Nous recevons aujourd’hui Sylvie Serprix et Véronique Massenot. La première a accepté de répondre à nos questions, la seconde nous livre ses coups de cœur et coup de gueule. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Sylvie Serprix
Parlez-nous de votre dernier album, Moi parfois… sorti chez Bulles de Savon, comment avez-vous travaillé sur ce projet ?
J’ai reçu un mail de l’éditeur de Bulles de savon qui est fan de mon travail pour la presse. Au début de l’été, il m’a envoyé le texte d’Agnès de Lestrade, pour qui j’avais déjà illustré La vie sans moi. J’aime son écriture, concise et délicate. Celle-ci était en plus très drôle !
C’est un album pour les petits autour des émotions, le quotidien d’un enfant dans ses contradictions : passer des câlins à la bouderie, jouer avec un ami et ne plus vouloir lui prêter ses jouets, etc. L’histoire commence avec la petite fille de la couverture chaussée de baskets magiques qui la transforment ensuite en différents animaux suivant ses émotions. Le texte et les images sont construits en écho sur chaque double page, dans une ambiance très colorée et avec le sourire. À la fin les enfants peuvent continuer à imaginer d’autres rôles !
Pour la réalisation, il y a d’abord eu la recherche des animaux suivant leur rôle, j’ai donc fait passer un casting ! Ensuite j’ai travaillé les personnalités de chacun, les mouvements, positions, cadrage avec le décor, etc. Puis mis en place du story-board pour affiner l’ensemble, avec une première mise en place des couleurs en numérique. Petits allers-retours mail avec l’éditeur. Validation. Et finalisation des images avant maquette.
Nous avons aussi beaucoup travaillé la couverture. Au début la petite fille marchait simplement et puis le texte était tellement drôle que je l’ai fait sautiller en ajoutant un assistant, le petit écureuil. Au moment du story-board, j’avais juste dessiné le titre en imitant une écriture d’enfant. Finalement, on a gardé cette idée et je l’ai retravaillé en calligraphie.
Et suite à mes nombreuses rencontres scolaires, où les enfants me demandent aussi souvent la question de la réalisation, du coup j’ai réalisé un petit making of pour cet album que l’on peut voir sur mon site www.serprix.com.
Comment choisissez-vous les projets sur lesquels vous travaillez ?
Généralement, un éditeur connaissant mon travail me soumet un texte. Mais à deux reprises, le scénario s’est inversé. Ce fut le cas avec Marie-Sabine Roger pour mon tout premier album jeunesse Le roi sans terre, mention White Raven Bologne 2012 et adapté au théâtre. Puis avec Claire Gratias dont j’avais illustré la couverture de l’un de ses romans, ce qui a donné par la suite notre petit best-seller Arrête de lire !, Prix des Incorruptibles 2014.
Vous travaillez aussi beaucoup pour la presse, c’est un travail différent que celui d’illustrer un album ?
Déjà étudiante en école d’art, j’étais très presse. J’aime le rythme très rapide, mon délai le plus court étant à peine 4 heures pour le journal Le Monde ! Il faut réagir vite. C’est un exercice d’humilité aussi. Aussitôt le texte envoyé, l’idée validée, l’image rendue et publiée le lendemain, le jour d’après on passe déjà à d’autres actualités ! Le rapport texte-image est le même que pour les albums jeunesse. Par contre, le travail en presse m’oblige avant tout à être précise avec une idée très forte tout de suite. D’ailleurs, je garde ce côté « idée dans l’instant » pour illustrer les albums, même si c’est un long travail dans le temps avec des allers-retours entre l’auteur et l’éditeur.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Le travail de recherche est au crayon à papier, sur feuille libre. Je n’aime pas les carnets. Puis une mise en couleur rapide en numérique, pour donner une idée de l’atmosphère générale. Après validation, le rendu final est souvent en peinture acrylique avec parfois des montages pour des parties au crayon à papier suivant l’histoire. Les images sont ensuite numérisées et retravaillées sous Photoshop.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après mon diplôme d’Art Graphique de Penninghen, j’ai commencé par hasard par le dessin documentaire pour des guides chez Gallimard. Puis j’ai intégré deux agences de création, l’une pour un travail documentaire toujours, avec le Muséum d’Histoire Naturelle. Passionnant de travailler avec des scientifiques sur l’origine du monde. Puis une autre agence pour la réalisation graphique de sites Web, j’ai appris le java script ! … et la création de décors 2D pour des jeux vidéo. Passionnant également, si on aime les contraintes techniques. C’est un travail de fou !
Avant de me consacrer entièrement à l’illustration depuis 10 ans maintenant.
Pour la presse, je collabore régulièrement avec Le Monde, Libération, le JDD, Le Magazine Littéraire, Pèlerin magazine, l’OECD entre autres et j’ai depuis septembre une rubrique mensuelle pour le magazine Cerveau & Psycho.
Pour l’édition, j’ai commencé par des couvertures de romans adultes, puis jeunesse, puis romans illustrés et enfin depuis 7 ans, une quinzaine d’albums jeunesse parus.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Toute petite j’étais très Martine, et puis il y a eu Jules Verne qui m’a beaucoup impressionné. J’ai eu une période polar. Je suis aussi fan de biographies ! Toutes celles concernant Churchill et celles qu’il a écrites lui-même, divinement écrites d’ailleurs, avec un humour féroce !
Quelques mots sur vos projets ?
La presse toujours. Et pour les albums jeunesse, il y aura deux projets musicaux et le troisième opus d’Arrête de lire !. Tout est en cours, donc difficile pour moi de donner plus de détails. À suivre donc. Et puis peut-être une expo.
Bibliographie sélective :
- Moi, parfois…, illustration d’un texte d’Agnès de Lestrade, Bulles de Savon (2016).
- Phototoutou, texte et illustrations, La Palissade (2015).
- T’es plus mon amoureux, illustration d’un texte de Claire Gratias, Belin Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le rendez-vous de Valentin, texte et illustrations, Grasset-Jeunesse (2013).
- Tout blanc, illustration d’un texte de Marie-Sabine Roger, Casterman (2013).
- D’une île à l’autre, illustration d’un texte de Nadine Brun-Cosme, Talents Hauts (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Arrête de lire !, illustration d’un texte de Claire Gratias, Belin Jeunesse (2012).
- Contes d’un autre genre, illustration d’un texte de Gaël Aymon, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Mille petits poucets, illustration d’un texte de Yann Autret, Grasset Jeunesse (2011).
- De ce côté du monde, illustration d’un texte de Marie-Sabine Roger, Casterman (2011).
- Un beau jour du crocodile, illustration d’un texte de Valérie Guidoux, Mango (2011).
- Samiha et les fantômes, illustration d’un texte de Clémentine Beauvais, Talents Hauts (2010), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Sylvie Serprix : www.serprix.com.
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Véronique Massenot
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur.e, illustrateur.trice, éditeur.trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché.e, ému.e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il.elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé.e. Cette semaine, c’est Véronique Massenot qui nous livre son coup de cœur et son coup de gueule.
Mon coup de gueule, mon coup de cœur… ils sont liés, tous les deux.
Et comme j’ai horreur de râler, je ne vous parlerai que du second — mais vous comprendrez.
Mon coup de cœur, c’est la création de l’Association Encrages :
« Novembre 2016. Depuis des mois, des réfugiés campent dans le quartier de Stalingrad, rue de Flandre, à Paris. Des voisins se relaient pour partager avec eux un petit-déjeuner. De cafés en thés et de paroles en idées échangées, des bénévoles, des illustratrices, illustrateurs, des gens du livre révoltés par l’accueil déplorable fait aux réfugiés décident d’agir. Tout d’abord en parant au plus urgent : trouver des moyens pour “remplir la marmite” avec une vente de dessins au profit des associations qui aident les réfugiés. Pour organiser cette vente, une association est créée, et pensée pour d’autres actions à venir. C’est la naissance d’Encrages. »
Judith Gueyfier s’est chargée de lancer un appel auprès de ses confrères et sœurs. Nous avons été invités à offrir des illustrations pour qu’elles soient ensuite mises en vente, au profit de différents collectifs ou associations heureusement très actifs : 90 artistes ont donné une ou plusieurs de leurs œuvres.
La vente a eu lieu à La Rotonde, place de la Bataille de Stalingrad, à Paris, le 13 décembre dernier. Un très bel événement ! Dans l’après-midi, des familles réfugiées et parisiennes ont été invitées à divers ateliers, à visiter l’exposition et à partager un goûter. Puis la vente s’est ouverte, accompagnée de lectures, de musique, de dialogues entre bénévoles, réfugiés et public. Ce fut un vrai succès. TOUT a été vendu. L’argent récolté a pu être versé, comme prévu, aux associations BAAM (soutien juridique et cours de français), CPSE/TIMMY (mineurs isolés) et Polyvalence, tandis que d’autres dons, matériels, ont pu être faits aux collectifs P’tit Dej’ de Flandre et La Cuisine des Migrants (distributions de nourriture).
Ensuite ? L’association n’en restera pas là. D’autres manifestations du même type, portées par des amis auteurs et illustrateurs vivant dans d’autres villes se sont tenues parallèlement — ou s’organisent encore, n’hésitez pas à les soutenir ! Ainsi à Angoulême, à Nantes (du 5 décembre au 5 février), à Lyon (le 18 février), à Rennes (le 12 mars), à Marseille… Par ailleurs, des ateliers d’écriture et de dessin seront mis en place et proposés aux publics en précarité, notamment les réfugiés.
Les coups de gueule poussés ici ont souvent à voir avec l’état du monde — et celui, bien malmené, de nos consciences face à lui — ou avec la situation précaire des auteurs et illustrateurs Jeunesse. J’adhère à tous. Voilà pourquoi mon cœur bat très fort pour ce genre d’action, où chacun essaie de faire sa part selon ses moyens, comme il peut… Mais à beaucoup, on peut beaucoup ! Même précaires, de nombreux artistes du livre se montrent généreux, simplement fidèles aux valeurs humanistes qu’ils défendent dans leur travail.
PS : Pour soutenir l’association, n’hésitez pas à vous rendre sur son site… et plus si affinités ! 😉
Véronique Massenot est auteure.
Bibliographie sélective :
- Le Géant qui rêvait, illustré par Peggy Nille, L’élan Vert (2016).
- Tizan et l’Arbre à Bonbons, illustré par Sébastien Chebret, L’élan Vert (2016).
- À l’eau, la Baleine !, illustré par Peggy Nille, L’élan Vert (2016).
- La Perruche et la Sirène, illustré par Vanessa Hié, L’élan Vert (2015).
- Merci Facteur !, illustré par Isabelle Charly, L’élan Vert (2015).
- À Plume, à Poil et à Paillettes !, illustré par Peggy Nille, Gautier Languereau (2014).
- Salaam Palestine ! [Carnet de Voyage en Terre d’Humanité], avec Marc Abel et Bruno Pilorget, La Boîte à Bulles (2013).
- Hansel & Gretel, illustré par Xavière Devos, L’élan Vert (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Les Trois Musiciens, illustré par Vanessa Hié, L’élan Vert (2011).
- Au Jardin de mon Cœur, illustré par Kim Hee-yeon, Flammarion (2010).
- Grand Ménage de Printemps, illustré par Lucie Minn, Gulf Stream (2007), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Véronique Massenot : http://veroniquemassenot.net.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !