Aujourd’hui, je vous propose une interview de Béatrice Rodriguez qui vient de signer un album très drôle (et antisexiste) avec Jean Leroy, La princesse, le loup, le chevalier et le dragon. Ensuite, on file épier Magali Le Huche dans son atelier pour voir comment elle crée. Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Béatrice Rodriguez
Parlez-nous de votre parcours.
J’ai toujours dessiné, depuis l’âge où l’on peut tenir un objet entre les doigts. Mon père nous mettait toujours à disposition du matériel feuilles et crayons, parfois même un stylo à bille. J’ai gribouillé pas mal de papiers peints et livres de poche.
Puis j’ai beaucoup dessiné à la maternelle, moins à l’école primaire.
Vers 15 ans j’ai pris des cours de dessin. C’était un super moment le mercredi après-midi, une respiration dans la semaine.
Je ne savais pas si je voulais en faire mon métier. Certains m’encourageaient d’autre me le déconseillaient fortement.
Finalement après des années d’hésitation je suis rentrée à l’école Boule puis Oliviers de Serre et pour atterrir enfin pour mon plus grand bonheur aux Arts Déco de Strasbourg.
Après les arts déco, j’ai commencé mon métier d’illustratrice, d’abord dans la presse pour enfants (Astrapi, J’aime lire, Toboggan…) et dans les éditions scolaires. Et puis petit à petit, lorsque la confiance s’est installée, pour l’édition.
Vous venez de sortir La princesse, le loup, le chevalier et le dragon chez Actes Sud Junior, parlez-nous de votre travail sur cet album et de votre collaboration avec Jean Leroy
Le texte m’a tout de suite plu et Jean avait trouvé tout de suite le bon rythme pour le bouquin, de ce fait, je n’ai pas fait grand-chose, si ce n’est les illustrations.
Jean voulait des crayonnés pour envoyer le projet aux maisons d’édition. Je voulais peaufiner les dessins faire quelque chose de très séduisant, mais j’avais beaucoup de travail en parallèle, alors le projet stagnait un peu. Heureusement Jean m’a boosté et m’a dit d’envoyer ce que j’avais… un premier jet assez cracra.
Il l’a mis en maquette (sans ma permission) et a commencé à démarcher (sans ma permission) et le projet a été accepté chez Actes Sud Junior. Donc je peux dire que Jean est un auteur boosteur assez étonnant.
Bien évidemment, la maquette a été retravaillée depuis…
Pour cet album, je voulais mettre beaucoup de légèreté et d’innocence.
J’ai beaucoup travaillé le mode de déplacement des personnages. La princesse toute sautillante légère, contraste bien avec son goût pour la bagarre (je me suis inspirée de ma petite sœur à l’âge de 5-6 ans qui avait cette attitude légère évanescente et bagarreuse). Le chevalier lui se déplace de façon rigide, bloqué dans son armure, rigide mais dynamique, il écrase tout. Un petit bulldozer.
Pour moi, la gestuelle des personnages est très importante, des orteils à la pointe des cheveux, elle raconte autant que le texte.
Pour les couleurs, je voulais une ambiance douce, fraîche, mais pas pastel, assez acidulée.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je dessine les traits noirs au crayon sur du papier calque que je scanne par la suite. Je mets la couleur sur ordinateur portable avec ma petite palette graphique. Comme ça je peux travailler un peu partout dans la maison et chez les autres aussi.
Quelles étaient vos lectures d’enfant et d’adolescente ?
Enfant je ne lisais pas. J’étais dyslexique et ça me demandait trop d’effort. Même Asterix m’épuisait.
Je préférais le jardin, je regardais les arbres, les fleurs, les insectes.
Voir comment germaient les graines, comment poussaient les plantes.
Adolescente, j’adorais « Le génie des alpages » de F’murr. « Les rats » de Ptiluc et puis Fred aussi avec son « Philémon » et « Les idées noires » de Franquin.
Parlez-nous de vos prochains ouvrages
J’ai toujours plein de projets en tête et même parfois dans les tiroirs des éditeurs. Mais c’est le temps qui me manque le plus. Je dois évoluer dans une autre boucle temporaire que les autres, plus élastique.
En tant qu’illustratrice, faire plusieurs livres à la fois, c’est assez compliqué pour moi. Faire un livre, déjà, demande tellement d’énergie, d’engagement. Mais peut-être que je ne suis pas assez légère. En ce moment, je suis en train d’illustrer un Classique chez le Père Castor, « Le petit bonhomme de pain d’épices ». D’ailleurs il faut que j’y retourne je suis un peu en retard sur mon travail !
Bibliographie sélective
- La princesse, le loup, le chevalier et le dragon, illustration d’un texte de Jean Leroy, Actes Sud Junior (2017).
- Mon petit atlas de France, illustration d’un texte d’Aude Lesage, Belin (2017).
- Au bonheur des lapins, illustration d’un texte de Marie Nimier, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Les secrets des grands singes, illustration de textes d’Emmanuelle Grundman, Akela éditions (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Chien-guide pour la vie, illustration d’un texte de Laure Perrin, Akela éditions (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Partie de pêche, album sans texte, Casterman (2013).
- Carabinette, illustration d’un texte de Jean Leroy, Casterman (2013).
- Dans la forêt, en promenade avec Tom et Marie, illustration d’un texte de Sylvie Baussier, Belin Jeunesse (2013).
- La revanche du coq, album sans texte, Casterman (2011).
- Le voleur de poule, album sans texte, Casterman (2008).
Quand je crée… Magali Le Huche
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Magali Le Huche qui nous parle de quand elle crée.
C’est assez variable, en fonction des projets, des humeurs, des urgences, des saisons…
J’aime beaucoup chercher des idées au café. J’aime commencer les projets, esquisser des personnages au café. J’aime beaucoup les cafés, j’arrive bien à me concentrer, comme si l’agitation ne me concernait pas, et que je ne pouvais pas partir de mon siège, quoiqu’il arrive. C’est un endroit distrayant qui me concentre je crois. Par contre je n’y arrive pas du tout dans le train ! Je suis toujours attirée par le défilement du dehors et ça me fait planer.
La plupart du temps je travaille dans mon atelier.
Il y a des jours où j’ai besoin d’être totalement seule sans bruit. C’est étonnant comme je suis beaucoup plus intolérante au courcircuitage chez moi qu’au café. Pour écrire notamment, et pour faire des crayonnés. Dans ces phases de travail, je suis en général dans le silence total. Ensuite, lorsque je passe au dessin, à la mise au propre, à la recherche de technique, j’aime écouter de la musique. Mais alors là, pour le choix de la musique, je peux être un peu maniaque ! J’ai l’impression que la musique que je choisis alors va influencer mon dessin (ce qui n’est pas faux), ou l’inverse, les dessins que je fais vont influencer la musique que je choisis. Oui parce que je peux dessiner en rythme, alors, si je choisis d’écouter Deep Purple ou des groupes comme Supergrass, The Clash, ou Television, mon trait sera peut être plus nerveux que si je décide d’écouter Chopin, Schubert, ou Sufian Steven et Patrick Watson. Il peut m’arriver d’écouter Dr Dre, Missy Elliott ou MFDoom, alors que je fais une histoire de Doudous tout mimi. S’opère alors un petit décalage assez drôle. Pour le prochain Non-non, je vais essayer d’écouter Black Sabbath, tiens.
Lorsque je dessine, j’écoute de la musique, et lorsque je fais des mises en couleur, j’écoute la radio. J’écoute beaucoup d’émissions en podcast, généralement des émissions de France culture. Je suis addict à « Les pieds sur terre ».
Pendant des années j’ai partagé mon atelier avec d’autres illustrateurs et graphistes. C’était une super période, ou j’aimais travailler entourée, cela ne me dérangeait pas de faire des pauses en fonctions des pauses des autres.
On se faisait découvrir beaucoup de musique, on écoutait les émissions ensemble…
Même si mes collègues me manquent souvent, j’ai trouvé une certaine satisfaction, un plaisir à travailler seule. Je me sens dans ma bulle, j’aime être complètement immergée dans mon espace, dans mon travail. Cela devient même nécessaire maintenant, et je suis plus facilement disponible ensuite pour aller voir les autres.
C’est à cause de l’âge peut-être…
Avant j’étais super efficace le matin, et puis, maintenant que j’ai un atelier attaché à mon appartement, j’aime travailler le soir, les bruits de dehors ne sont pas les mêmes, la lumière de la nuit me concentre différemment, je n’ai plus à surveiller l’heure, j’y suis bien…
Magali Le Huche est autrice et illustratrice.
Bibliographie (sélective).
- Le grand magasin fluo, illustration d’un texte de Stéphane Gisbert, Sarbacane (2017).
- Doudou est perdu, texte et illustrations, Tourbillon (2017).
- La tribu qui pue, illustration d’un texte d’Élise Gravel, Les fourmis Rouges (2017).
- Verte, illustration d’un scénario de Marie Desplechin, Rue de Sèvres (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Qui a soufflé mes bougies ?, album, illustration d’un texte d’Ilan Brenman, P’tit Glénat (2017) que nous avons chroniqué ici.
- Eléctrico 28, album, illustration d’un texte de Davide Cali (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Série Paco, albums sonores, textes et illustrations, Gallimard Jeunesse (2014-2017), que nous avons chroniqué ici et là.
- Peur du noir, moi ?, album, texte et illustrations, Albin Michel Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Série Jean-Michel, albums, textes et illustrations, Actes Sud Junior (2009-2017), que nous avons chroniqué ici et là.
- Série Non-Non, albums, textes et illustrations, Tourbillon (2009-2016), que nous avons chroniqué ici, là et là.
- Un poisson dans le bidon, illustration d’un texte de David Sire, Sarbacane (2015), que nous avons chroniqué ici.
- À la recherche du nouveau père, BD, scénario de Gwendoline Raisson, Dargaud (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Même les princesses pètent, illustration d’un texte d’Ilan Brenman, P’tit Glénat (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le poisson perroquet, album, illustration d’un texte d’Amanda Sthers, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Ferme ton bec !, album, illustration d’un texte de Pierre Delye, Didier Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- C’est de famille, album-CD, illustration d’un texte de David Sire, Éditons des braques (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Drôles de courses pour M. Ours, album, illustration d’un texte de Monika Spang, P’tit Glénat (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Pépito super-héros, album-CD, illustration d’un texte de Yann Walcker, Gallimard Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Niet Popov, album-CD, illustration d’un texte de David Sire, Éditons des braques (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Mères anonymes, BD, scénario de Gwendoline Raisson (2013), Dargaud, que nous avons chroniqué ici.
- Le loup et la soupe aux pois, album, illustration d’un texte de Françoise Diep, Didier Jeunesse (2012) que nous avons chroniqué ici.
- Le Chat d’Elsa, album, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, Père Castor (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Le voyage d’Agathe et son gros sac, album, texte et illustrations, Sarbacane (2011), que nous avons chroniqué ici.
- L’arpenteur, album-CD, illustration d’un texte de David Sire, Éditons des braques (2011), que nous avons chroniqué ici.
- À la piscine, grande illustration, La maison est en carton (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Ma super famille, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, Père Castor (2009), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !