Vous connaissez certainement l’expression “Inventaire à la Prévert”. Ce que mes yeux ont vu est selon moi un “catalogue à la Prévert”. Giovanna Zoboli et Guido Scarabottolo dressent la liste des choses incongrues et étranges du monde dans lequel on vit : des chaises boiteuses, des arbres coupés, des mots jamais prononcés, des personnes qui ne pensent pas à l’avenir (le leur ou celui des autres), des boutons, des cadeaux inutiles, des visages difficiles à retenir, des cartes postales jamais envoyées, des chaussures démodées, des moyens de transport en panne… La liste est longue. Trop longue pour vous la livrer ici. Parfois très concrètes, d’autres fois beaucoup plus philosophiques, ces observations souvent justes du monde dans lequel on vit sont présentées comme dans un vrai catalogue. Pas de longue explication, ou de description : seulement quelques mots accolés comme des étiquettes, et une illustration plus ou moins figurative, mais toujours forte et colorée pour traduire le message. Un voyage au cœur de l’absurde qui fait bien souvent notre quotidien, qui soulève de vraies questions : le temps qui passe trop vite, la dépersonnalisation de bien des situations, et sans doute aussi la société de consommation qui nous rend prêt à acheter tout et n’importe quoi. Alors que les plus jeunes apprécieront certaines illustrations, il me semble que malgré la quasi-absence de texte, les ados devraient trouver matière à réflexion.
Avec Peau de Lapin aussi, on s’élève un peu contre la bizarrerie humaine. Touffu et Taffeta habitent avec tous leurs amis lapins sur une dune en bord de mer (j’ai envie de dire que cette dune est normande, parce que j’aime la Normandie, et que les éditions Motus sont manchoises). Chemins de sable, bruit des vagues et chant du vent, et surtout des petits et des grands terriers, partout. Un jour, on construit une digue, puis une, puis deux, puis douze, puis des centaines de maisons. Les lapins tentent de résister, mais quand il ne reste que quelques brins d’herbe, un rond-point, et que le bruit des mâts ne retentit même plus, ils n’ont plus qu’à fuir. Finalement, la mer reprend ses droits, les maisons se vendent, le sable refait surface aidé du vent. Il repeuple tous les coins de dune. Touffu et Taffeta peuvent rentrer chez eux, réintégrer leur terrier.
Comme souvent avec les livres des éditions Motus, j’ai d’abord été surprise par l’aspect étrange de ce livre : les illustrations de Brunella Baldi étaient vraiment très belles et lumineuses, mais un peu curieuses. L’histoire aussi de son côté. J’avoue avoir laissé ce bel album tout en longueur un peu de côté, en me disant que ça me plaisait, mais que quelque chose me dérangeait. Et puis le temps a fait son effet, et à la deuxième lecture, je n’ai plus du tout eu cette impression. Vanessa Simon Catelin signe simplement un très joli conte, aux paroles mélodieuses et aux illustrations délicates, qui dénonce à sa manière la construction en masse sur nos littoraux… Mais plutôt que d’être dans le combat, l’histoire est là pour nous montrer la force de la nature et de ses éléments. L’homme se croit parfois supérieur, et il en fera les frais tôt ou tard…
Quelques pas de plus…
Sur La Mare aux Mots, nous avons souvent chroniqué des livres en lien avec l’environnement.
Le Voyage d’une Etoile, c’était aussi Giovanna Zoboli.
Ce que mes yeux ont vu de Giovanna Zoboli illustré par Guido Scarabottolo Notari dans la collection L’oiseau sur le rhino. 18 € |
Peau de Lapin de Vanessa Simon Catelin illustré par Brunella Baldi Motus 13 € |
———————————————————————————————————————
A part ça ?
J’ai le droit d’être un peu chauvine ? Peu de lecteurs seront concernés, mais je pense que l’initiative de la médiathèque de Carros mérite d’être relayée : dimanche 27 Mai, de 10h à 18h, la médiathèque délivre ses livres. A l’occasion d’une grande journée autour du livre, avec spectacles et animations diverses, et parce que le stock est en partie renouvelé et qu’il faut faire de la place, plus de 15000 livres seront vendus à 0,50 centimes et 1 euro. Tous les styles seront représentés, et je me suis promis d’aller y faire un tour !
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !