonnements etc c’est ici : http://www.petitesalamandre.net.
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
hé bien, sélection qui fait envie, c’est simple j’ai envie de tous les acheter! Sur tes conseils j’avais lu “la fille seule dans le vestiaire des garçons” et j’avais bien aimé, même si j’avais trouvé ça un poil idéalisé et pas si réaliste (pas dans ce qui arrive à l’héroïne mais plutôt son entourage et le côté “un prince charmant va surgir et tout va s’arranger”…). Sur ce sujet tu en aurais que des pré-ados puissent lire?? Ma 11 ans ne peut pas lire ceux que tu viens de critiquer (moi oui par contre!)
Complètement d’accord avec toi sur La fille seule… mais après… grand débat ! est-ce que c’est pas bien que parfois les jeunes aient des histoires qui se termine de façon idéale ? Ici, ils sont plus réalistes, plus crus… je ne les ferai pas lire à un enfant de 11 ans, non 🙂
la fille seule…. oui je vais le faire lire à ma fille, enfin je voudrais qu’elle le lise mais je sais pas, elle bloque elle veut pas! Justement le fait qu’il se termine bien peut lui permettre de voir qu’il y a des solutions à chaque problème rencontré, mais j’aurais aimé aussi un livre plus “cru” sans l’être trop (compliqué!) et qui ne se finit pas forcément bien pour montrer aussi les conséquences de ce genre de choses et montrer que ce qu’on fait sur internet n’est pas anodin. Nous débattons régulièrement sur ce sujet mais j’ai dans l’idée qu’un livre appuierait plus mes propos!
Je te dirai le premier, j’ai l’impression quand même pour pour les jeunes il est plus facile, si tu veux que je te raconte la fin n’hésite pas ! Le Witek Aussi
merci beaucoup pour le conseil personnalisé 😉 ^^ non je ne préfère pas connaitre la fin parce que si je l’achète je vais le lire avant ^^ merci!
Bonjour!
La petite Salamandre ne se trouve que sur le net? Ou on trouve en librairie?
Merci! Encore une découverte!
Bonne journée