Aujourd’hui, c’est l’auteur Gilles Baum qui a accepté de répondre à nos questions. Avec lui, nous revenons sur son dernier album, Le piège parfait (Seuil) et sur son travail en général. Ensuite, c’est l’éditrice Marianne Zuzula (La ville brûle) qui a accepté de venir nous livrer ses coup de cœur et coup de gueule ! Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Gilles Baum
Parlez-nous de votre dernier album, Le piège parfait, que vous venez de sortir aux éditions du Seuil.
Les pièges, c’est un sujet fascinant. En général, l’intelligence humaine est sans limite dès qu’il s’agit d’emprisonner, de faire du mal, de tuer. Du coup, avec Matthieu, on avait envie de retourner le truc, d’en faire un album souriant avec une fin qui fait (un peu) réfléchir.
C’est votre première collaboration avec Matthieu Maudet, comment ça s’est passé ?
Parfaitement ! Enfin, pour moi… Faudra aussi lui poser la question à l’occasion.
Cela fait très longtemps que j’avais envie de travailler avec lui, j’aime beaucoup son travail et j’ai beaucoup ri avec mes enfants autour de ses livres avant même de le connaître. Un jour sur un salon, j’ai pu lui dire tout ça, lui demander son adresse mail et à partir de là il était fichu… Car le piège parfait, en fait, c’est moi. 😉
Ce projet on l’a vraiment construit ensemble à partir d’un texte initial qui n’a plus grand rapport avec le texte d’aujourd’hui. Sur la fin, on a su trouver un peu d’aide extérieure également. Je crois que c’est un beau projet, construit assez intelligemment.
J’aimerais aussi que vous me disiez quelques mots sur D’entre les ogres, sorti au Seuil également.
J’ai beaucoup de mal à parler de ce livre, à la fois parce que je l’aime beaucoup mais surtout parce qu’il me dépasse, il m’a échappé, je trouve cela fou et génial à la fois. Évidemment, l’apport de Dedieu y est pour beaucoup dans cette affaire, ses images sont incroyables.
Je trouve que ce livre ouvre beaucoup de portes, soulève de nombreuses questions mais en même temps il affirme quelque chose d’essentiel sur la foule.
Comment naissent vos histoires ?
L’éternelle question. Je ne suis même pas sûr d’avoir envie de connaître la réponse. Elles naissent, voilà. Les périodes de vide sont si douloureuses à vivre que la naissance d’une idée, il faut s’en réjouir et l’accepter sans se poser trop de questions je crois.
Dans le cas de « D’entre-les-ogres », c’est le titre qui m’a sauté au visage une nuit.
Parlez-nous de votre parcours.
Une enfance dans les quartiers populaires de Mulhouse. Du foot dès que possible mais une vraie passion pour l’école malgré tout. Des études de mathématiques et un diplôme de professeur des écoles.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Je crois que je vais vous navrer, mais peut-être aussi créer de l’espoir chez vos plus jeunes lecteurs…
Enfant je lisais Mondial, Onze, France Football, L’année du Football que nous recevions à Noël de notre tata Georgette, et mes albums Panini… vous voyez le genre. En dehors de cela, des BD, uniquement des BD.
Il m’a fallu attendre le début du lycée pour découvrir grâce à mon grand frère la puissance de la littérature avec Camus, Vian, Sartres, Anouilh…
Quels sont vos projets ?
Un album magnifique avec Barroux qui sortira en octobre chez Kilowatt, « mon pull panda ». Il y est question de solidarité. On prépare aussi aux éditions des éléphants un album marrant sur l’escalade de la violence qui s’appellera « Furio ».
Les autres projets, c’est secret.
Faudra repasser me voir.
Bibliographie sélective :
- Le piège parfait, album illustré par Matthieu Maudet, Seuil Jeunesse (2017).
- D’entre les ogres, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand incendie, album illustré par Barroux, Les éditions des éléphants (2016).
- Le totem, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2016).
- Camille est timide, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le baron bleu, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2014).
- Pousse Piano ou la symphonie des nouveaux mondes, album illustré par Rémi Saillard, Le Baron Perché (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Série La nature te le rendra, albums illustrés par Thierry Dedieu, GulfStream Éditeur (2012-2014), que nous avons chroniqué ici et là.
- Un royaume sans oiseaux, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2013).
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Marianne Zuzula
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur.trice, illustrateur.trice, éditeur.trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché.e, ému.e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il.elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé.e. Cette semaine, c’est Marianne Zuzula qui nous livre son coup de cœur et son coup de gueule.
Coup de cœur, coup de gueule
Je vais commencer par mon coup de gueule, ce sera fait. Mais avant ça, je vous demande un peu d’indulgence parce que là, maintenant, je suis en train d’écrire, et nous sommes le 24 avril 2017. Oui oui, le lendemain de ce 1er tour terrible, où en a juste envie de vomir, où on se souvient qu’en 2002 tout le monde était dans la rue, choqué et effaré, et où on est obligés de constater que 15 ans après, eh bien on s’est habitués à l’horreur de voir le FN atteindre de tels scores, et que limite on est soulagés parce que « ça aurait pu être pire ». Bref… pour se changer un peu les idées, mon coup de gueule ne parlera pas des élections.
Aux éditions la ville brûle, nous avons publié l’an dernier un album jeunesse sur le handicap [NDLR On n’est pas si différents, plus d’infos], pour déconstruire les stéréotypes liés au handicap, pour dire à toutes et tous qu’être handicapé c’est être différent, mais que différent cela ne veut pas dire moins bien, et que la personnalité de quelqu’un ne se réduit pas à son handicap.
C’est un vraiment chouette livre. Il est magnifiquement illustré par Claire Cantais, qui a pour cela passé pas mal de temps dans un Institut médico-éducatif, au plus près des enfants, et les textes de Sandra Kollender sont drôles et percutants.
Sur les salons, quand les gens le feuillètent, ils nous disent toujours que c’est vraiment un chouette livre, que c’est super de faire des livres comme ça sur le handicap… Puis la plupart du temps ils font une petite moue et ils ajoutent que bon, eux ils n’ont pas besoin d’aborder ce sujet puisque personne n’est handicapé dans leur famille.
Est-ce que l’on imaginerait quelqu’un feuilleter un livre sur le racisme, le trouver super, et puis ajouter : « Mais je n’ai pas besoin de sensibiliser mes enfants à cette question parce que personne n’est racisé dans la famille ? » Non.
D’autant plus que c’est faux, et que tout le monde est concerné par le handicap : les enfants sont confrontés au handicap à l’école, dans leur classe, dans les parcs et espaces publics. Échanger, partager, communiquer avec les personnes, enfants et adultes, porteurs de handicap nous concerne toutes et tous, c’est une question de vivre ensemble on ne peut plus élémentaire que d’essayer de connaître et comprendre toutes celles et ceux avec qui on partage l’espace public. Je sais que le handicap fait peur, et que ce déni est une façon d’éloigner cette peur, mais bon, ça me met vraiment en rogne et c’est un de mes coups de gueule récurrents…
Et mon coup de cœur c’est tous les salariés, du public comme du privé, qui tous les jours en font plus que ce qu’ils sont sensés faire, que ce soit par amour de leur métier, par conscience professionnelle, par respect pour les gens avec qui ils sont en contact, pour ne pas pénaliser leurs collègues ; les artistes dont le travail nous nourrit, nous rend heureux… mais qui ne parviennent pas à en vivre ; les bénévoles qui se consacrent aux autres d’une façon ou d’une autre, dans un cadre associatif ou à titre individuel… Je crois que la France ne tient que grâce à ça, à ces millions d’heures non comptées, non payées, non récupérées, ces millions d’heures invisibles et ignorées de celles et ceux qui dirigent le pays mais qui permettent à notre société de fonctionner, malgré tout. Et en écrivant ça je me dis que ce coup de cœur n’est pas très loin d’être un coup de gueule, finalement !
Marianne Zuzula est éditrice (La ville brûle)
Bibliographie sélective de La ville Brûle :
- L’Homme est-il un animal comme les autres, de Jean-Baptiste de Panafieu et Étienne Lécroart (2017).
- Osons la politique !, de Caroline De Haas et Camille Besse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Blanche Neige ou la chute du Mur de Berlin, de Métilde Weyergans et Samuel Hercule (2016).
- On n’est pas des moutons, de Claire Cantais et Yann Fastier (2016), que nous avons chroniqué ici.
- On n’est pas si différents, de Sandra Kollender et Claire Cantais (2015).
- Mon super cahier d’activités antisexiste, Claire Cantais (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le choix, de Désirée et Alain Frappier (2015), que nous avons chroniqué ici.
- De baraque en baraque, de Cendrine Bonami-Redler (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?, de Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon et Étienne Lécroart (2014), que nous avons chroniqué ici.
- On n’est pas des super héros, de Delphine Beauvois et Claire Cantais (2014), que nous avons chroniqué ici.
- On n’est pas des poupées, de Delphine Beauvois et Claire Cantais (2013), que nous avons chroniqué ici.
Le site de La ville brûle : https://www.lavillebrule.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !