Charles Paulsson est un auteur dont on ne sait pas grand-chose, pourtant on adore Java, sa série avec Philippe Jalbert et sa nouvelle série, Animaux animés. On a eu envie d’en savoir plus sur lui. Ensuite, pour notre rubrique Quand je crée, c’est dans l’atelier de Nicolas Gouny que nous nous sommes glissés. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Charles Paulsson
Vous venez de sortir deux ouvrages dans la collection Animaux animés chez Gulf Stream, parlez-nous de cette nouvelle série et de comment elle est née.
J’ai conservé de l’enfance une profonde passion pour la nature, et une fascination pour la faune. Je suis un consommateur insatiable de documentaires animaliers et de récits naturalistes. Quand mon fils était petit, j’ai essayé de partager cette passion avec lui, en lui lisant des livres écrits pour sa tranche d’âge sur les animaux. Mais je n’ai pas vraiment trouvé mon bonheur et je suis resté un peu sur ma faim. La plupart des documentaires animaliers pour la petite enfance sont généralistes. Ils reproduisent régulièrement des idées reçues, écartées par les recherches nouvelles. Ils sont assez peu documentés finalement. Et à quelques notables exceptions près, ils font rarement cas du plaisir de lecture.
Une grande référence pour moi est la revue La hulotte. Chaque numéro depuis plus de quarante ans est un chef d’œuvre d’équilibre entre humour et rigueur zoologique. Mais cette revue s’adresse aux enfants à partir de 10 ans, pas aux tout petits.
C’est ce manque, et dans la lignée de cette revue tutélaire, que j’ai essayé de penser la collection Animaux animés. De tout petits documentaires qui en quelques mots apporteraient des informations précises et valides, conformes à l’état actuel des connaissances, sur des animaux. Tout en tenant compte de leur place dans la culture et l’imagination des enfants. Et sans oublier qu’une lecture doit être un temps actif de plaisir et de partage. En sept doubles pages, le défi n’est pas simple. Ce travail d’équilibriste n’est pas toujours évident à tenir. Je ne sais pas si j’y parviens, mais je fais tout pour et c’est à cela que j’aspire.
C’est une série qui nécessite des recherches ?
Je commence effectivement toujours par une solide plongée dans la documentation disponible sur chaque animal. Je vais à la bibliothèque, je prends des notes. Je choisis, je coupe et je trie beaucoup. Dans l’espace qui est le mien, je ne peux guère plus donner plus d’une dizaine de faits précis. Alors j’essaye de choisir les informations les plus fascinantes et je privilégie celles qui me permettent de construire une dynamique de lecture.
Ce n’est pas toujours évident. Sur L’abeille domestique par exemple, un titre à venir, j’avais envie de partager mille informations qui toutes me paraissaient essentielles. Le choix fut rude.
Il y a eu aussi la série Java coécrite avec Philippe Jalbert, pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette série et sur cette collaboration ? Est-elle terminée ?
Cette série était non seulement coécrite avec mon ami Philippe Jalbert, mais aussi co-illustrée. C’était une manière de collaborer très singulière par rapport aux usages dans la profession. Nous cherchions ensemble des idées. Puis j’écrivais un premier jet de l’histoire que j’envoyais à Philippe pour qu’il le remanie à sa guise. Philippe dessinait une première version des images que je tripatouillais ensuite à volonté. Et nous faisions autant d’allers-retours qu’il nous semblait nécessaire pour le texte comme pour l’image. C’était très stimulant, parfois déstabilisant et totalement nouveau dans nos pratiques. C’était aussi un bel exercice de confiance réciproque et de mise de côté de nos égos.
Le résultat de cette riche expérience de création était-il réussi ? Difficile de le savoir. Cette évaluation-là n’est vraiment possible qu’à l’aune des retours des lecteurs.
Et les livres n’ont jamais été portés jusqu’à leurs lecteurs potentiels. Pour lancer une série, l’enthousiasme et le travail des auteurs ne suffisent pas. Un véritable investissement de l’éditeur est absolument essentiel. Un engagement de fond et un solide travail de promotion est à faire. En l’occurrence, impression à part, l’éditeur n’a proprement rien fait pour la vie de ce projet. Pire, les livres ne sont généralement même pas arrivés jusqu’aux librairies spécialisées. Un triste exemple du sort réservé à cette série : alors que les deux derniers titres étaient sortis en juin 2015, je n’ai pas réussi à les trouver en présentation sur le stand de Gautier-Languereau au salon de Montreuil 2015, soit à peine quatre mois après leurs sorties. C’était d’une bien triste et contreproductive brutalité. À quoi bon se lancer dans l’aventure d’une série si c’est pour la tuer dans l’œuf de la part d’un éditeur, la question reste entière. Mais nul besoin de consulter les augures pour deviner que le glas a sonné pour ce pauvre Java.
Et je mesure le luxe dont je jouis aujourd’hui avec les Animaux animés portés par l’équipe engagée, enthousiaste et forte d’initiative de Gulf Stream et par l’exigence de l’agence Okidokid.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Pour les Animaux animés, je conçois et je réalise toutes mes images numériquement. L’ordinateur apporte la souplesse nécessaire à la mise au point et aux mille petits réglages nécessaires pour que les animations qui donnent vie aux cinq premières doubles pages des albums fonctionnent bien. Je dessine directement à la palette en m’appuyant sur de minuscules croquis que je réalise en marge des textes. Ces croquis me guident dans la création des illustrations. Ils clarifient mes intentions narratives tout en me laissant une marge d’improvisation importante.
Parlez-nous de votre parcours
Un parcours très classique d’amateurs de livres d’images. J’ai commencé par faire des petites BD chez moi, en recopiant des Lucky Luke de Goscinny et Morris et des Adèle Blanc-Sec de Tardi. Puis je me suis intéressé, quand j’étais étudiant en arts plastiques, à la littérature de jeunesse. C’est devenu une passion de lecteur, puis un métier passionnant.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Je n’étais pas un enfant très lecteur. Adolescent je lisais des bandes dessinées avec passion. C’est en devenant jeune adulte que j’ai commencé à devenir le lecteur plus éclectique que je suis aujourd’hui. Un dévoreur de toutes sortes livres. Avec une curiosité grandissante pour tout ce qui contenait au moins un mot. Poésie, roman, BD, et albums de jeunesse.
Les livres que je relis le plus et qui m’accompagnent depuis le plus longtemps sont les recueils des poètes qui m’ont saisi vers 18 ans, par leur légèreté de plume et leur acuité combinés, Tardieu, Prévert, Queneau, Michaux, Guillevic. La littérature épique, de Stevenson, Mac-Orlan, London ou Conrad aussi.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Je suis en train de polir actuellement les volumes 7 et 8 de la série Animaux animés. Ils ont pour sujet La vache et L’escargot. Je m’amuse bien sur ces deux titres et j’espère que cela se ressentira.
Pour la suite, si la série rencontre assez de succès pour qu’elle poursuive son développement, notre intention à tous est de la poursuivre avec ce bel allant. Mais dans l’avenir proche, d’ici la fin de l’année, j’aimerais poser la dernière main à une série destinée aux enfants de la maternelle, fictionnelle celle-ci. Elle me tient à cœur. J’y travaille dès que je le peux depuis un peu presque un an. Je suis presque en mesure de la présenter. Reste à espérer que j’arriverai à convaincre un éditeur de bien vouloir tenter l’aventure avec moi. C’est un gros pari, une série, pour un éditeur.
J’ai aussi en tête un autre concept de documentaires pour les touts petits. Je n’ai encore engagé aucun travail dessus. Je n’en suis qu’aux premières intuitions. Mais je vais essayer de me dégager du temps courant 2017 pour lancer quelques fils dans cette direction, pour voir s’ils se tiennent assez.
Bibliographie :
- La baleine bleue, collection Animaux animés, Gulf Stream éditeur (sortira en novembre).
- Le loup, collection Animaux animés, Gulf Stream éditeur (sortira en novembre).
- La grenouille verte, collection Animaux animés, Gulf Stream éditeur (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le chat, collection Animaux animés, Gulf Stream éditeur (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Mon château à moi, avec Philippe Jalbert, Gautier Languereau (2015).
- Mon éléphant à moi, avec Philippe Jalbert, Gautier Languereau (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Mon bateau à moi, avec Philippe Jalbert, Gautier Languereau (2015).
- Ma maison à moi, avec Philippe Jalbert, Gautier Languereau (2015).
Quand je crée… Nicolas Gouny
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur.trice.s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur.e.s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur.trice.s dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur.e.s et/ou illustrateur.trice.s que nous aimons de nous parler de comment et où ils créent. Cette semaine, c’est Nicolas Gouny qui nous parle de quand il crée.
L’endroit où je dessine se trouve au dernier étage de ma maison, sous mes combles. C’est aussi l’atelier de mon épouse et notre chambre.
J’y occupe un petit coin, avec une table et mon PC. Dehors, c’est la campagne, et c’est très calme. Nous habitons un tout petit hameau perché au-dessus de la rivière de la Creuse.
Là, je me sens bien. Cela ne veut pas dire qu’il me faut du calme et de l’espace pour dessiner. Quand j’ai commencé à dessiner, c’était à mon ancien travail. À l’époque (celle de mes premiers livres, vers 2006-2007), je ne dessinais qu’à la souris, c’était long, tremblotant et fastidieux. J’occupais alors un tout petit bureau dans un algeco pourri, avec vue sur une vieille cheminée d’usine, mais ce n’était pas très important. Bref, tout ça pour dire que je peux dessiner n’importe où, sauf peut-être dans un train en marche ou sur le dos d’un éléphant (car j’ai le vertige).
J’ai toujours un petit carnet à portée de main, pour noter idées et croquis, mais la plupart du temps je croque mes idées sur le premier bout de papier venu, avec le premier crayon qui me tombe sous la main. Du coup j’en ai partout sur mon bureau. C’est une démarche très lo-fi finalement, intuitive et spontanée.
Je suis, comme dans bien d’autres aspects de ma vie, très plan-plan dans le dessin. J’ai coutume de dire que je crée aux horaires de bureau, de 9 à 17 h, peut-être un vieux reste d’années passées dans l’administration ? Ma femme m’a dit que les vrais créatifs ont besoin de respecter une routine. Ça m’a fait du bien. Je n’aime pas, je n’ai jamais aimé, la pression, les charrettes. Je ne dessine jamais la nuit tombée, mais parfois avant le lever du jour (je me lève généralement vers 5 h 30).
La seule chose qui m’est nécessaire pour créer, en fait, c’est la musique, et là j’ai des goûts assez particuliers. Quand ma femme est là, je me contente d’écouter du post-rock et de l’indie pop, mais dès qu’elle s’absente, je change de musique et je mets du funeral doom, du screamo ou du post-black métal atmosphérique (ça sonne mieux en anglais), et j’aime bien le décalage que ça fait avec mes images.
J’ignore d’où vient mon inspiration ; j’ai besoin de peu pour faire naître une image et j’ai la chance de ne pas craindre la page blanche.
Je dessine comme un petit tank, en avançant toujours.
Nicolas Gouny est auteur et illustrateur
Bibliographie sélective :
- Petit Renard, texte et illustrations, Balivernes (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Viiite !, illustration d’un texte de Coralie Saudo, Frimousse (2010) que nous avons chroniqué ici.
- Fête d’anniversaire chez la famille Pompon, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, Editions Belin, (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Quand on sera grand, illustration d’un texte de Sandrine Beau, Les p’tits bérets (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le soleil sur la colline, illustration d’un texte de Sandrine Beau, Gargantua (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Il était une fois… une grenouille, Millepages (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Il était une fois… un papillon, Millepages (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Paolo !, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- La vérité sort toujours de la bouche des enfants, illustration d’un texte d’Ingrid Chabbert, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Meuh non ! Y’a pas que les vaches qui pètent qui polluent la planète, illustration d’un texte de Catherine Latteux, Frimousse (2012) que nous avons chroniqué ici.
- Poulp’ombre, illustration d’un texte de Pierre Crooks, Balivernes (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Jérôme, Amédée & les girafes, L’atelier du poisson soluble, (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Vacances à la ferme, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Frimousse (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Léopold le chevalier au mille-pattes, texte et illustrations, Frimousse (2010) que nous avons chroniqué ici.
- Je serai, illustration d’un texte de Coralie Saudo, Frimousse (2010) que nous avons chroniqué ici.
- La plume, illustration d’un texte de Michaël Escoffier (2009), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Nicolas Gouny sur son Facebook : https://www.facebook.com/NicolasGounyIllustration.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
J’ai un coup de coeur pour les illustrations de Nicolas Gouny…et j’ai eu récemment grand mal à ne pas faire trop de folies quand je suis allée dans la boutique virtuelle de son épouse : elle utilise les illustrations de son mari pour en faire des bijoux ! Hiiiiii !