Les jardins sont des lieux propices à la contemplation, à la rêverie. Ils peuvent être sauvages ou bien organisés. On peut s’y promener seul·e et laisser nos yeux détailler chaque fleur, chaque branche. Ou peut-être qu’on souhaitera partager l’endroit avec d’autres. Aujourd’hui, je vous propose de plonger dans trois ouvrages qui, chacun avec leurs illustrations de rêve, proposent des jardins aux ambiances très différentes dans lesquels il fait bon flâner.
Les grands-parents de Katerina s’émerveillent de la fascination que leur petite-fille a pour les fleurs. Iels ne savent pas d’où cela lui vient, mais c’est ainsi : Katerina adore toutes les fleurs. Mais quand on vit en ville dans un appartement, on n’a pas de jardin. Tant pis, la fillette se satisfait pleinement du parc où elle peut admirer tant de variétés magnifiques. De temps en temps, elle en cueille très discrètement une ou deux. Elle sait qu’en principe c’est interdit, mais qu’importe. Elle les installe ensuite dans des pots dans sa chambre et elle les admire jusqu’à ce qu’elles se fanent. Le désespoir succède au ravissement, les larmes aux sourires. Pour lui éviter tous ces chagrins, un jour ses grands-parents ont une idée. Quand les fleurs commencent à montrer des signes de fatigue, hop, iels les remplacent par des nouvelles. C’est malin, n’est-ce pas ?
D’un côté, il y a une fillette qui aime énormément les fleurs (d’ailleurs si vous préférez que ce soit un garçon, c’est possible : Estelle Vonfeldt nous autorise à choisir notre personnage dès la première page). De l’autre côté, il y a des grands-parents débordants d’amour qui voudraient épargner à leur petite-fille le chagrin de la mort des fleurs. L’intention est adorable. Qui ne voudrait pas préserver les enfants de toutes les souffrances ? Mais vous vous en doutez, le stratagème a ses limites. Katerina a bien compris que les fleurs ne sont pas vouées à être immortelles. Que pour continuer à s’en émerveiller, il faut accepter de les voir se faner. À travers cette histoire, l’autrice nous livre une réflexion très subtile sur ce qu’est la vie. Le cycle des végétaux est mis en parallèle avec les émotions. Les fleurs meurent puis éclosent à nouveau ; le chagrin doit s’exprimer pour que la joie puisse éclairer à nouveau les visages enfantins. Au service des mots, il y a les illustrations fraîches et gaiement pétillantes de Christine Roussey. On profite de l’éphémère beauté des fleurs dans un éclatant bouquet de couleurs. Un jardin gros comme l’univers est de ces albums à la fois sensibles et intelligents que j’aime tant. Aussi, j’espère que vous aurez envie de rencontrer Katerina et que, comme elle, vous embellirez votre vie de toutes les fleurs possibles !
Vous voyez cette fenêtre ? Délicatement, elle s’ouvre sur un jardin où la marguerite et le jasmin saluent le soleil. Peut-être que si on tourne la page, un autre jardin nous attend… Un jardin comme un verger dans lequel rêver, ou qui serait exotiquement ensoleillé avec de l’eau qui jaillit gaiement tout en saluant l’océan. À la page suivante, où se retrouvera-t-on ? Peut-être dans un jardin aux allures de forêt primaire, secret et haut perché. Osera-t-on aller plus haut, jusqu’à taquiner les constellations et les astres scintillants ?
Emma Giuliani nous invite à ouvrir la fenêtre. Elle nous offre un magnifique leporello en guise de promenade poétique. À chaque page, un nouveau jardin délicat bruisse et se déplie devant nos yeux ébahis. Quand la beauté rime avec livre animé, où les découpes délicates d’une cabane perchée succèdent à la branche d’un pommier, on plonge avec plaisir. On peut choisir de déplier complètement l’accordéon de papier. On peut aussi le savourer lentement, page après page. Surprenant, captivant, ravissant, l’objet-livre m’a totalement conquise. À chacun·e de poursuivre sa promenade au gré de sa propre imagination, de sa propre poésie fertile, assurément, de surprenants jardins intérieurs…
Mary débarque en Angleterre pour vivre dorénavant chez son oncle qu’elle ne connaît pas. Pour la jeune orpheline qui a passé toute son enfance aux Indes, le choc est de taille. Elle ne sait que penser de Mme Medlock, la gouvernante à la mine si sévère. Le sentiment de solitude et la fatigue sont immenses. Quand enfin elle arrive à Missel, sa nouvelle demeure, l’austérité des lieux la frappe. Alors qu’elle s’apprête à passer sa première nuit dans cette triste maison, des sanglots se font entendre. Faisant fi de l’interdiction de sortir de sa chambre, elle s’aventure dans les couloirs. Quelques chambres plus loin, elle rencontre Daniel, son cousin. Le jeune garçon ne marche pas et les absences répétées de son père le rendent très malheureux. L’arrivée de Mary souffle un vent nouveau, rempli d’espoir sur sa triste vie. Avec la discrète mais bienveillante complicité de Mme Medlock, les deux enfants vont se lancer dans une passionnante expédition afin de découvrir, dans le parc de Missel, un mystérieux jardin secret…
Sophie Koechlin et Fred Multier revisitent avec brio, tendresse et délicatesse Le jardin secret de Frances Hodgson Burnett. L’ambiance morne du début de l’histoire va progressivement s’éclairer au fil des pages. Lecteurs et lectrices vont se trouver embarqué·es dans l’exploration du grand parc de la maison et dans la jolie mission que les enfants vont se promettre de réaliser. Il est doux de se rappeler qu’à plusieurs, les forces s’unissent et les limites se dépassent. Mary et Daniel vont faire de leurs solitudes respectives un lointain souvenir et en découvrant ce fameux jardin secret, iels vont découvrir leurs étonnantes ressources respectives. En attendant le plaisir de lire, peut-être plus tard, cette histoire en version intégrale, j’espère que ce bel album sèmera quelques graines de jardin secret dans l’imagination des enfants. À moins qu’il ne leur donne envie de planter, sarcler, biner toutes sortes de fruits, fleurs, plantes. Qui sait ?
Un jardin gros comme l’univers  Texte d’Estelle Vonfeldt, illustré par Christine Roussey A2mimo 17 €, 200×280 mm, 32 pages, imprimé en République tchèque, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
| Un autre jardin d’Emma Giuliani Les grandes personnes 20 €, 155×285 mm, 12 pages, imprimé en Chine, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
| Le jardin secret Texte de Sophie Koechlin (d’après Frances Hodgson-Burnett), illustré par Fred Multier Gautier Languereau 15,95 €, 253×288 mm, 40 pages, imprimé en France, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Elle aime l’océan, les chats, le chocolat et lire depuis qu’elle a ouvert les yeux. Son confident est un certain lapin blanc. Des livres au petit déjeuner, au déjeuner, au goûter, au dîner : elle n’est jamais rassasiée !