Aujourd’hui, je vous propose deux albums vibrants d’émotion, puissants et sensibles : Bastien, ours de la nuit de Ludovic Flamant et Sara Gréselle et La Révolte d’Eduarda Lima… Bonne lecture !
Une nuit, dans une ville l’hiver. Le froid commence à se faire sentir et le givre doucement se dépose sur les toits des habitations. Dans la rue, Sébastien, un SDF, marche dans l’espoir de pouvoir trouver un abri pour la nuit. Grâce à quelques cartons entreposés, Sébastien réussit à se construire une maison de fortune et à se reposer… C’est alors que Bastien, l’ours de la nuit surgit de son corps et part explorer la ville…
Tendre et sensible, Bastien ours de la nuit est un album bouleversant qui traite des « marginaux », de ceux et celles qui, exclu·es de la norme sociale, sont contraint·es de se construire des abris en carton… Comment faire alors pour survivre dans des conditions aussi difficiles ? Grâce à la puissance de l’imaginaire. Car la nuit, lorsque Sébastien s’endort, sa « chaleur » s’extrait de son corps et se matérialise en ours brun. Sébastien devient alors Bastien. Roi des animaux et roi de la nuit, Bastien déambule dans les rues à la recherche de nourriture, il croise des désaxé·es, des paumé·es, des reines déchues et des musiciens de rue… Le texte subtil de Ludovic Flamant est rehaussé par les magnifiques illustrations de Sara Gréselle. Très réalistes, elles dépeignent néanmoins un univers onirique et poétique, la marche de Bastien laisse entrevoir un monde nouveau, inaccessible de jour. Dans la nuit, la ville appartient à ceux et celles qui ne la possèdent pas le jour et laisse entrevoir de nouvelles possibilités. Éloquent et émouvant, Bastien de la nuit est un cri de révolte silencieux, un hommage vibrant aux « à côtés », à ceux et celles qu’on ne voit plus depuis longtemps. Souvent dépouillé·es de leurs rêves et de leurs espoirs, ces personnages retrouvent sous la plume de Ludovic Flamant et le trait de Sara Gréselle, toute leur humanité.
Un jour, un oiseau s’est arrêté de chanter, puis ce fut le silence… Celui de ses congénères, des autres animaux, qui tous, tour à tour décident d’arrêter de miauler, d’aboyer. Les animaux de cirques refusent de se donner en spectacle, les pingouins ne veulent plus marcher. Petit à petit, cette contestation silencieuse gagne les enfants et les adultes…
Et si la révolte était un long silence ?! Une soustraction au monde moderne plutôt qu’une contestation vive et brutale ? Voilà une réponse proposée par ce sublime album d’Eduarda Lima : La Révolte. Merveille d’intelligence et de sensibilité, ce petit livre nous conte l’histoire d’une révolte planétaire : depuis le silence assourdissant des oiseaux jusqu’à la tétanie des êtres humains et de certains mammifères, le monde refuse désormais de continuer à vivre dans un univers dégradé et pollué. Les animaux sont les premiers à contester et à se manifester, refusant désormais de détruire leur environnement et de servir de caution aux humain·es. Graves et déterminés, ils se détournent littéralement de leurs oppresseurs. Ceux enfermés dans des zoos et des parcs, au nom de la « protection des espèces » tournent désormais le dos aux spectateurs, les forçant alors à embrasser le combat et à regarder de leurs propres yeux le désastre écologique qui leur fait face et dont ils sont les seuls et uniques responsables. En très peu de mots, Eduarda Lima nous offre un livre puissant, où l’on imagine notre monde silencieux… L’autrice fait sans doute référence au magnifique Silent Spring de Rachel Carlson, publié en 1962 (un ouvrage pionnier du mouvement écologiste aux États-Unis qui décrit des « printemps silencieux » suite à l’utilisation de pesticides). Les illustrations colorées dépeignent page après page les ravages de notre système industriel : utilisation de pesticides dans des champs gigantesques, élevage industriel, utilisation systématique des nouvelles technologies, animaux parqués, plastiques omniprésents (jusqu’à la chute que je ne vous dévoile pas)… Une seule solution, un seul horizon s’offre désormais à nous : réapprendre à vivre avec notre environnement en faisant un pacte avec les espèces animales…
Bastien, ours de la nuit Texte de Ludovic Flamant, illustré par Sara Gréselle Versant Sud 14,50 €, 247×187 mm, 48 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La Révolte d’Eduarda Lima (traduit du portugais par Dominique Nédellec) La Joie de Lire 14,50 €, 220×286 mm, 40 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.