Quel rapport peut-il y avoir entre un singe et un oiseau ? Aucun, sauf qu’ils sont les héros de deux applis formidables pour les plus petits, imaginées par deux illustrateurs.
Petites choses de Benjamin Gibeaux est une appli de mini-jeux reliés par un fil narratif, inspirée de son court métrage d’animation, Les Petites Choses de la vie.
Ça parle de quoi ? Petites choses, on pourrait dire que c’est l’écho inversé du poème de Prévert, Page d’écriture. Vous vous souvenez : alors qu’il est en train de répéter ses tables d’addition en classe, un enfant voit passer un oiseau-lyre, il l’appelle et l’oiseau le délivre de la ritournelle des chiffres par son chant. Ici, c’est l’enfant qui libérera l’oiseau, enfermé dans une cage, verrouillée par sept cadenas. L’oiseau appelle l’enfant à son secours. Pour ouvrir sa cage, il faut retrouver les sept clefs de couleurs qui correspondent aux différents cadenas. Elles sont cachées derrière les fenêtres d’immeubles et au détour des rues d’une grande ville. Pour les obtenir, l’enfant doit résoudre sept petites énigmes. C’est cela Petites choses, mais c’est peut-être aussi l’envers du décor du court-métrage qui en est à l’origine, et dans lequel un enfant s’envole parmi les oiseaux…
Ça marche comment ? L’application se présente comme un grand panoramique représentant une ville. Lorsqu’on effleure l’écran, les rues se déroulent petit à petit. Le lecteur n’y est jamais perdu puisque le doigt pointé d’une main le guide et lui suggère le chemin. Les cachettes des clefs sont signalées par un petit dessin qui clignote, sur lequel il faut cliquer. Un nouvelle page s’ouvre alors et invite l’enfant à trouver comment capter les ondes qui feront fonctionner des téléviseurs, à transformer des immeubles en touches de piano, à aider un jeune homme à offrir des fleurs à une demoiselle, à retrouver des paires dans un mémo de fenêtres, à transformer la cacophonie des embouteillages en musique jazzy… Une fois les sept clefs récupérées, l’enfant peut ouvrir la cage et délivrer l’oiseau qui s’envole en sifflotant. Les réglages de l’appli permettent de réinitialiser le jeu et de visionner le court-métrage Les Petites Choses de la vie.
Et j’en pense quoi ? Un vrai coup de cœur ici. Tout concourt à faire de cette appli une petite merveille. Le graphisme est d’une grande finesse : un dessin crayonné, dans les tons gris, avec des touches de couleurs pastels qui surgissent ici ou là et envahissent la ville. S’il n’y a aucun texte, la musique quant à elle se retrouve à chaque coin de rue. Elle est présente en filigrane dans presque tous les jeux. Et c’est pour que l’oiseau puisse chanter la liberté que l’enfant accomplit ce voyage. L’appli est simple, tout y est clair et fluide. Rien ne fait obstacle à la douce rêverie à laquelle le lecteur est invité. Ne passez pas à côté du court-métrage qui accompagne l’appli, Benjamin Gibeaux y aborde avec une grande délicatesse et sensibilité la perte d’un enfant. Petites choses, c’est une bulle de douceur et de poésie. Preuve est faite qu’avec de petites choses, on peut en faire une grande !
Bande-annonce :
Le Singe au chapeau de Chris Haugthon est un album à jouer composé de neuf saynètes.
Ça parle de quoi ? Ici, il n’y a pas vraiment d’histoires, ce sont plutôt des petits sketchs mettant en scène un singe, affublé d’un bonnet à pompon et d’une paire de lunettes de ski, qui explore son environnement.
Ça marche comment ? Chaque scène s’ouvre sur un texte rouge sur fond bleu, les deux couleurs de l’appli, qui interpelle l’utilisateur avec une consigne (pas de son ici, le non-lecteur doit donc être accompagné dans sa lecture). Première scène : « Le singe arrive. Peux-tu lui ouvrir la porte ? » On se retrouve dans un appartement, devant une porte d’entrée. Par la fenêtre, on voit arriver le pompon du bonnet du singe. Le singe se hisse sur la pointe des pieds et toque à la fenêtre. À nous d’actionner la poignée pour ouvrir la porte. Le singe fait alors son entrée. En cliquant dessus, on a droit à une série de pantomimes franchement rigolotes. Suivent différents tableaux dans lesquelles le lecteur doit aider le singe dans ses activités quotidiennes ou communiquer avec lui : lui envoyer un message sur son téléphone, taper dans ses mains pour le faire danser, jouer de la musique avec lui, lui donner une banane. La navigation dans l’application est simplissime. On passe d’une scène à l’autre au moyen des flèches à droite et à gauche de l’écran, une flèche en haut permet de revenir au menu, qui offre la possibilité de choisir une scène précise ou bien de découvrir les planches de trois albums de Chris Haughton, Un peu perdu, Oh non, George ! et Chut ! On a un plan (que nous avons chroniqués ici et là).
Et j’en pense quoi ? Ce singe, c’est un drôle de numéro. Comment ne pas craquer sur ce personnage facétieux, à la dégaine improbable ? Il est irrésistible ! Le principe de l’appli est simple : le singe est un double virtuel de l’enfant. Dans la vie réelle, le petit enfant a besoin de l’aide d’un adulte pour accomplir un certain nombre d’actions. Ici, les rôles sont inversés, et c’est l’enfant qui se retrouve à aider le singe à faire ce que lui-même ne parvient pas à faire seul : ouvrir une porte, attraper une banane sur une table ou feuilleter un livre. Chaque scène est prétexte à une série de mimiques inattendues et extravagantes. Il faut voir le singe imiter le Moonwalk de Michael Jackson puis danser à la façon d’une méduse ! Et nous de prendre le pas et d’imiter le singe… On retrouve ici le graphisme impeccable de Chris Haughton qui a fait son succès : larges aplats de couleur, style très graphique, simplicité et expressivité du trait ; et son sens de l’humour un peu décalé. À cela s’ajoute une musique jazzy, accompagnée de bruitages malicieux. Joyeux, court, et drôlement efficace.
Bande-annonce :
Petites choses de Benjamin Gibeaux C’est magnifique Prix constaté : 1,79 € (Apple, Android). |
Le Singe au chapeau de Chris Haughton, musique de Matt Wand Fox and Sheep Prix constaté : 2,99 € (Apple). |
À part ça ?
On a eu la chance de voir le nouveau film de Tomm Moore, Le Chant de la mer, qui sort sur les écrans le 10 décembre. Il raconte l’histoire de Ben et Maïna qui, après la disparition de leur mère, se retrouvent seuls avec leur père, gardien de phare, anéanti par la douleur. Ben est en colère, et Maïna ne parvient pas à parler. Leur grand-mère, persuadée que la mer constitue un danger pour eux, décide, contre leur volonté, de les emmener vivre dans la grande ville. Mais ils sont étrangers à ce monde, et ils n’ont qu’une idée en tête : fuir. Commence alors un parcours semé d’embûches, véritable voyage initiatique. Maïna découvrira qu’elle est une selkie, une fée de la mer, dont le chant est seul capable de libérer les êtres magiques du sortilège de la sorcière aux hiboux. Le Chant de la mer revisite les mythes et les légendes irlandaises pour nous livrer un conte de fées moderne et merveilleux. Sur des images magnifiques, au graphisme tout en rondeur (le motif du cercle, à la fois protecteur et enfermant, est omniprésent), et une musique envoûtante (plusieurs chansons, d’inspiration celtique, sont interprétées par Nolwenn Leroy), Tomm Moore nous parle ici de la douleur de la perte et de la façon de la surmonter. On ne peut s’empêcher de penser à Hayao Miyazaki pour cet enchevêtrement entre le monde réel des adultes et le monde magique de l’enfance et pour la célébration de la nature. Mon fils de 5 ans et moi, on a été émerveillés et émus (très…) par Le Chant de la mer, un petit bijou d’animation !
Erica
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !