Pour la septième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. On commence ces mercredis de l’été avec Myren Duval qui a choisi de poser ses questions à Marie-Aude Murail !
Myren Duval : Je vais commencer par une question sans doute un peu classique, mais qui m’intéresse beaucoup : si vous deviez ne citer qu’une seule raison d’écrire, laquelle serait-ce ?
Marie-Aude Murail : J’écris « pour adoucir le cours du temps ». Ou, pour le dire autrement que Jorge Luis Borges, je vais beaucoup mieux quand je suis dans le cours d’un roman que quand je suis en pause. Ça me paraît une raison suffisante pour continuer d’écrire.
Myren Duval : Quels livres aimeriez-vous avoir écrits et pourquoi ?
Marie-Aude Murail : Les miens en mieux, parce que je sais que j’ai fait des progrès.
Myren Duval : Sauveur & Fils est une série plus addictive qu’un paquet de Pringles, quels sont donc les ingrédients qui nous obligent à tous les dévorer les uns après les autres ?
Marie-Aude Murail : Est-ce parce que Sauveur & Fils nous parle de nous sans nous désespérer ? Est-ce parce que j’ai du métier ? Sans doute les deux.
Myren Duval : Il n’existe à mes yeux presque rien d’aussi merveilleux qu’être écrivain·e. Avec l’expérience, découvre-t-on quelques vices cachés ?
Marie-Aude Murail : Quand ma nièce écrivaine, Naima Zimmermann-Murail, a voulu emprunter de l’argent à sa banque pour acheter une maison, elle a présenté comme garants son père, Lorris Murail, écrivain, et sa tante, Elvire Murail-Moka, écrivaine. Le banquier leur a dit, les yeux dans les yeux : « Vous ne me rassurez pas. »
J’ai conscience en vous rapportant cette anecdote que le vice (pas du tout caché) est plus dans le système bancaire que dans le métier d’écrivain. Si écrire est notre unique source de revenus, nous sommes considéré·es comme des gens précaires, voire peu solvables. Vous serez contente d’apprendre que ma nièce a pu s’acheter sa maison grâce à un prêt à taux zéro de son père et de sa tante.
Myren Duval : Dernière question la plus importante, pas la plus évidente : reconnaîtriez-vous plus facilement un hamster déguisé en cochon d’Inde ou un cochon d’Inde déguisé en hamster ?
Marie-Aude Murail : Je dois surtout avouer qu’on m’a refilé un cochon d’Inde sur la couverture de Sauveur & Fils saison 1 en me laissant croire que c’était un hamster. Cette usurpation d’identité m’a contrainte à tuer des hamsters en saison 3 pour les remplacer par des cochons d’Inde, ce qui n’est sûrement pas bon pour mon karma.
Marie-Aude Murail : Chère Myren, voici d’abord pour vous une question que me posent aussi les enfants à propos de mes romans : est-ce que tu aimes lire tes livres ?
Myren Duval : J’ai probablement lu chacun de mes manuscrits plus d’une centaine de fois, donc j’ai plutôt intérêt à les aimer ! C’est d’ailleurs le critère essentiel quand j’améliore mes textes : si je n’ai pas envie de relire un passage ou un chapitre, je le supprime. Une fois publiés, je lis rarement mes propres romans, mais quand ça m’arrive, ça me plaît assez. Aussi étonnant que cela me paraisse, mes personnages parviennent régulièrement à me faire rire !
Marie-Aude Murail : Que voyez-vous de « merveilleux » dans le fait d’être écrivain·e ? Oui, ça m’intéresse de le savoir.
Myren Duval : Absolument tout (sauf les revenus).
D’abord, pouvoir travailler seule, en pyjama, dans un hamac, au milieu de la nuit, au bord d’une rivière, au comptoir d’un bar, au milieu d’une conversation, en cuisinant, sous la douche, en me promenant avec ma chienne ou en plantant des graines.
Ensuite, être libre de faire des choix. Écrire le monde comme on aimerait qu’il soit. Mettre quelques claques derrière la tête au passage. Utiliser des dates ou des anagrammes pour cacher des messages. Jouer au fil des pages. Avoir toujours sur moi une vie parallèle dans laquelle me plonger à chaque instant. Sourire en écrivant. Pleurer parfois.
Enfin, avoir un chat.
Marie-Aude Murail : Un titre comme « Mon chien, Dieu et les Pokétrucs », ça se trouve avant, après ou pendant l’écriture du roman ?
Myren Duval : Après ! Et pas facilement. Dans le cas présent, le dernier mot était initialement Pokémon, mais évidemment je n’avais pas le droit de l’utiliser. Je sollicite toujours mes proches pour les titres (merci au passage), je fais des sondages pour vérifier qu’ils choisissent bien le même que moi !
Ce titre a l’air de plaisanter, mais il dit des choses sérieuses à mon avis. Il dit notamment que les enfants racontent n’importe quoi, mais qu’ils ont toujours raison :).
Marie-Aude Murail : Je vous vois passer de temps en temps sur Instagram. D’après vous, qu’est-ce que les réseaux sociaux peuvent apporter aux écrivain·es que nous sommes ?
Myren Duval : Je découvre et choisis presque toutes mes lectures sur Instagram, pour moi qui n’ai pas la possibilité ici d’aller me balader dans une librairie francophone [NDLR Myren Duval vit au Népal], les réseaux sociaux me permettent de rester connectée à la littérature. Je fais un peu d’auto-promo aussi. Des lecteur·rices m’envoient des messages, c’est toujours un plaisir d’échanger quelques mots. Et parfois je découvre que Marie-Aude Murail est en train d’écrire la saison 7 de Sauveur & fils et là je fais un triple salto arrière dans mon salon.
Marie-Aude Murail : Et question subsidiaire, que pensez-vous de l’écriture inclusive ?
Myren Duval : Je la trouve nécessaire. Tout comme l’existence d’un pronom neutre. Quand on me dit que « c’est moche », je me dis que ça ne peut pas l’être vraiment plus qu’une écriture qui exclut au moins la moitié de l’Humanité.
Marie-Aude Murail : Et aussi comment je fais pour venir vous voir à Katmandou ?
Myren Duval : Voilà, c’est tout facile :
Merci, Marie-Aude Murail, à très bientôt donc !
Bibliographie de Myren Duval :
- Merci pour la tendresse, roman Le Rouergue (à paraître le 31 août)
- Délit de solidarité, roman, Le Rouergue (2021).
- Mon chien, Dieu et les Pokétrucs, roman illustré par Charles Dutertre, Le Rouergue (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Emmène-moi Place Tahrir, roman, L’Harmattan Jeunesse (2014).
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/myren_duval.
Bibliographie sélective de Marie-Aude Murail :
- Série L’espionne, BD, 2 tomes actuellement, dessins d’Églantine Ceulemans, BD Kids (2021-2022).
- Série Sauveur & Fils, romans, 5 tomes actuellement, L’école des loisirs (2016-2022), que nous avons chroniqué ici, là, ici et ici.
- Série Le clocher d’Abgall, romans, 3 tomes, illustrés par Clothilde Delacroix, L’école des loisirs (2022).
- À l’hôtel du pourquoi-pas ?, roman co-écrit avec Lorris Murail, L’école des loisirs (2022).
- Série L’espionne, romans, 2 tomes actuellement, illustrés par Frédéric Joos et Églantine Ceulemans, Bayard (2017-2022).
- Zapland, roman illustré par Frédéric Joos, L’école des loisirs (2016), que nous avons chroniqué ici.
- De grandes espérances, adaptation du roman de Charles Dickens, L’école des loisirs (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Miss Charity, roman, L’école des loisirs (2008).
- 22 !, roman, L’école des loisirs (2008).
- Maïté coiffure, roman, L’école des loisirs (2004).
- Simple, roman, L’école des loisirs (2004), que nous avons chroniqué ici.
- Oh, boy !, roman, L’école des loisirs (2000), que nous avons chroniqué ici.
- Série Nils Hazard, romans, 7 tomes, L’école des loisirs (1991-1998).
- Le hollandais sans peine, roman, L’école des loisirs (1989).
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/mamurail.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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