Lachlan est un jeune Indien qui vit seul avec sa mère au bord du lac Okanagan au Canada. Contrairement au reste de sa famille qui vit dans la réserve indienne, il mène l’existence d’un adolescent moderne, partagée entre sa bande de copains, le collège et les remontrances de sa mère. Mais un jour, Lachlan rencontre Daffodil, la nouvelle élève de sa classe, et se trouve irrépressiblement attiré par ses grands yeux mauves, son caractère fantasque et cette drôle d’habitude qui la pousse à s’arracher les cheveux par poignées lorsqu’elle est angoissée. Ce coup de foudre va changer sa vie, car Daffodil est différente des autres : Lachlan va peu à peu devenir « celui qui sort avec l’Anormale ». Il se moque bien de ce quolibet, mais les choses dégénèrent quand la fille aux yeux mauves révèle à l’ensemble des élèves du collège qu’elle a aperçu Ogopogo, créature légendaire cousine du monstre du Loch Ness, censée hanter les tréfonds du Lac Okanagan. Lachlan va apprendre à ses dépens à quel point la différence peut attirer la haine et la violence et qu’il est difficile de protéger ceux qu’on aime.
Ce roman mêle avec brio le genre fantastique, le roman social, la romance, et même l’enquête policière. Le suspense reste intact tout au long de l’intrigue qui est à la fois riche et très bien ficelée. Même si l’on peut se sentir déstabilisé par l’incursion du surnaturel, la justesse des personnages fait qu’on pourrait croire que cette histoire est réelle. Leurs répliques sont pleines d’esprit, et leurs mésaventures nous tiennent en haleine. Le moindre personnage secondaire est doté d’un caractère bien construit et les liens entre les protagonistes sont solidement tissés, c’est un plaisir de se laisser emporter par cette histoire.
Jean-François Chabas aborde les thématiques du racisme, du harcèlement scolaire et de la différence sans pathos, mais avec un talent d’écriture rare. Une vraie réussite.
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La pièce l’a décidé, c’est lui qui doit relever le défi : traverser les 50 mètres qui séparent le balcon de son ami Mouss de l’immeuble d’en face à 100 mètres du sol, sans protection. 50 petits mètres, à peine cinq minutes en prenant son temps. 50 interminables mètres, perché sur une « slackline » quelques centimètres de large, sans avoir le droit à la moindre défaillance ni du corps, encore moins de l’esprit : « si on doute de soi, on tombe, mais si on est trop sûr, on tombe aussi. »
On traverse le monologue du jeune funambule d’une traite, la mâchoire serrée et le cœur gros, redoutant le moindre faux pas, ou qu’une infime pensée vagabonde ne le déconcentre. Ce que réalise le jeune homme est bien plus qu’une prouesse sportive, c’est une épreuve mentale, un pied de nez aux éléments et aux lois de la gravité. Le héros veut s’élever au-dessus de ses contemporains, accomplir un acte sans commune mesure, faire de sa vie une exception. Ce court texte ménage très bien le suspense. Le style parfois télégraphique, abrupt, retranscrit les pensées qui affluent dans l’esprit du jeune homme alors que, comme elle ne tient plus qu’à un fil, il réalise à quel point il chérit son existence.
Ce livre est une métaphore réussie de l’adolescence pendant laquelle on est vulnérable tout en recherchant l’absolu. Où l’on veut donner un sens à sa vie, parfois en la mettant en danger.
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C’est certain, ce soir, elle le fait. Peu importe ce que disent les autres, ses parents, ses amis. Elle s’enfuit dans la nuit et il est là à l’attendre. Lui seul comprend le vide dans son ventre, sa solitude. Il n’y a qu’avec lui qu’elle peut le faire. C’est certain, ce soir, ensemble, ils mettront fin à leurs jours.
Antoine Dole s’attelle au difficile sujet du suicide des adolescents par l’intermédiaire d’un monologue, forme privilégiée de la collection D’une seule voix chez Actes Sud. Au fur et à mesure de la fuite des amants dans la ville, on partage les pensées et les doutes de la jeune fille. Elle repense à ce qui l’a menée à cette situation, elle réfléchit à son attachement pour ce garçon… Et pourtant ses sentiments ne prennent pas corps. Peut-être est-ce parce que l’histoire d’amour entre les deux protagonistes n’est évoquée que brièvement, simplement pour nous apprendre qu’ils se sont rencontrés sur internet, mais on a du mal à croire à ce couple qui, à peine réuni, entreprend d’en finir.
Néanmoins, comme les autres titres de la collection, ce texte aborde l’adolescence avec finesse. Les personnages rencontrent des problèmes très complexes, bien loin des représentations qui les montrent comme des créatures superficielles, accrochées à leur portable toute la journée. On découvre des êtres encore en formation, à fleur de peau, menacés de nombreux dangers.
Un petit livre qui revient sur les doutes existentiels des adolescents en les prenant au sérieux.
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Chaque jour depuis sa naissance, A se réveille dans la peau d’une nouvelle personne. Il peut être un jour une fille, une autre un garçon, parfois riche, parfois pauvre, tantôt membre d’une famille aimante, tantôt orphelin… Une seule chose reste la même : chaque jour à minuit il quittera le corps et la vie qu’il a occupé pendant la journée. A s’accommode comme il peut de cette vie sans attache. Il joue le rôle de son hôte pendant 24 heures en tâchant de ne rien modifier au cours naturel des vies qu’il emprunte. Mais tout change le jour où il occupe le corps de Kevin, un jeune adolescent comme les autres. Enfin, presque comme les autres, puisqu’il sort avec la plus belle fille que A n’ait jamais rencontré en 16 années de cette vie bien remplie. A en est persuadé : un lien existe entre cette fille et lui, et il doit tout faire pour la revoir malgré son destin si particulier.
Bien que l’intrigue appartienne au domaine du fantastique, ce roman est une sorte de fresque quasi documentaire sur l’adolescence. Chaque jour, nous découvrons un nouvel ado avec ses passions, ses projets, ses difficultés scolaires ou même ses problèmes de santé. L’extraordinaire condition du héros nous permet de faire un voyage dans le monde si varié et complexe de l’adolescence. Le roman milite de façon efficace pour la tolérance : on est littéralement forcé de se mettre dans la peau de l’autre quels que soient son handicap, son style, son orientation sexuelle, etc.
Ce roman d’une grande originalité s’adresse aux très bons lecteurs. Les situations décrites sont parfois éprouvantes et les sentiments du héros sont subtils, difficiles à saisir par moment. David Levithan file une métaphore habile de cette période qu’est l’adolescence pendant laquelle on a du mal à trouver son identité et à reconnaître son propre corps. Une lecture exigeante, mais pleine d’enseignements.
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Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué d’autres livres de Jean-François Chabas (Récits extraordinaires et Féroce).
Les rêves rouges de Jean-François Chabas Gallimard dans la collection Scripto 11,90 €, 130×200 mm, 278 pages, imprimé en Italie, 2015. |
High Line de Charlotte Erlih Actes Sud Junior dans la collection D’une seule voix 9 €, 115 x 215 mm, 96 pages, imprimé en France, 2015. |
Tout foutre en l’air d’Antoine Dole Actes Sud Junior dans la collection D’une seule voix 9 €, 115 x 215 mm, 58 pages, imprimé en France, 2015. |
A comme aujourd’hui de David Levithan (traduit par Simon Baril) Gallimard dans la collection Pôle fiction 7,75 €, 108 x 178 mm, 440 pages, imprimé en France, 2015. |
À quoi peuvent servir tous les livres de votre bibliothèque une fois lus ? Regardez la vidéo du défi que les employés de la Bibliothèque de Seattle se sont lancé !
Laura
Je ne lis pas que le vendredi.
Excellent “A comme aujourd’hui” : un roman original et absolument addictif, pas gnan-gnan, porteur d’une certaine réflexion philosophique… Je le recommande aux grands ados comme à leurs aînés. Et je lui souhaite un beau succès dans sa nouvelle édition poche !
J’ai été bouleversée par tout foutre en l’air. Comme l’héroïne j’ai couru à perdre haleine au fil des pages, la tête pleine de scenarii.
J’ai très envie de lire les rêves rouges.
C’est un roman très réussi, assez inclassable, je vous souhaite une agréable découverte.