Vacarme graphique et choucroute architecturale

Aujourd’hui, deux albums, deux univers graphiques forts, très forts. D’abord, un véritable feu d’artifice visuel qui retranscrit le vacarme du monde, puis un conte « géométrico-choucroutesque » sur un tout petit bonhomme audacieux (et sans doute légèrement inconscient) qui défie un roi terrifiant.

Du bruit encore, du bruit toujours, Louis n’est tranquille nulle part ! Toujours quelque chose pour klaxonner, hurler, ahaner…bref, pour être désagréablement bruyant. Il quitte la ville pour la mer, persuadé que le calme sera de la partie mais c’est toujours la même chose. Les chiens aboient, les gosses pleurent et Louis n’est jamais tranquille, bon sang ! Et c’est pareil à la campagne, dans la forêt (le calme lui fait peur et l’orage lui tombe dessus)…terminé les excursions ! Il rentre chez lui et découvre brusquement un autre vacarme, mais, bizarrement celui-ci ne le dérange pas du tout…
Cet album est une PURE merveille ! L’univers graphique totalement démentiel emporte littéralement le lecteur et la lectrice. Impossible de rester neutre face à cet ogni (Objet Graphique Non Identifié) où les onomatopées deviennent images et où les images deviennent onomatopées. Les quelques éléments réalistes des illustrations (photos d’animaux, de personnes, parfaitement intégrées dans les pages) renforcent cette impression de joyeux bordel pour traduire le capharnaüm subit par le pauvre Louis. Cet album d’une très belle originalité permet, en plus de ravir les yeux, d’ouvrir les petit.e.s lecteur.trice.s à un type de graphisme qui sort du commun. La sempiternelle recherche du calme est traitée ici de manière très intéressante, le personnage ne supporte pas du tout le bruit, ce qui ne l’empêche pas d’en faire de son côté.
Un album qui se lit, se regarde et s’écoute.

Bonhomme a une vie un peu nulle mais il en est plutôt content. Il habite juste à côté d’un énorme centre commercial qui lui permet de renouveler la boîte en carton dans laquelle il vit assez facilement et surtout, il a une vue imprenable sur les merveilleux panneaux d’affichage publicitaire. Mais un matin au lieu des réclames habituelles, il voit l’œil perçant de Princesse, la fille du roi. On promet sa main à la réponse d’une énigme. Mais bon, pour un si petit bonhomme, aller au palais répondre à une énigme est hors de portée. Les jours passent et l’œil de Princesse continue de l’émouvoir. Il n’y tient plus, il va au palais ! Deux choses le surprennent. Déjà, le palais est entièrement réalisé en choucroute dorée à l’or fin, ensuite, l’énigme n’existe que pour faire tomber des innocents dans un piège cruel. D’ailleurs, Bonhomme a beau trouver la solution, il est emprisonné. Mais ce palais lui réserve bien des surprises, notamment sa garniture. C’est un filament de chou qui vient à sa rescousse et lui révèle le véritable secret de ce royaume.
Un palais en choucroute, c’est tout ce qu’il fallait pour appâter le lecteur ou la lectrice. La choucroute, certes, mais aussi cette géométrie qui construit tout l’album, jusqu’au placement du texte sur la page presque à l’image d’une prose poétique. Il est, dans la plupart de l’album, posé tout en délicatesse et laisse toute la place à l’image en trois couleurs : rose-orangé, orange fluo et bleu foncé. Les dialogues sont différenciés du texte de façon ludique, une petite icône placée devant la phrase représente un personnage, le roi par exemple, est indiqué avec une petite couronne. Tout est relativement schématique, du dessin aux des personnages qui sont dénommés selon leur fonction, le roi s’appelle Roi et la princesse Princesse et le bourreau Bourreau…une simplicité qui est loin de donner un album bateau mais plutôt une belle réalisation indémodable.
À consommer d’urgence, seul.e ou un dimanche midi en famille.

Bruits de Marion Bataille Thierry Magnier 14 €, 245×205 mm, 40 pages, imprimé au Portugal, 2016.

Bonhomme et le palais choucroute Texte de Julien Tauber, illustré par Vincent Godeau Seuil jeunesse 13,50 €, 188×311 mm, 48 pages, imprimé en Union européenne, 2016.