Je l’ai dit à plusieurs reprises déjà ici et sur nos réseaux sociaux, mon coup de cœur de cette fin d’année c’est Utopia de Simon Bailly, sorti chez L’Agrume. J’avais envie d’en savoir plus sur cet auteur/illustrateur, il a accepté de répondre à mes questions. Ensuite, on part en vacances avec la grande illustratrice Joanna Concejo (qui vient tout juste de sortir Ne le dis à personne, avec Rafael Concejo, aux éditions Format). Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Simon Bailly
Pouvez-vous nous parler d’Utopia, votre dernier album ?
Le livre est né à la suite d’une exposition sur l’Utopie organisée par L’Agrume à l’occasion d’un numéro spécial de Citrus leur ancien magazine. Le thème de l’utopie étant tellement vaste je ne savais pas quoi faire et j’ai décidé de lire Utopia de Thomas More. Je me suis tout de suite dit qu’il y avait une super trame à exploiter, quelque chose à détourner mais je ne savais pas encore sous quel format. J’ai donc produit quelques images pour l’exposition et Guillaume (l’éditeur) m’a tout de suite appelé en me demandant si je me sentais de faire un album jeunesse en partant de ces images. J’ai réfléchi quelques jours et je me suis lancé. Comme je voyais surtout des images (la partie découverte de l’ile) et pas encore une réelle histoire j’ai donc pris le projet à l’envers en commençant par dessiner de nouvelles images. Puis petit à petit des idées sont venues. Il ne fallait pas perdre de vue que je m’adressais à des enfants. Comme le livre de Thomas More est une satire politique, il fallait simplifier l’intrigue, la source de conflit entre l’écrivain et le roi, pour qu’elle soit facilement comprise.
Après quelques semaines de travail, l’histoire s’est déroulée d’elle-même. Finalement le livre est construit de manière très classique : présentation, élément déclencheur, fuite, découverte, ultimatum, résolution.
Quel sentiment ça vous a procuré d’être, pour la première fois, au texte et aux illustrations ?
Depuis ma sortie de l’école j’ai vraiment envie de faire un livre tout seul, d’être aux commandes, à la fois au niveau du texte et de l’image mais également au niveau de l’objet en lui même : le format, la reliure, le façonnage. C’est assez difficile de trouver une légitimité dans l’écriture quand on fait principalement de l’image. J’ai été très soutenu par Ella qui a fait la même école que moi et qui a réalisé la maquette du livre mais également par l’éditeur qui m’a fait confiance du début à la fin. C’est très agréable de travailler avec des gens qui nourrissent une passion pour le « beau livre » et pas seulement pour ce qu’il raconte.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous (pour cet album et en général) ?
Pour ce livre et de manière générale je travaille avec une plume et du papier. Je réalise ensuite la couleur sur ordinateur avec l’ajout de matières et de textures. La partie dessin est très rapide et la couleur me prend beaucoup plus de temps car il faut trouver une cohérence sur tout le livre en fonction des différentes ambiances que je veux décrire.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
En termes d’image je pense que j’ai des influences assez marquées. On me parle souvent de Hergé mais il y a également beaucoup d’illustrateurs ou d’artistes qui m’inspirent comme Swarte, Steinberg, Ungerer, Bloch, Sempé, pour n’en citer que quelques-uns. Au niveau du sujet je pense que mes inspirations viennent de mon parcours. Après l’école, j’ai travaillé pendant un an avec une maison d’édition associative qui travaille autour de la notion de vivre ensemble et qui pose des questions de société à la jeunesse. Aujourd’hui je travaille quotidiennement pour la presse et je vois donc des sujets de société défiler en permanence.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
J’ai toujours voulu dessiner. Je n’ai jamais pensé faire autre chose. Après un lycée en Arts plastiques, j’ai fait une prépa en Arts appliqués à Blois puis je suis rentré à l’école d’arts d’Épinal (spécialité Image et narration).
Mes trois années à Épinal ont été l’occasion de découvrir tous les métiers liés à l’image et de m’orienter vers un domaine en particulier. J’ai appris à écrire à l’école avec l’auteure Julia Billet qui était notre professeure et avec qui j’ai ensuite réalisé deux livres. Pour le reste je m’intéressais beaucoup à l’illustration, au graphisme et à l’image imprimée (sérigraphie, lithographie…) C’est cet apprentissage qui me donne aujourd’hui l’envie de concevoir un livre dans son entier. À ma sortie de l’école j’ai donc fait un service civique dans une maison d’édition (Les éditions du pourquoi pas) et que comme celui-ci ne m’occupait que cinquante pour-cent du temps j’ai commencé à travailler pour la presse et à me construire un réseau. Aujourd’hui je travaille beaucoup pour la presse mais également avec des studios de graphismes, des agences et je fais des livres de commandes.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Ma mère étant passionnée par la littérature jeunesse, j’ai toujours été baigné dedans.
Mon livre préféré restant indubitablement Les trois brigands. J’ai eu accès à tous les classiques Chien bleu, La petite taupe, Max et les maximonstres, La brouille, Le cheval bleu, La vache orange, La grande panthère noire… À mon adolescence je n’ai pas trop lu. J’aimais beaucoup Zep, Hergé, Harry Potter mais je passais beaucoup de temps à regarder des films. Ce n’est qu’une fois arrivé à l’école d’art que je me suis replongé dans la littérature jeunesse et que j’ai commencé à découvrir des auteurs de BD et des maisons d’édition qui me passionnent (Cornélius, 2024, Magnani…).
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos prochains ouvrages ? D’autres projets en solo ?
Début 2020 sortiront deux livres, un chez Hélium, un roman ado illustré (tout en noir et blanc) à la manière des livres du 19e siècle. Nous nous sommes très bien entendus avec l’éditrice sur ce projet. Et un second avec les Éditions du Pourquoi pas. Les deux livres traitent d’un sujet d’actualité, l’écologie.
Pour ce qui est des projets perso, j’ai plusieurs idées en tête, des débuts de textes. Je peux simplement dire qu’il y a prochainement une bande dessinée, probablement un « roman ado illustré » et des albums.
Bibliographie :
- Utopia, texte et illustrations, d’après Thomas More, L’agrume (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Les œufs, illustration d’un texte de Stéphanie Ledu, Milan (2019).
- Le livre du livre du livre, illustration d’un texte de Julien Baer, Hélium (2018), que nous avons chroniqué ici.
- L’incroyable destin de Charles Darwin et la théorie de l’évolution, illustration d’un texte de Pascale Bouchié, Bayard (2018).
- Sauvages ou domestiques : comment l’homme a domestiqué les animaux, illustration d’un texte de Jean-Baptiste de Panafieu, Gallimard Jeunesse (2018).
- La reine des coquillages, illustration d’un texte de Nathalie Clément et Yves-Marie Clément, Les éditions du Pourquoi pas (2017).
- Le mystère de la chambre froide, illustration d’un texte de Jean Billet, Les éditions du Pourquoi pas (2017).
- Mo, illustration d’un texte de Julia Billet, Les éditions du Pourquoi pas (2015).
Le site de Simon Bailly : https://www.simon-bailly.com.
En vacances avec… Joanna Concejo
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Joanna Concejo que nous partons ! Allez, en route !
5 livres :
- Les Pérégrins : Olga Tokarczuk
- Sur la route de Babadag : Andrzej Stasiuk
- L’homme qui savait la langue des serpents : Andrus Kivirähk
- Sidhartha : Herman Hesse
- L’art de la joie : Goliarda Sapienza
5 CD :
- Secret story : Pat Mettent Group
- Bosa : Anna Maria Jopek
- The Köln Concert : Keith Jarret
- Valtari : Sigur Ros
- Requiem for my fiend : Zbigniew Preisner
5 films :
- Stalker : Andreï Tarkovskiy
- Arizona dreams : Emir Kusturica
- Cinéma Paradiso : Giuseppe Tornatore
- La visite de la Fanfare : Eran Kolirin
- Le voyage de Chihiro : Hayao Miyazaki
5 albums jeunesse :
- La fête abandonnée : Pablo Auladell
- Voyage d’hiver : Anne Brouillard
- La volpe e il polledrino : Viola Niccolai
- Là, où vont nos pères : Shaun Tan
- Les hommes-loups : Dominique Goblet
5 artistes :
- Louise Bourgeois
- Françoise Pétrovic
- Pier Paolo Pasolini
- Stasys Eidrigevicius
- Stefan Zsaitsits
5 lieux :
- Le lac de mon village en Pologne
- Varsovie – ville que j’adore
- Les forêts Bory Tucholskie en Pologne
- Le petit studio où je travaille à Versailles
- Le village de ma belle-mère en Espagne et tous ces endroits autour où on peut se baigner…
Joanna Concejo est illustratrice
Bibliographie :
- Ne le dis à personne, illustration d’un texte de Rafael Concejo, Format (2019).
- Une âme égarée, illustration d’un texte d’Olga Tokarczuk, Format (2018).
- Un Prince à la pâtisserie, illustration d’un texte de Marek Bienczyk, Format (2015).
- Quand les groseilles seront mûres, texte et illustrations, L’atelier du poisson soluble (2015).
- Le Petit chaperon rouge, illustration d’un texte de Charles Perrault et des frères Grimm, Notari (2015).
- Les visages du lointain, illustration d’un texte de Rafael Concejo, Notari (2015).
- Un pas à la fois, illustration d’un texte de Blanche Mezzadonna, Notari (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Les fleurs parlent, illustration d’un texte de Jean-François Chabas, Casterman (2013).
- Une étoile dans le noir, illustration d’un texte de Lucia Tumiati, Notari (2012).
- Zimbo, illustration d’un texte d’Arturo Abad, OQO (2012).
- La maison où tu n’arrives jamais, illustration d’un texte de Paloma Sanchez Ibarzabal, OQO (2011).
- Une étoile dans le noir, illustration d’un texte de Lucia Tumiati, Notari (2012).
- Entrez !, illustration d’un texte de Sébastien Joanniez, Le Rouergue (2010).
- L’Ange des chaussures, illustration d’un texte de Giovanna Zoboli, Notari (2009).
- Fumée, illustration d’un texte d’Anton Fortes, OQO (2009).
- Au clair de la nuit, illustration d’un texte de Janine Teisson, Motus (2009).
- Grand et petit, illustration d’un texte d’Henri Meunier, L’atelier du poisson soluble (2008), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Joanna Concejo : http://joannaconcejo.blogspot.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !