Aujourd’hui, pour ma première chronique sur la Mare aux mots, je vous propose deux albums autour d’une thématique récurrente dans la littérature de jeunesse : la nuit, et son astre, la lune. Ce sont deux belles histoires qui pourront accompagner le rituel du coucher : l’une pour gommer les peurs du soir ; l’autre pour se familiariser tout en douceur avec le cycle de la lune.
Quand la nuit arrive à tâtons, au moment où sa maman le borde délicatement, le petit Gaspard se laisse envahir par ses peurs. La nuit, des bruits se glissent dans la maison ; la nuit, les ombres se transforment en monstres ; la nuit, les loups viennent manger les enfants… Ainsi, de fil en aiguille, le petit garçon se tricote ces angoisses enfantines, qui trottent dans la tête de tous les bambins à l’imagination débordante, et que les mots rassurants de la maman viendront détricoter.
Page après page, les paroles de la mère répondent à celles de l’enfant, apaisantes à la manière d’une petite berceuse ; dans ce texte, où les mots riment les uns avec les autres. Cette maman à l’immense robe fleurie apparaît aussi enveloppante que ces phrases. Comme la maison, elle est le cocon dans lequel le petit homme a envie de se blottir. Son univers est chatoyant en opposition aux pages sombres des peurs de l’enfant. Sa berceuse semble souffler un vent de couleurs, qui chasserait la noirceur des angoisses, et laisserait apparaître un monde arc-en-ciel. Dans cet album, le crayon d’Élisabeth Coudol et les pinceaux de Mariona Cabassa s’entremêlent parfaitement pour laisser s’endormir les enfants.
Gardien de la lune, voilà une fonction très importante, à laquelle Émile vient d’être nommé par les créatures de la nuit. L’ours en est honoré et fier ; il ne prend donc pas ce travail à la légère et s’y prépare avec minutie. Assidu, il veille chassant les indésirables, et prenant plaisir à discuter avec la lune. Mais un soir, un biscuit grignoté à la main, il s’aperçoit que l’astre rétrécit. Que faire ? Il interroge ses amis, fouille dans ses outils, réfléchit encore et encore. Aurait-elle faim ? Serait-elle triste ? Voilà la lune aussi fine qu’un fil, Émile l’ours a le sentiment d’avoir échoué dans sa tâche. Mais un petit oiseau philosophe l’aidera à y voir plus clair dans la nuit, et l’apaisera en attendant le retour du bel astre.
Quoi de plus approprié qu’une fable sur le cycle de la lune, comme histoire du soir ? Ce livre réussit le pari d’expliquer ce mystère de la nature aux petits, en y ajoutant fantaisie et délicatesse. Les crayons de couleur et la gouache de l’artiste nous plongent dans un univers bleu nuit, rehaussé par le blanc lumineux de la lune, et du pelage de l’ours qui lui fait écho. Zozienka a su rendre cet ours tellement expressif que l’on pourrait lire la poésie des mots sur le bout de son museau. À travers cet ouvrage, elle révèle un talent d’autrice à l’égal de celui d’illustratrice.
Quand la nuit arrive à tâtons![]() ![]() Texte d’Élisabeth Coudol, illustré par Mariona Cabassa L’élan vert dans la collection Les albums 13,50 €, 238×296 mm, 32 pages, imprimé en Chine, 2020. |
Le gardien de la lune ![]() ![]() de Zozienka Saltimbanque éditions 13,90 €, 249×285 mm, 40 pages, imprimé en Roumanie chez un imprimeur écoresponsable, 2020. |

Fille des années 80, amoureuse des livres depuis toujours. La légende raconte que ses parents chérirent le jour où elle sut lire, arrêtant ainsi de les réveiller à l’aube. Sa passion des livres, et plus particulièrement des livres jeunesse, est dévorante, et son envie de partage, débordante. Elle est sensible aux mots comme aux images, et adore barboter dans les librairies et les bibliothèques. Elle aime : les albums au petit goût vintage et les romans saisissants, les talentueux Rebecca Dautremer et Quentin Gréban, les jeunes pousses Fleur Oury et Florian Pigé, l’humour d’Edouard Manceau et de Mathieu Maudet, les mots de Malika Ferdjoukh et de Marie Desplechin.
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