Si en littérature jeunesse, je pense que la part de « produits commerciaux » est assez faible par rapport aux vraies œuvres, c’est d’après moi l’inverse dans le cinéma. Combien de grosses productions insipides pour un film d’auteur ? Il reste, quand même, des petits bijoux qui sortent, les films de Jacques-Rémy Girerd et du studio Folimage en font partie. C’est comme un fan impressionné par son idole que j’ai écrit à Jacques-Remy Girerd pour lui demander s’il était d’accord de répondre à quelques questions, il a accepté tout de suite. Suite à cette interview, je vous propose de partir en vacances avec une grande dame de l’illustration, Nathalie Novi. Nous vous souhaitons un bon mercredi !
L’interview du mercredi : Jacques-Rémy Girerd
Ce n’est peut-être pas sérieux, mais j’aimerais commencer cette interview en vous disant à quel point je suis fan de votre travail, à quel point je trouve vos films extraordinaires. La question peut sembler naïve, mais en quoi consiste exactement votre travail ?
J’ai cumulé de nombreuses occupations, auteur, j’ai écrit de nombreuses histoires, réalisateur, j’ai réalisé près de cent films d’animation, et producteur pour soutenir le travail d’autres réalisateurs autour de moi. Souvent un travail de chef d’orchestre.
Comment est né Folimage ?
Au début de cette longue histoire, à la fin des années 70, si on s’intéressait au cinéma d’animation quasiment inexistant en France, il fallait créer sa propre structure, pratiquement aucun producteur ne s’y intéressait et les chaines de télévision qui se comptaient alors sur les doigts d’une main étaient loin de cette problématique. À partir de 1982/83 les choses ont changé avec la création du COSIP par le CNC. Avec quelques amis nous avons donc créé le studio Folimage en 1981, avec préfiguration de 89 à 91. Au début tout petit et le studio s’est agrandi avec les années, aujourd’hui il fait vivre environ 130 personnes.
Je suis totalement fan de Mia et le Migou qui est, pour moi, l’un des plus beaux dessins animés jamais tournés.
Un grand merci pour cette appréciation qui me touche beaucoup.
Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est l’histoire d’une petite fille qui n’a rien, très pauvre et isolée. Elle décide de partir à la recherche de son père et fera la rencontre des Migous ces êtres qui ont tout et sont des géants. C’est le choc de l’infiniment petit et du super puissant. La force qui peut s’annuler en un instant et cette gamine pleine de courage qui peut renverser des montagnes. Une allégorie.
Vos films sont souvent engagés, sur l’écologie notamment, c’est important pour vous de passer un message ?
C’est sans le vouloir, je suis toujours rattrapé par des grands enjeux de société dans mes films. Impossible pour moi de raconter des histoires déconnectées, sans fond, sans morale. L’écologie et la protection de l’environnement sont au cœur de nos grands défis humains ; c’est aussi le rôle de l’artiste que de parler de son temps et du monde dans lequel il vit ou survit.
Côté voix, dans vos films ce sont souvent des acteurs très connus (Annie Girardot, Michel Galabru, Michel Piccoli, Pierre Richard, Bernadette Lafond, Sabine Azéma…), est-ce que ça apporte vraiment quelque chose au film ou est-ce que ça fait plus venir les gens ?
C’est principalement par amour des acteurs. J’aime le jeu des acteurs, au théâtre comme au cinéma. Quand j’écris des histoires je ne peux m’empêcher de penser aux acteurs idéaux pour les rôles que j’imagine, cela m’aide pour écrire les dialogues. Et quand la réalité croise l’imagination c’est formidable. Chaque acteur, connu ou inconnu que j’avais imaginé au moment de l’écriture a toujours donné suite pour la réalisation des films. J’ai été gâté. Rien à voir avec des questions commerciales.
J’ai lu aussi que vous commencez par enregistrer les voix avant toute chose, c’est bien ça ?
Oui toujours, cela donne aux films une qualité supérieure et procure une vérité augmentée aux dialogues. Le comédien est libre de son interprétation et nous sommes très proches au moment de l’enregistrement. L’expérience est très enrichissante et les liens tissés de cette façon beaucoup plus vrais.
Quels sont les films qui ont marqué votre enfance ?
Zorro, Mon Oncle, Jour de fête, Le ballon rouge, Buster Keaton Le mécano de la Générale, tous les films des Marx Brothers, La ruée vers l’or de Charlie Chaplin… et beaucoup d’autres
Quelques mots sur vos projets ?
J’ai abandonné la réalisation pour la littérature.
Filmographie (sélective) en tant que réalisateur
- Tante Hilda !, long métrage (2014).
- C’est bon, série de courts métrages (2013).
- Ma petite planète chérie, série de courts métrages (2010).
- Mia et le Migou, long métrage (2008).
- La Prophétie des grenouilles, long métrage (2003).
- L’Enfant au grelot, court métrage (1997), que nous avons chroniqué ici.
- Mine de rien, série télé (1993).
- Le bonheur de la vie, série télé (1992).
- Amerlock, court métrage (1988).
- Le cirque bonheur, série télé (1988).
Le site de Folimage : http://www.folimage.fr.
En vacances avec… Nathalie Novi
Régulièrement, je pars en vacances avec un.e artiste (je sais vous m’enviez). Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la.le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet.te artiste va donc profiter de ce voyage pour me faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle.il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il.elle veut me présenter et c’est elle.lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Nathalie Novi que je pars ! Allez en route !
Voyages avec la Mare aux Mots
- Laisser flotter mes jupons exactement là, au-dessus des vignobles, dans la combe de Rosnay, dérouler mes pas et contempler le Cirque de Baume les Messieurs, sous un ciel de vent, à l’ombre des oiseaux silencieux.
- Se laisser emporter là où penche mon cœur, au cœur d’Arezzo, dévaler la Piazza Grande et glisser doucement jusqu’à la Chapelle Bacci où sommeille le petit page du Songe de Constantin peint par Piero della Francesca.
- Traverser le Millenium Bridge, se fondre dans les vibrations colorées de Rothko au Tate Modern, puis se régaler au Borough Market. London is so chic !
- Se dépayser d’un sourire qui flotte à Fort Cochin et s’enivrer de couleurs et d’enfance.
- S’égarer avec délice à Albi, déambuler dans les dessins de Lautrec, s’émerveiller d’une colline surmontée d’un cyprès et rêver un jour de s’y poser…
- Alice in Wonderland. Lewis Carroll, John Tenniel 1865.
- Tous les albums de Lisbeth Zwerger.
- Une berceuse en chiffons, la vie tissée de Louise Bourgeois. Amy Novesky, Isabelle Arsenault chez Pastèque.
- Le pays du rêve. Formidable Anne Brouillard.
- Les Fleurs parlent. Géniale Joanna Concejo, texte J.F. Chabas.
- Henry Purcell. The King Arthur interprété par James Bowman (mon contre-ténor préféré).
- W. A. Mozart. Requiem. Jordi Savall, une merveille !
- J.S. Bach. St Matthew Passion. Masaaki Susuki.
- A. Vivaldi. Stabat mater dolorosa. Ensemble 415.
- La Folia. Jordi Savall.
Cinq Films :
- Chantons sous la pluie. Ah, Gene Kelly !
- Les Demoiselles de Rochefort. Ah, Jaques Demy !
- Jacquot de Nantes. Bouleversant d’enfance. Agnès Varda (merci !)
- La meglio gioventù (Nos meilleures années). Marco Tullio Giordana 2003.
- Out of Africa. Sydney Pollack 1985. Ce merveilleux concerto pour clarinette de Mozart dans la brousse…
- Et enfin, même si cela fait six, tous les films de Jacques Tati !
- Orgueil et préjugés, ‘my lovely’ Jane Austen !
- François d’Assise. Joseph Delteil.
- Le fleuve caché. Jean Tardieu. Poésie-Gallimard
- Tobie des marais. Sylvie Germain.
- Narcisse et Golmund. Herman Hesse.
*Ainsi que les contes d’Andersen et des frères Grimm, + tous les livres que je ne connais
pas encore mais vont me bouleverser !
Et, comme je ne connais pas la BD, je me permets d’en ajouter cinq à cette liste…
Cinq peintres et photographes :
- Fra Angelico
- Velásquez
- Degas
- Vuillard
- Sorolla
- Hammershoi
- Balthus
- Saul Leiter
- Édouard Boubat
- Lewis Carroll photographe…
ECCO !
Nathalie Novi est peintre littéraire.
Bibliographie sélective :
- Les mille et un voyages de Claudio Monteverdi, illustration d’un texte de Carl Norac, Littlevillage (à paraître d’ici quelques jours).
- Merveille des merveilles, illustration d’un texte de Jennifer Dalrymple, Didier Jeunesse (2016).
- Bonnes nouvelles du Monde, illustration d’un texte d’Alain Serres, Rue du Monde (2016).
- Et si on redessinait le Monde, illustration d’un texte de Daniel Picouly, Rue du Monde (2014).
- Trois sœurs, illustration d’un texte de Jo Hoestlandt, Gallimard Jeunesse (2013).
- Comptines & berceuses tsiganes, illustrations, Didier Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Mahboul le sage, illustration d’un texte d’Halima Hamdane, Didier Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Noël des ramasseurs de neige, illustration d’un texte de Jacques Prévert, Rue du Monde (2012).
- Yeghvala, la belle sorcière, illustration d’un texte de Catherine Gendrin, Didier Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Mamouchka et le coussin aux nuages, illustration d’un texte de Michel Piquemal, Gallimard Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Chansons du monde, 22 chansons du Brésil au Vietnam, collectif, Didier Jeunesse (2012) que nous avons chroniqué ici.
- L’histoire du soldat, illustration d’un texte de Charles-Ferdinand Ramuz, Didier Jeunesse (2011).
- La neige vive, illustration d’un texte de Michel Piquemal, Didier Jeunesse (2010).
- La Flûte enchantée racontée aux enfants, illustration d’un texte de Jean-Pierre Kerloc’h, Didier Jeunesse (2010).
- Pinocchio, illustration d’un texte de Carlo Collodi, Rue du Monde (2009).
- La petite sirène, illustration d’un texte d’Hans Christian Andersen, Didier Jeunesse (2008), que nous avons chroniqué ici.
- La petite fille et l’oiseau, texte et illustrations, Didier Jeunesse (2008).
Retrouvez Nathalie Novi sur son site : http://www.nathalienovi.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !