Une fois par mois, avec Véronique Soulé, nous mettons en avant deux invité·es lié·es par un livre. Cette fois-ci, c’est l’album L’expédition, sorti chez Thierry Magnier qui nous a fait réunir l’illustratrice Audrey Spiry et l’auteur Stéphane Servant. La première est mon invitée pour l’interview, le second répond à la rubrique (sonore !) Du tac au tac de Véronique Soulé.
L’interview du mercredi : Audrey Spiry
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Il y a peu, j’ai retrouvé des dessins lorsque j’étais enfant.
Ce qui m’a le plus ému, c’est de sentir cette énergie quasi identique à celle qui dialogue avec moi aujourd’hui encore lorsque je peins des images. Rétrospectivement, je peux dire que mon parcours ça a été ça : préserver cette vitalité de l’enfance toujours en mouvement et trouver la forme d’expression la plus sincère qu’elle pouvait prendre. Mon parcours c’est surtout ça !
Après, plus concrètement, c’est passé par un bac arts appliqués puis un diplôme en Design d’objet à Olivier de Serres à Paris ainsi qu’une formation à l’École des Métiers du Cinéma d’Animation à Angoulême.
Mon cursus s’est clôturé ou plutôt a commencé de nouveau lorsque je suis sortie de l’EESI l’année suivante.
J’avais suivi le cursus arts contemporains et finalement, à ma plus grande surprise, les deux années suivantes ont été consacrées à la réalisation de ma première Bande dessinée.
Le parcours je le définirai davantage dans tous ces rebonds inattendus et dans ce qui existe entre les lignes.
Comment ce projet vous est-il arrivé et comment s’est passée votre collaboration avec Stéphane Servant ?
La rencontre avec le texte de Stéphane a été sacrément mystérieuse…
Depuis de nombreuses années, je travaillais sur mon nouveau roman graphique et j’avais eu besoin d’écrire un texte exutoire, rapide, qui mettait en scène l’héroïne de ce livre sur un bateau (un contexte radicalement opposé à l’univers dans lequel elle évoluait). Dans ce texte, cette femme prenait la mer et rencontrait un enfant sur sa route. J’ai développé cette relation, leurs aventures pendant plusieurs pages et j’ai brûlé ce texte. Il avait eu un rôle cathartique et c’était très bien. Et puis 6 mois plus tard, l’éditrice m’a envoyé le texte de Stéphane…
Avec Stéphane on ne s’était pas vu ni parlé depuis notre rencontre au festival du livre à Doelan 10 ans auparavant, alors quand j’ai lu son texte, je lui ai raconté cette histoire et il m’a parlé de la naissance de ce projet, de l’importance des liens, de la figuration de l’eau…
J’ai commencé des recherches mais ce n’est qu’une fois les images bien avancées que nous avons échangé à nouveau.
Les échanges les plus quotidiens étaient avec Camille, notre éditrice (Camille Gautier, NDLR), sur l’objet du Livre, la fabrication, le papier, et sur le contenu du texte. Elle a été un vrai lien entre Stéphane et moi et elle a apporté un regard extérieur précieux et juste sur l’ensemble de la réalisation.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous
Le travail préparatoire se fait dans l’atelier au milieu des morceaux de taches de peintures découpées (de toutes les tailles et de toutes les couleurs). Je compose des formats assez abstraits qui fonctionnent comme des gammes, je relis le texte, le récite à haute voix, et puis je rêve jusqu’à ce que des prémices plus figuratifs apparaissent. À ce moment-là, je passe sur l’ordi, (avec la tablette graphique) et je commence à peindre et à écouter les histoires qui arrivent dans l’image. Les taches de couleurs se superposent, s’accumulent, comme dans l’atelier, sauf que là c’est beaucoup plus frénétique, le rythme est beaucoup plus rapide.
Je travaille plusieurs images en même temps pour dégager un rythme général. Comme je peins en couleur direct, la composition des images, le fond, le sujet et la forme finale, tout est relié. C’est donc impératif d’avoir l’ensemble en tête, même lorsque je travaille sur le détail d’une image.
Est-ce qu’il y a un conte que vous rêvez de mettre en image ou une thématique que vous aimeriez particulièrement traiter ?
Mettre en image un conte écrit par Hayao Miyazaki ou une histoire de Jane Campion ! 🙂
Plus concrètement, si je devais mettre en image quelque chose qui me fait rêver, ce serait certainement une musique !
Le passage du son à l’image est une thématique qui me fascine et questionne profondément mon travail.
Vos illustrations sont singulières et apportent quelque chose de nouveau, il me semble, dans l’illustration jeunesse. Je me demandais s’il y avait quand même des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
Il y a des univers qui m’ont profondément marqué comme celui de Babette Cole, d’Anthony Brown, de Tomi Ungerer et plus récemment Kitty Crowther. Il y a dans leurs images et leurs histoires un mélange de vitalité débordante et d’une extrême douceur qui parle de ce que j’ai à dire aussi. Je me sens proche de leurs énergies contrastées, vulnérables et pleine de force à la fois.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Enfant, mes livres préférés c’était : J’ai un problème avec ma mère, Max et les maximonstres, La famille souris, Le géant de Zéralda, Ernest et Célestine. Mais à cet âge j’allais plus facilement devant une peinture que devant un livre.
Adolescente c’était : Tintin, Le livre de la jungle, Le petit prince et tout ce qui parlait d’aventure et d’expédition !
Mais à cette période-là, il y a surtout eu la découverte du Cinéma !
Les films de Miyazaki, Indiana Jones, E.T., La leçon de piano, Aguire la colère de dieux, Thelma et Louise et tant d’autres…
Tous ces films ont changé mon rapport à l’image et à la narration.
Travaillez-vous sur un nouveau projet actuellement ?
Je travaille sur mon deuxième roman graphique pour Casterman depuis maintenant plus de 9 ans.
Il devrait voir le jour dans une ou deux belles années ! Certains projets sont comme ça : en perpétuel mouvement.
Il faut juste les accueillir et chercher comment se renouveler sans se fatiguer.
Bibliographie :
- L’expédition, album, illustration d’un texte de Stéphane Servant, Thierry Magnier (2022).
- En ce temps-là, album, illustration d’un texte de Gaia Guasti, Thierry Magnier (2016).
- Tempête, album, illustration d’un texte de Sandrine Bonini, Sarbacane (2015).
- Lotte, fille pirate, album, illustration d’un texte de Sandrine Bonini, Sarbacane (2014).
- Les gens normaux, BD, collectif, Casterman (2013).
- En silence, BD, scénario et dessins, Casterman (2012).
Du tac au tac… Stéphane Servant
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Stéphane Servant qui répond à ses questions à l’occasion de la sortie de l’album L’Expédition.
Stéphane Servant est auteur. Son dernier ouvrage publié aux éditions Thierry Magnier (voir interview ci-dessus), L’expédition est sorti le 23 février dernier.
Bibliographie sélective :
- L’expédition, album illustré par Audrey Spiry, Thierry Magnier (2022).
- Trois sœurs, roman illustré par Lisa Zordan, Thierry Magnier (2021).
- Miettes (humour décalé), roman, Nathan (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Taxi Pouet Pouet, album illustré par Élisa Géhin, Gallimard Jeunesse (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Le nid, album illustré par Lætitia Le Saux, Didier Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Gronouyot, album illustré par Simone Rea, Didier Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Purée de cochon, album illustré par Laëtitia Le Saux, Didier Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Cinq minutes et des sablés, album illustré par Irène Bonacina, Didier Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Ma mère, album illustré par Emmanuelle Houdart, Thierry Magnier (2015).
- La langue des bêtes, roman, Le Rouergue (2015).
- Cheval océan, roman, Actes Sud Junior (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le gros goûter, album illustré par Cécile Bonbon, Didier Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Nos beaux doudous, album illustré par Ilya Green, Didier Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le cœur des louves, roman, Le Rouergue (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Boucle d’Ours, album illustré par Laëtitia Le Saux, Didier Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le crafougna, album illustré par Anne Montel, Didier Jeunesse (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Le masque, album illustré par Ilya Green, Didier Jeunesse (2011), que nous avons chroniqué ici.
- La culotte du loup, album illustré par Laëtitia Le Saux, Didier Jeunesse (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Ti Poucet, album illustré par Ilya Green, Rue du monde (2009)
- Le machin, album illustré par Cécile Bonbon, Didier Jeunesse (2007), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Stéphane Servant sur son blog : http://stephaneservant.over-blog.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !