Mon Superlivre des contraires se présente comme un grand imagier en apparence assez classique qui aborde les différences entre le vrai et le faux, le doux et le dur, le chaud et le froid… Les doubles pages foisonnent d’images hautes en couleur et d’expressions assez savoureuses. Le « faux » est par exemple représenté, entre autres, par une serviette en « similicuir » et le « chaud » par « le regard de braise » d’un séducteur. Le vocabulaire est très riche et varié et permet à l’enfant de piocher dans cette vaste étendue de mots de la langue française.
Les éditions Casterman ont lancé cette nouvelle collection de livres pour les jeunes enfants à la croisée entre le documentaire, le manuel d’éducation et l’imagier. Ces « superlivres », écrits par Elisabeth Brami et illustrés par Marie Paruit, sont des albums grand format très colorés qui cherchent à donner les clefs (et les mots) pour aborder des grandes notions. Le pari est tenu avec cet album : les expressions choisies sont peu rencontrées dans les livres pour la jeunesse, et les illustrations les mettent joliment en valeur. Plus qu’un imagier, il s’agit d’un véritable petit guide des expressions françaises destiné à de jeunes lecteurs qui ont déjà un bon vocabulaire, et un certain sens de l’humour !
Mon superlivre de la politesse expose quant à lui différentes scènes de la vie quotidienne d’un enfant (le repas, la sortie de l’école, les jeux au square…). Elles donnent l’occasion de comparer le comportement de Miss ou Monsieur Poli et leurs doubles « maléfiques » les Papoli. Naturellement, les enfants polis sont prévenants et calmes tandis que leurs homologues enchaînent insultes et incivilités.
En ouvrant ce second livre de la collection, on s’attend à trouver le même ton léger teinté de second degré. Or, si on est séduit par l’illustration très dynamique et les détails attachants choisis par Marie Paruit, il est plus difficile d’adhérer au message assez moralisateur du texte. Les lecteurs du Dicos des bêtises et autres catastrophes (avec Émile Jadoul, Casterman, 2011), véritable manuel de référence des garnements, peineront à reconnaître la subtilité habituelle d’Elisabeth Brami. L’auteur et psychologue qui comprend si bien les ambivalences dans le tempérament des enfants, comme elle l’exposait dans son « coup de cœur/coup de gueule » publié sur le blog, dresse ici des portraits très tranchés et normatifs. On peut regretter qu’aucun rapprochement ne s’opère au fil des pages entre les Papoli et les Polis. Les premiers collectionnent les méfaits tandis que les autres sont de tels enfants modèles qu’ils en deviennent agaçants.
Ce « superlivre » est un bel ouvrage. L’illustration de Marie Paruit est dans l’air du temps, très graphique et rend la lecture très agréable. Il répond bien au défi de mettre des mots sur les nombreuses situations de la vie d’un enfant mais, plutôt que d’amener l’enfant à se questionner sur les comportements communément admis en société, ils en donnent une vision un peu trop figée. Un ouvrage à lire avec les enfants en les encourageant à débattre sur ces représentations d’adultes.
Les mêmes vus par Maman Baobab et Sous le feuillage.
Dans le domaine des encyclopédies décalées, Le grand livre des outils de Pronto et Raphaël Martin est une véritable réussite. Ce grand format, qui fait l’inventaire exhaustif des outils, est un ravissement pour les bricoleurs mais surtout pour les amoureux de la langue française. La scie japonaise, la truelle « langue de chat », le marteau Polka, le rivet pop… même si on ne sait pas fixer une étagère ou planter un clou sans se taper sur les doigts, on se surprend à être fasciné par les noms des 165 outils qui sont minutieusement référencés comme des oiseaux rares. Chaque famille d’outils est accompagnée par une scène imaginée par Pronto pour expliquer une expression courante en français avec humour et second degré : être marteau, enfoncer le clou, en pincer pour quelqu’un, etc.
Nul besoin d’être un pro du bricolage pour apprécier cette encyclopédie très drôle et finement réalisée. Les dessins des outils sont parfaits et très évocateurs, mais c’est bien entendu la page qui leur fait face qui donne tout son pétillant à ce livre. Comme l’évoque Pronto lors d’une interview accordée à la Librairie Mollat, la grande force du livre réside dans son humour sans concession ni censure, très revigorant en ces temps où la liberté d’expression est malmenée.
Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué d’autres livres d’Élisabeth Brami (Le doudou de Tiloulou, La déclaration des droits des filles, La déclaration des droits des garçons, et Moi j’adore, maman déteste, et vice-versa), et de Marie Paruit (Petit-Paul rentre de l’école, Je fabrique des livres).
Mon superlivre Texte d’Élisabeth Brami, illustré par Marie Paruit Casterman dans la collection Mon superlivre. 14,95 €, 247×310 mm, 48 pages, imprimé en Espagne, 2014. |
Mon superlivre de la politesse Texte d’Élisabeth Brami, illustré par Marie Paruit Casterman dans la collection Mon superlivre. 14,95 €, 247×310 mm, 48 pages, imprimé en Espagne, 2014. |
Mon grand livre des outils. Pour joindre l’outil à l’agréable Texte de Raphaël Martin, illustré par Pronto De la Martinière 14,90 €, 370×270 mm, 36 pages, imprimé où, 2014. |
Dimanche 15 mars à partir de 11h, la librairie Les Enfants sur le Toit (22, rue Ramey, Paris 18ème) accueillera Murielle Szac et Bruno Doucey qui présenteront en avant-première Le Feuilleton d’Ulysse (Bayard Jeunesse). Ils parleront également de la collection « Ceux qui ont dit non » éditée par Actes Sud Junior qui regroupe des romans historiques sur des personnalités qui incarnent l’esprit de résistance. Cette rencontre sera suivie par une dédicace, vous pouvez donc ressortir les excellents Feuilleton d’Hermès et Feuilleton de Thésée (Bayard Jeunesse, 2006 et 2011), superbes recueils de mythologie grecque destinés aux enfants signés par Murielle Szac.
Laura
Je ne lis pas que le vendredi.