Quel bonheur de vous proposer aujourd’hui une interview de la géniale Marie Pavlenko ! J’ai adoré son dernier roman, et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur elle. Ensuite, c’est à nouveau un libraire qui est l’invité de la rubrique Ce livre-là. Cette fois, c’est Gwendal Oulès le super libraire de la librairie Récréalivres au Mans. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Marie Pavlenko
Présentez-nous Abi, le personnage de votre magnifique roman Un si petit oiseau.
Abi est une jeune femme de 19 ans qui, dès les premières pages du livre, a un accident de voiture. Elle en ressort amputée d’un bras. Le roman est l’histoire de sa renaissance, il commence au moment où elle rentre chez elle, après sa rééducation.
Comment est née cette histoire ?
L’origine, c’est l’accident de ma mère, qui a vécu la même chose qu’Abi.
Ensuite, j’ai inventé et façonné Abi, sa famille, sa maison, ses amis, ses espoirs, ses frustrations, et la constellation folle qui tourne autour d’elle. Son monde.
On reconnaît quelques petites choses de votre vraie vie dans le roman, quelle est la part de vous dans cette histoire ?
Abi n’existe pas, et aucun des personnages n’est réel ou inspiré de gens qui existent. C’est une pure œuvre de fiction, née, je crois, d’un besoin très fort que j’avais de mieux comprendre ma mère, de mieux la faire comprendre aux autres, aussi. Me glisser dans la peau d’Abi m’a permis d’appréhender au plus près ce qu’elle pouvait ressentir. Et puis, bien sûr, il y a les oiseaux, mais si je commence sur le sujet, on est encore là demain. Disons que j’avais très envie de parler d’eux, parce qu’ils ont changé ma vie.
Est-ce que vous avez fait des recherches sur le handicap pour écrire cette histoire et coller au plus proche de la réalité ?
Oui, j’ai lu de nombreux témoignages et tranches de vie sur Internet, j’ai lu Blaise Cendras, aussi, et j’ai discuté avec un ami qui m’a beaucoup appris sur son vécu, son état d’esprit. Et avec ma mère, bien sûr.
Tous les personnages semblent vraiment exister, comment les construisez-vous ?
Je ne les construis jamais ex nihilo. Je commence chacun de mes romans sans savoir comment il va se terminer ni qui sont vraiment les personnages. J’écris, c’est tout, je les mets en situation, je les fais vivre, et la façon dont ils réagissent aux obstacles, aux événements les modèle peu à peu. Ensuite, une fois que je les ai bien cernés, que je les ai rencontrés pour de vrai, je reprends le manuscrit et je lisse.
Que ce soit pour ce roman ou pour les précédents, comment naissent vos histoires ?
Elles partent toutes d’une idée de personnage. Dans Je suis ton soleil, Déborah était cette fille un peu fofolle et à côté de ses pompes qui allait sauver sa mère. Dans La Fille-sortilège, Érine vivait en déterrant des cadavres. Ensuite, le monde se construit autour d’elles, je leur donne un décor, des interlocuteurs, et elles se mettent en mouvement.
Savez-vous à l’avance comment va se terminer votre histoire ?
Non, jamais et parfois jusqu’à très tard dans l’écriture. Je pense que ça m’aide à rester immergée dans l’histoire, à ne pas perdre la connexion avec elle.
Qui sont vos premiers lecteur·trice·s ?
Mes proches. Et mon agent, Roxane Edouard.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Ouh là ! Il y en avait beaucoup ! J’adorais Roald Dahl, qui a été ma première gifle littéraire : avec lui, j’ai découvert la métaphore. J’aimais des univers très divers : Stefan Wul, Marcel Aymé. J’ai aussi lu Le Seigneur des anneaux à 10 ans et ça a été un vrai choc. Ado, j’ai adoré Germinal, ou La Princesse de Clèves, par exemple 🙂
Que lisez-vous en ce moment ?
Je viens de commencer Le temps où nous chantions de Richard Powers. J’ai eu la chance de le rencontrer au festival America à Vincennes et j’ai adoré sa façon d’envisager le monde.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
J’ai écrit un roman « premières lectures » qui paraîtra en octobre chez Little Urban, illustré par mon amie Marie Voyelle. Je travaille actuellement sur le deuxième tome. Je viens d’achever une série pour les plus petits, et un roman ado, mais qui n’a rien à voir avec ce que je fais d’habitude : plus court, plus sombre, je crois. Je commence à peine un autre roman pour les 10-13 en gros, complètement zinzin cette fois, histoire de changer un peu d’atmosphère. Et enfin, j’ai un projet d’album qui me tient particulièrement à cœur et dont j’espère qu’il verra bientôt le jour.
Bibliographie :
- Un si petit oiseau, Flammarion jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Zombies zarbis, avec Carole Trébor, Flammarion jeunesse (3 tomes 2018-2019)
- La Mort est une femme comme les autres, J’ai Lu (2018) – Pygmalion (2015)
- Je suis ton soleil, Flammarion jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La Fille-Sortilège, Folio SF (2017).
Ce livre-là… Gwendal Oulès (librairie Récréalivres)
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trice, éditeur·trice… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime mais qui sont sans lien avec la littérature jeunesse. Le second invité de cette nouvelle rubrique, c’est le libraire Gwendal Oulès de la librairie Récréalivres au Mans.
Même si j’ai trop rarement l’occasion de le conseiller, j’ai toujours plaisir à faire lire Me voici de Karl Friedrich Waechter publié aux éditions MeMo. Cet album est fondateur dans mon parcours de lecteur adulte de littérature jeunesse. Il a changé mon regard, l’a exercé, « professionnalisé » en quelque sorte. J’y reviens très régulièrement avec à chaque fois un plaisir renouvelé. Je le considère aujourd’hui comme un authentique chef-d’œuvre de la littérature jeunesse à mettre au même rang que le Maus de Spiegelman notamment dans ce qu’il dit de l’Allemagne d’après-guerre. Il correspond parfaitement à l’idée d’Ungerer selon laquelle les livres pour les enfants ne devraient pas être seulement destinés à dormir le soir. Si j’aime d’abord le pouvoir de séduction immédiat de Me voici, la bouille craquante de ce chat sonnant à la porte. J’aime surtout ses strates de sens multiples qui encouragent les lectures interprétatives. Dans l’une des plus audacieuses l’auteur propose à son lecteur (attentif) un « pacte » inédit : être le propriétaire du chat, celui qui ouvre la porte et le retrouve, autrement dit être l’assassin du mignon petit chat. Nous ne sommes évidemment pas obligés de souscrire à cette lecture et avons toute liberté de l’ignorer, de se contenter déjà d’un remarquable premier degré. Mais c’est là. Possiblement. L’exemple est extrême sans doute mais au bout du compte il n’en demeure pas moins que la littérature jeunesse, c’est juste de la littérature. Point. Car il faut toujours aller plus loin que l’émotion que peut susciter le minois adorable d’un petit chat. Cette émotion évoluera à mesure que le lecteur grandira. Je trouve cette expérience désarmante et brutale. Une expérience de lecture idéale.
Gwendal Oulès est libraire à la librairie Récréalivres, 7 rue de la Barillerie au Mans. Retrouvez cette super librairie sur Facebook : https://www.facebook.com/librairie.recrealivres.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !