Aujourd’hui, pour notre dernier Les invité·es du mercredi, nous recevons tout d’abord Anne-Florence Salvetti-Lionne, autrice du joli Zaza queen de la bibliothèque (publié par L’atelier de la belle étoile). Elle est notre invitée pour l’interview. Notre seconde invitée, Lauraine Meyer, autrice et dessinatrice, a accepté de participer à notre rubrique Quand je crée.
L’interview du mercredi : Anne-Florence Salvetti-Lionne
Votre album Zaza queen de la bibliothèque vient de sortir à L’atelier de la belle étoile. Il parle de quoi ?
C’est l’histoire de Camille, un enfant qui adore aller à l’heure du conte de sa bibliothèque avec son papa. Zaza y lit des histoires aux enfants, et Zaza est une drag-queen, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Un jour, justement, des personnes manifestent leur mécontentement devant la bibliothèque et empêchent les enfants et leurs parents d’entrer…
Comment est né cet album ?
Ma fille aînée et moi apprécions énormément l’univers coloré et bienveillant des drag-queens, et je trouvais qu’on ne leur donnait pas suffisamment de visibilité dans la littérature jeunesse. C’est désormais chose faite !
Comment s’est passée la collaboration avec les éditions L’atelier de la belle étoile ?
Quand j’ai écrit Zaza, j’ai rapidement pensé à cette maison d’édition dont j’avais été une contributrice de la première heure pour le premier tome du Petit illustré de l’intime, un super guide pour enfants pour en savoir plus sur ses parties intimes. Je la savais réceptive à des sujets inclusifs et qui sortent un peu des sentiers battus. Ça a été une belle collaboration, très fluide ! Les illustrations et le travail d’édition de Mathilde Baudy subliment vraiment l’histoire de Zaza et Camille.
C’est votre premier album jeunesse, mais pas votre premier livre…
Non, en effet, j’étais déjà autrice d’un guide pratique sur les voyages longs (Tout plaquer et partir au bout du monde chez Hachette) et de trois essais : Mes seins, mon choix ! (Eyrolles) sur la place de l’allaitement en France, Mon corps, ma planète (Eyrolles) sur l’écoféminisme, et plus récemment Filles de nos mères (Mango) sur les relations mère-fille.
Vous êtes aussi journaliste et je crois que vous traitez de sujets qui nous sont chers, comme le féminisme ou la parentalité. Pouvez-vous nous en parler ?
Je suis journaliste pigiste, c’est-à-dire que je travaille en tant qu’indépendante pour plusieurs médias, comme Slate, Madmoizelle ou encore Femme Actuelle. Je traite surtout de sujets de société et en particulier ayant trait au féminisme et à la parentalité, en effet ! Mes idées d’articles partent souvent de réflexions que je me fais et que j’ai envie de creuser en interrogeant des spécialistes. Cela peut aller de “Comment parler de l’extrême droite avec ses enfants” à “Comment élever des petits garçons qui n’ont pas peur d’être vulnérables ?” en passant par le recueil de témoignages sur l’avortement ou la dépression du post-partum.
En tant que journaliste, vous abordez de nombreux sujets. Pensez-vous qu’on peut tout aborder en littérature jeunesse ?
Oui, je pense que l’on peut parler de tout aux enfants tant qu’on se met à leur hauteur, que l’on utilise des termes qu’ils comprennent et que l’on prend garde à ne pas les brusquer ni les effrayer. La littérature jeunesse est un formidable appui pour les enfants et leurs parents afin d’aborder tout type de sujets, même les plus tabous ou difficiles à engager.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Petite, je disais à qui le voulait bien que je deviendrais journaliste et écrivaine. Finalement, mes parents m’ont plutôt incitée à prendre une voie plus sûre, celle de la prépa éco et de l’école de commerce. Mais j’ai su assez rapidement retourner vers l’écriture et en faire mon métier, à travers trois casquettes différentes : la rédaction web, le journalisme et la rédaction de livres. Je suis aussi devenue mère il y a quelques années, et mes enfants, et la maternité en général, sont mon inspiration première pour mes articles et mes livres !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Jusqu’en terminale je lisais énormément, je pouvais y passer la journée du matin au soir, une capacité que j’ai malheureusement perdue par la suite. Enfant, j’étais une grande fan de Susie Morgenstern, que j’ai d’ailleurs pu interviewer dans mon livre Filles de nos mères au sujet de sa relation à sa mère. Adolescente, j’adorais les romans historiques, surtout ceux qui se passaient aux États-Unis : au Far West ou bien dans le Chicago des années 1930. J’ai aussi eu une révélation à 13 ans en découvrant Les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin, qui m’a donné par la suite des envies de voyage en Amérique du Nord (j’y ai longuement voyagé en 2012 puis 2014-2015). C’est aussi dans cette saga, je pense, que j’ai lu le mot drag-queen pour la première fois !
Travaillez-vous sur un nouveau livre jeunesse ? (ou pas jeunesse)
Je commence l’écriture d’un nouvel essai qui devrait paraître l’an prochain. Et j’ai toujours d’autres projets en tête, à voir s’ils se concrétiseront. En tout cas, j’adorerais de nouveau écrire un livre jeunesse !
Bibliographie jeunesse :
- Zaza queen de la bibliothèque, album illustré par Mathilde Baudy, Atelier de la belle étoile (2024).
Dans la bibliographie pour adultes d’Anne-Florence Salvetti-Lionne on trouve notamment Filles de nos mères. Explorer le lien mère-fille et la portée de l’héritage maternel (Mango, 2024), Mes seins, mon choix !. Pourquoi l’allaitement divise les féministes ? (Eyrolles, 2022), Mon corps, ma planète !. L’écoféminisme expliqué (Eyrolles 2022) ou encore Tout plaquer et partir au bout du monde — et revenir… ou pas ! (Hachette, 2020).
Retrouvez Anne-Florence Salvetti-Lionne sur son blog.
Quand je crée… Lauraine Meyer
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Lauraine Meyer qui nous parle de la façon dont elle travaille.
C’est un processus qui peut être très long, mais aussi très court, tout dépend du projet !
En ce moment je fais de la BD et je les écris ou co-écris avec des auteurices. Il me faut donc d’abord mûrir une idée et la faire mariner pendant très longtemps pour voir si elle est viable. J’en parle aux gens, j’écoute énormément de podcasts sur le sujet, je lis des livres, j’y pense beaucoup et mon projet se dessine petit à petit. Si j’y pense encore au moment d’aller me coucher et en me réveillant le matin, c’est bon signe ! Et puis quand le projet est mûr, je le résume, je l’écris, je monte un dossier de présentation, je le mets en images pour le rendre attrayant et je le présente aux éditeurs et aux gens avec qui j’aimerais collaborer. Ensuite, je construis l’équipe si besoin, je crée les fondations pour m’assurer que ce projet puisse se transformer en livre. J’aime bien aussi faire des sondages pour savoir ce que les gens à qui je souhaite m’adresser en pensent, si il y a une utilité à parler de ce sujet et sous quelle forme.
J’ai pas mal de bouts d’idées et de projets commencés dans mes tiroirs qui attendent d’être suffisamment mûrs pour pouvoir sortir.
Parfois, je peux aussi avoir une idée d’illustration sur un sujet particulier, si l’envie est forte et que j’ai un peu de temps, alors je prends un crayon, je crobarde rapidement et je passe à la finalisation en deux heures de temps. J’aime aussi ce processus rapide, presque immédiat, où il ne faut pas trop réfléchir et faire confiance à son sens de la composition, de la couleur et du concept. Il faut dire qu’en vrai, je ne suis pas très patiente.
Quand je réponds à une commande d’illustration, je prends le temps de faire plusieurs croquis, de développer les idées et d’échanger avec le/la client·e pour savoir ce qui lui plaît le plus. Ensuite je fais des recherches de couleurs, d’outils, de traits pour voir quel traitement graphique est le plus approprié. Souvent, je réalise un moodboard pour que le/la client·e puisse comprendre ce que j’ai en tête et se projeter. L’étape de finalisation peut prendre plus ou moins de temps selon l’ampleur du projet et mon niveau de satisfaction (je remets souvent en doute mon travail et sa qualité). Mais de manière générale je suis assez rapide et le résultat est assez proche de ce que j’avais imaginé, donc les client·es ne sont pas supris·es et la validation se fait en général sans problème.
J’habite en banlieue proche d’Amsterdam, dans une petite maison des années 30, toute en brique rouge, dans un quartier résidentiel calme et agréable. Mon bureau se trouve au troisième étage de la maison, sous les combles. Il sert aussi de débarras et de chambre d’amis, mais je peux dire que j’ai ma pièce à moi, mon espace privé, dont je peux fermer la porte.
C’est la pièce la plus lumineuse de la maison, elle est confortable et chaleureuse. Je l’ai décorée à mon goût avec des objets chinés à droite à gauche, des illustrations d’ami·es, des photos, des dessins, des petites notes, des souvenirs… Et puis j’ai peint un mur en rose parce que c’est une couleur joyeuse, qui m’inspire et me fait du bien.
Je travaille sur un bureau plein de foutoir avec des stylos de toutes les couleurs, des to-do lists, des carnets, des BD et des papiers.
Mon outil de travail principal est un iPad pro avec un apple pen, j’utilise un petit modèle, le 11 pouces, que je pose sur un support incliné. J’ai aussi toujours mon ordinateur allumé devant moi, pour écouter de la musique, regarder des vidéos, faire des recherches ou discuter avec des gens.
Depuis deux ans, je ne fais que de l’illustration et de la BD. J’en suis à mon troisième album en ce moment et je travaille sur la phase d’encrage et de coloriage, ce qui me permet de reposer mon cerveau qui a bien surchauffé pendant la phase d’écriture et de storyboarding.
J’aime travailler en écoutant la radio ou des podcasts, parfois je mets une vidéo en fond pour me mettre un peu dans la “zone” et travailler sans réfléchir. Il s’agit de “tomber de la page”, comme on dit, mon rythme est de deux par jour, mais c’est dur à tenir quand il y a des rendez-vous, des imprévus, de la promo ou d’autres projets qui s’intercalent.
Mais je ne travaille pas toujours seule à la maison, quand je collabore avec quelqu’un (comme là avec Chloé Genovesi Fluitman), on se donne rendez-vous dans des cafés ou à la bibliothèque, histoire de changer d’air, on a même travaillé à la piscine une fois ! J’aime la solitude, mais j’ai besoin de sortir et de voir des gens régulièrement quand même et les collègues me manquent.
Je rêve parfois de prendre un atelier, mais je n’ai pas encore de revenus suffisants et puis c’est tellement pratique de travailler chez soi !!
Lauraine Meyer est scénariste et dessinatrice de BD. Son dernier livre, Moi, j’aurais pas fait comme ça…. Comprendre les injonctions qui pèsent sur les parents pour enfin se réconcilier, n’est pas un livre jeunesse, il s’adresse aux parents… et donc il peut intéresser nombre d’entre vous (quel parent n’a jamais été confronté à ces injonctions ?). Elle y illustre (avec des dessins et des BD) un texte de Chloé Genovesi Fluitman, il est sorti chez Mango en septembre dernier.
Bibliographie jeunesse :
- Feminists in progress, scénario et dessins, Casterman (2022), que nous avons chroniqué ici
Retrouvez Lauraine Meyer sur Instagram : https://www.instagram.com/laurainemeyer.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !