“Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente», Antoine de St-Exupéry.
Je vous propose aujourd’hui ma première sélection thématique. J’ai choisi de vous présenter quelques livres qui ont pour sujet “le handicap”, dans toute sa complexité et sa variété. Mais ce n’est pas parce que le sujet ou les questions sont sérieuses, qu’il faut lésiner pour autant sur la qualité, la poésie, et la beauté du texte et des illustrations !
On commence avec ce magnifique album d’Anne Herbauts, De quelle couleur est le vent ?, paru aux éditions Casterman. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer les premiers mots, pour vous plonger dans l’ambiance :
On ne voit pas le vent,
on entend ce qu’il apporte.
On n’entend pas le vent,
on voit ce qu’il emporte.
Un garçon non-voyant, un petit géant, se demande de quelle couleur est le vent. Il s’en va donc parcourir le monde, pour essayer de trouver réponse à sa question. Il rencontre des animaux et des objets, qui lui donnent tous leur vision de la chose. Il semble y avoir autant de réponses que d’individus…
La chute est forte, inattendue, surprenante et poétique, alors je ne peux vous en dire plus…
Vous l’aurez compris, avec ce très bel album souple, on aborde le handicap visuel. Par cette belle histoire, certes, mais également par l’objet lui-même. Au-delà des belles illustrations d’Anne Herbauts, qui mélangent de nombreuses techniques, on trouve à chaque page de nombreux effets tactiles, discrets, pour parcourir le livre les yeux fermés. Il faut effleurer le papier, le caresser du bout des doigts pour avoir accès à toutes les nuances et tous les détails. Embossage et vernis sont les secrets de ces jolis reliefs, qui permettent de vivre une nouvelle expérience de lecture. De manière poétique et vivante, on découvre donc doucement le monde autrement.
A sa naissance, Léonie est parfaite. A un détail près : à la place des jambes, elle porte un jupon de métal. Tout le monde l’observe et trouve cela étrange. En grandissant, Léonie aimerait bien se défaire de cette lourde cage de fer, et prendre son envol. Ses parents vont essayer de trouver une solution : dorénavant, sa cage sera mobile. Ainsi, elle peut danser, tournoyer et même un peu se déplacer. Elle croise un jour la route d’un cirque. En son sein, le pauvre lion a peur, parce qu’il n’a plus de cage. Léonie se propose pour le protéger, et part ainsi parcourir le monde avec la troupe, jouant le rôle de cage protectrice. Mais rapidement, elle se lasse, et l’envie de découvrir de nouveaux horizons la démange… Laissera-t-elle tomber son ami ? Peut-elle aller où elle veut malgré sa particularité ? Et lui, pourra-t-il la retenir de force ? Ces deux-là n’ont pas fini de vivre de folles aventures.
Le lion de Léonie d’Aude Maurel, paru aux éditions d’Orbestier, a reçu en 2009 le prix Handi-Livres du meilleur livre. Et pourtant, les mots différence et handicap ne sont pas employés une seule fois. Là encore, c’est par le biais d’une véritable histoire, une sorte de conte mis en valeur par de très beaux collages de papiers, que sont abordés des thèmes aussi divers que la différence physique, le manque de mobilité, l’envie d’autonomie, l’amitié, ou bien le regard des autres. On ne tombe jamais dans le pathos larmoyant, mais on prend tout de même conscience du quotidien pas simple de cette petite fille prisonnière de sa cage de fer.
Avec Pierrot le Grand d’Halfdam Rasmussen, on parle de différence plus discrète mais tout de même parfois difficile à vivre au quotidien. Pierrot est petit, trop petit selon lui. Il ne rêve que d’une chose : devenir grand. Par accident, il tombe dans une lessiveuse, et glisse entre les rouleaux. Il en ressort grand, très grand. Alors qu’il devrait être heureux de voir son souhait exaucé, il se rend compte, qu’être très grand n’est pas très facile non plus. Non seulement le monde n’est pas toujours adapté, mais en plus, il est difficile de faire comprendre aux autres qu’il n’est encore qu’un enfant…
Cette réédition d’un livre danois des années 50, dans la collection Aux couleurs du temps de Circonflexe, a complètement sa place dans le monde d’aujourd’hui. De format très allongé, et avec les illustrations pleines d’humour d’Ernst Clausen, l’objet colle au texte : une histoire intemporelle à la fois drôle et profonde sur la difficulté à se satisfaire de ce que l’on est, à s’adapter au monde plein de standards dans lequel on vit, et sur le regard ou pire l’ignorance que les autres peuvent faire peser sur nous.
Pour terminer (même si cette sélection est loin d’être exhaustive), je vous présente deux romans qui ont comme personnages principaux le frère ou la soeur d’enfants handicapés.
Dans La préférée, écrit par Sylvaine Jaoui on suit Emma, une jeune fille de 12 ans dont la petite sœur, Aliénor, est autiste. Et la vie n’est pas simple tous les jours. Sa mère est très occupée à protéger Aliénor qui demande beaucoup d’attention, alors qu’à l’inverse son père, dépassé, se réfugie dans le travail. Au milieu de tout cela, quelle place reste-t-il à Emma, dont le rêve est de devenir un jour une grande pianiste ?
Sylvaine Jaoui nous fait vivre avec beaucoup d’émotion les tourments de cette famille, dans ce court roman, facile à lire. Emma est tiraillée entre la colère contre cette situation, l’amour pour sa petite sœur malgré tout, la peur du regard des autres à un âge auquel on y est parfois particulièrement sensible, et le désespoir de voir un jour la situation s’arranger… Et pourtant ! L’écriture est forte, les mots choisis, et on ne prend parti pour personne : c’est aussi difficile pour Emma, que pour Aliénor, ou que pour leurs parents, aussi différents soient-ils dans leurs attitudes. Une belle peinture des liens familiaux aussi bien dans l’adversité que dans les beaux moments.
Et pour terminer, on fait la connaissance de Simple, un jeune homme handicapé mental qui a deux âges, selon l’expression de son petit frère, Kléber : 22 ans à l’état-civil, et 3 au quotidien. Simple dit quelques phrases, toujours très sincères, et joue avec les téléphones, les réveils et Monsieur Pinpin, son lapin en peluche. Lorsque son père a voulu qu’il aille vivre en institution, à Malicroix, Simple a failli mourir de chagrin. Kléber, même s’il est en Terminale, et qu’il est épuisé de s’occuper de son grand-frère, n’a pas supporté la situation non plus. Alors, lorsqu’il part vivre en colocation avec trois étudiants, il décide de prendre son frère avec lui.Je vous avais déjà parlé de Marie-Aude Murail à propos de l’excellent Oh, boy !. Et bien j’ai retrouvé dans cette histoire toute la tendresse et la force de son écriture et de ses personnages. Simple mérite qu’on prenne le temps de s’intéresser à lui, et ça, Kléber, l’a bien compris, même s’il sait aussi que le quotidien est lourd et difficile, et que tout n’est pas rose, loin de là. Avoir un frère handicapé mental, ce n’est pas facile tous les jours, mais c’est également une source d’amour immense qu’il faut protéger à tout prix, d’après ce que nous raconte ce petit frère dévoué, qui ne s’oublie pas pour autant.
Dans la même thématique, Gabriel avait également parlé de Paul-la-toupie, un livre sur l’autisme ici.
De quelle couleur est le vent, d’Anne Herbauts
Casterman, 19,50 €
Public : A leur lire / Lecteurs débutants
Le lion de Léonie, d’Aude Maurel
D’Orbestier, 13 €
Public : A leur lire / Lecteurs débutants
Pierrot le grand, d’Halfdan Rasmussen, illustré par Ernst Clausen
Circonflexe, dans la collection Aux couleurs du temps, 13 €
Public : A leur lire / Lecteurs débutants
La préférée, de Sylvaine Jaoui
Casterman, 8,75 €
Public : Lecteurs confirmés (dès 10 ans selon l’éditeur)
Simple, de Marie-Aude Murail
L’Ecole des Loisirs, dans la collection Médium, 10,50 €
Public : Lecteurs confirmés
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A part ça ?
Pour expliquer simplement aux enfants ce qu’est l’autisme, cette vidéo très poétique tombe à point nommé. Simplicité, noir et blanc, et jolies animations, pour parler de ce petit frère qui vient “un peu de la Lune”.
mon petit frère de la lune par fondationorange
Marianne
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Simple est tout simplement mon livre préféré. Je note La Préférée.
très bel article!
Bonjour, la “thématique” du handicap forcément interpelle notre petite bibliothèque rurale “marrainée” par Kaisa Leka, auteure finlandaise de BD autobiographiques sur la vivance du handicap car double amputée des jambes qui revient de son tour du Costa Rica à vélo (eh oui, une sacrée personnalité). Nous avons créé à partir de sa BD un livre audio puisque nous avons ouvert une section bibliothèque sonore. Nous sommes en complète harmonie avec La balade des Livres, association culturelle de Rennes qui diffuse actuellement un spectacle “Signe-moi une histoire”. Si vous souhaitez utiliser ces supports pour votre thématique, je suis à portée de mails et de tout autre moyen de communication. Jeanne Degrenne, 06.35.57.73.76 ou 02.31.92.11.06 mais je bouge beaucoup! Bien cordialement.
Très jolie chronique!
Je garde ça sous le coude 🙂
Je regarderai les livres de plus près mais la vidéo est tres bien. Bien faite claire et adaptée pour les enfants. Merci
Je viens de lire Oh boy ! de Muraille…. Pfioouuu… énoooorme coup de coeur !
Bonjour,
Je vous propose un Autrement
Que je vous offre tout simplement
Quelques uns m’ont interpellés
Et demande à le publier
Mais amna se veut un témoin
Un regard différent du tiens…
Amna
excusez la faute de frappe à “interpellé”
désolé
amna.
Pour les adultes ou les ados, on peut lire un livre très bien fait car il se place du point de vue de l’enfant : ” Le bizarre incident du chien pendant la nuit” de Mark Haddon. Il explique très bien ce qui se passe lors d’une situation imprévue.
ne peut on pas rajouter aussi le livre ” le vilain défaut” de ANne-Gaelle Balpe?
Bonjour à tous,
une petite contribution avec un livre coup de cœur “Matachamoua” de Céline Sorin et Célia Chauffrey aux éditions Pastel, une très belle histoire pour aborder la question de la différence et du respect de la singularité de chacun.
Bélem, un petit ours est différent car il ne possède que 53 taches contrairement à tous les autres petits ou grands ours qui en possède 54.
Bonjour, oh oui on l’adore, on l’a chroniqué aussi 🙂