J’avais adoré, il y a deux ans, Le perroquet juif sorti chez Lior éditions. L’année dernière, j’ai eu un gros coups de cœur pour Amours et sortilèges sorti chez ce même éditeur. Un éditeur qui sort très peu de livres et d’une telle qualité ! J’avais envie d’en savoir plus. J’ai donc posé quelques questions à son éditeur, François Azar. Ensuite, je me suis glissé dans l’atelier de Camille Garoche (anciennement connue sous le nom de Princesse Camcam), je vous propose de m’y rejoindre. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : François Azar
Comment est né Lior éditions ?
Lior éditions est né en 2014 de la volonté de transmettre une langue et une culture assez méconnue : celle des Juifs exilés d’Espagne établis dans l’ancien Empire ottoman et au Maroc. C’est une culture très métissée qui a emprunté à toutes celles de la Méditerranée tout en conservant des traits originaux. La fondation de Lior éditions s’insère dans un projet plus vaste, que nous menons avec l’association Aki Estamos, pour faire vivre au quotidien cette tradition. La transmission étant au cœur de ce projet, il était naturel de commencer avec des livres destinés à la jeunesse, d’autant que les contes s’adaptent facilement à tous les âges de la vie.
Combien de titres compte aujourd’hui le catalogue et comment les choisissez-vous, quelle est votre politique éditoriale ?
Notre catalogue compte aujourd’hui cinq titres. Deux albums de contes (Le perroquet juif et Amours et sortilèges) et trois autobiographies dans la collection Leçons de vie judéo-espagnoles. Notre choix est d’abord fondé sur des coups de cœur que nous avons envie de partager. C’est le cas pour l’aventure méconnue des Juifs de l’Ouest américain. Nous avons ainsi publié le récit du daguerréotypiste Solomon Nunes Carvalho, le premier à avoir réalisé un reportage photographique au Far West, et nous avons en projet un album sur les aventures d’une jeune femme à l’époque de la ruée vers l’or. Tous nos projets sont fondés sur une rencontre avec un auteur ou un artiste qui joue le rôle de passeur de culture. C’est un travail sur un matériau sensible, un imaginaire qu’il s’agit de réinterpréter de manière contemporaine. Nous avons l’ambition d’étendre progressivement notre catalogue à d’autres genres comme la poésie ou le chant pour couvrir tous les aspects de la culture judéo-espagnole. Avant d’engager un projet, nous nous posons toujours la question : est-ce que cette histoire parlera aux jeunes générations ? Nous privilégions donc des histoires originales, pleines d’aventures et d’humour car les Judéo-espagnols sont des voyageurs dans l’âme et n’ont pas leur langue dans leur poche.
Quel est votre rôle au sein de la maison d’édition ?
C’est un peu le rôle de l’homme-orchestre ! Je suis toujours très engagé dans les projets tout en ayant à cœur de respecter l’autonomie de l’artiste. Notre plaisir provient de cette liberté et de cette légèreté : n’engager des projets qu’avec des gens qui nous font rêver. Je peux pour cela m’appuyer sur des talents reconnus : la graphiste Sophie Blum avec laquelle je réalise par ailleurs la revue Kaminando i Avlando, des illustrateurs comme Petros Bouloubasis ou Aude Samama, des traductrices comme Vanessa Pfister-Mesavage ou Nathalie Bauer. Sans eux les projets n’existeraient pas. Il me faut aussi convaincre nos partenaires financiers du bien-fondé d’un projet. On n’engage rien avant d’être à 200% convaincu !
Parlez-nous de votre parcours personnel
Avant de fonder Lior éditions, j’ai eu un parcours classique dans le secteur culturel à la Ville de Paris où j’ai notamment œuvré à la sauvegarde du patrimoine bâti. Lorsqu’il y a une dizaine d’années nos trois enfants sont arrivés, j’ai ressenti le besoin de leur transmettre la culture que j’avais reçue de mes grands-parents. Mais il s’agissait d’une démarche isolée et beaucoup de repères m’échappaient. Je me suis alors tourné vers l’association Aki Estamos. J’ai commencé en organisant des ateliers de cuisine pour les enfants et, de fil en aiguille, j’ai appris la langue, organisé des concerts, des universités d’été. C’est devenu une aventure collective et sans frontières !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Les albums illustrés m’attiraient beaucoup. J’étais sensible à la qualité de l’illustration et je peignais et dessinais avec grand plaisir. Je suis devenu un lecteur boulimique et assez introverti. Valery Larbaud parle justement de ce vice impuni, la lecture. Je vivais beaucoup d’aventures par procuration et comme tant d’autres, j’ai dévoré Jules Verne et Victor Hugo. La comtesse de Ségur, lue et relue, me procurait des plaisirs un peu pervers. Jack London et son Martin Eden m’a laissé un souvenir impérissable. Assez vite est venu le goût pour l’Histoire et l’Antiquité; j’ai lu des adaptations de Tite-Live, de Suétone. Enfin sont venus les grands auteurs russes, Tolstoï le premier, qui ne m’a jamais abandonné par la suite.
Dites-nous quelques mots sur les prochains livres que nous découvrirons chez Lior éditions ?
Dans le domaine de la jeunesse, après Amours et Sortilèges, nous allons publier en français un autre album illustré par Petros Bouloubasis et écrit par Yannis Adamis. Nous avons également en projet Une princesse juive au Far West, d’après la vie de Fanny Brooks, une jeune femme juive partie avec son oncle à la conquête de l’Ouest et une suite du Perroquet juif, Le mariage du Perroquet juif et autres scènes de ménage judéo-espagnoles, un album satirique et décapant à n’offrir qu’à l’âge de la communion ou de la Bar-Mitsvah !
Bibliographie jeunesse :
- Amours et sortilèges et autres contes judéo-espagnols, contes choisis, adaptés et traduits par François Azar, illustrés par Petros Bouloubasis, Lior éditions (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le perroquet juif et autres contes judéo-espagnols, textes de François Azar, illustrés par Aude Samama, Lior éditions (2014), que nous avons chroniqué ici.
Quand je crée… Camille Garoche
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur.trice.s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur.e.s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur.trice.s dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur.e.s et/ou illustrateur.trice.s que nous aimons de nous parler de comment et où ils créent. Cette semaine, c’est Camille Garoche qui nous parle de quand elle crée.
Alors déjà il y a les histoires qu’on se raconte avec mon copain. J’ai plein de débuts de commencement d’histoire, et j’ai besoin qu’on en parle ensemble pour les développer.
Le meilleur endroit pour discuter d’une histoire, c’est dans la voiture pendant les longs trajets (quand les filles sont sages ou mieux, dorment !)… ou bien en avion mais ça nous arrive beaucoup moins souvent !
Comme j’ai super mal au cœur en voiture, impossible de noter tout ça. Du coup pour ne rien oublier j’enregistre les idées sur le dictaphone du téléphone et je réécris tout après dans mon petit carnet du moment.
J’ai toujours ce fameux « carnet du moment » pas loin, souvent près de ma table de nuit (quand il n’est pas sous mon oreiller). Dedans on trouve des croquis, des recettes, des projets de toutes sortes (couture, sérigraphie, céramique etc.) mais surtout j’écris toutes nos idées d’histoires dedans, même le bout d’une idée de rien du tout car on ne sait jamais : c’est peut être le bout d’une histoire géniale !
De temps en temps je regarde mes vieux carnets et bim ! je trouve un petit bout qui en a profité pour pousser tout seul.
Quand la maquette est validée, que je ne dois plus que me concentrer sur des compositions et des couleurs, dans mon atelier j’adore écouter des textes lus ;
(Il faut que je vous parle de mon atelier : il est incroyable, il est très grand, il y a des costumières, des scénographes, une tapissière, une marionnettiste, une graphiste, un danseur… Bref on ne s’ennuie jamais.)
Donc revenons aux textes lus : parfois c’est tellement bien que je n’ai plus envie de m’arrêter. Je vais à la bibliothèque du coin et je la dévalise. (Ça me fait penser que j’ai fait le tour de celle de ma ville, je vais bientôt devoir m’inscrire à celle de Vincennes…) Ça va du grand classique au roman d’amour à la noix, tout y passe. Bref j’adore qu’on me raconte des histoires pendant que je dessine d’autres histoires…
Camille Garoche est auteure et illustratrice.
Bibliographie sélective :
- Le lapin de neige, Casterman (2016).
- Fox’s garden, Métamorphose/Soleil (2015).
- L’histoire animée des vêtements, illustration d’un texte d’Anne-Sophie Baumann, Tourbillon (2015).
- Suivez le guide, promenade au jardin, Autrement (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Where is my cat ?, texte et illustrations, ABC Melody (2014).
- Gabriel et Gabriel, illustration d’un texte de Pauline Alphen, Hachette Jeunesse (2014).
- L’arbre à l’envers, illustration d’un texte de Pauline Alphen, Hachette Jeunesse (2013).
- Une rencontre, album sans texte, Autrement (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Suivez le guide, texte et illustrations, Autrement (2013).
- Le jardin de Clara, illustration d’un texte de Sandra Nelson, Père Castor (2012), que nous avons chroniqué ici.
- L’Album de Famille, illustration d’un texte de Frédéric Kessler, Autrement (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Je danse à l’Opéra, illustration d’un texte d’Isabelle Calabre, Parigramme (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Marie voyage en France, illustration d’un texte d’Isabelle Pellegrini, ABC Melody (2012), que nous avons chroniqué ici.
- La fille aux cheveux d’encre, illustration d’un texte d’Annelise Heurtier, Casterman (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Où est mon chat ?, texte et illustrations, ABC Melody (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Marie de Paris, illustration d’un texte d’Isabelle Pellegrini, ABC melody (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Monsieur Pan, illustration d’un texte de de Kressmann Taylor, Autrement (2008), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Camille Garoche sur son blog : http://princessecamcam.tumblr.com.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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