Aujourd’hui nous recevons Camille Brunel, l’auteur de Après nous, les animaux paru à la rentrée chez Casterman. Une aventure animalière singulière qui nous a passionnée et sur laquelle nous avions envie de revenir plus en détails. Il est accompagné par Gaëlle, professeure des écoles, pour une rubrique « Ce livre-là » un peu particulière…
L’interview du mercredi : Camille Brunel
Après nous, les animaux est votre premier roman jeunesse, mais vous avez déjà publié deux romans en littérature générale. Comment est né ce projet de livre jeunesse ?
C’est à la fois très romantique et pas du tout : ce roman est né de la coïncidence extraordinaire d’un éditeur, Vincent Villeminot, qui recherchait un texte pour la rentrée 2020, et de moi qui l’ai appelé au bon moment pour lui proposer d’écrire quelque chose — mais parce que j’avais besoin d’argent, et que je me disais que pour espérer vivre de ma plume un jour, il allait falloir publier plus d’un seul roman par an. Ensuite, Vincent m’a lancé un défi : il voulait tout un roman dans l’esprit du premier chapitre de ma Guérilla des animaux, qui se passe dans la jungle. Il voulait beaucoup d’animaux, j’avais simplement le choix d’y mettre un humain, façon Livre de la jungle, ou aucun. J’ai aussitôt choisi l’option la plus originale : pas d’humains du tout. Et des animaux les plus réalistes possibles. Sans avoir aucune idée de comment y arriver.
Le roman raconte un voyage hors du commun : celui d’animaux rescapés d’un cirque et d’un zoo, échoués sur la côte mexicaine, à travers la jungle et dans les ruines des villes. Vous situez l’action dans un futur proche, à la fin de notre siècle, alors que l’espèce humaine n’a pas survécu à l’épuisement des ressources et que la Terre est dévastée. Que permet le décalage de temporalité à l’intrigue ? Pourquoi avoir choisi le Mexique ?
Une fois que j’ai eu choisi le roman animalier, je me suis mis à chercher une idée pour relier le plus d’espèces possible avec un même récit. J’étais parti sur une histoire d’oies voyageuses quand Vincent m’a fait remarquer que, puisque je partais écrire au Mexique (où j’allais passer les fêtes avec ma petite-amie, originaire de là-bas), je ferais tout aussi bien d’y situer mon roman. C’était si évident qu’il fallait que l’idée vienne de quelqu’un d’autre…
Quant au décalage de temporalité, il permet primordialement d’évacuer les humains, qui prennent habituellement toute la place en littérature ; mais j’ai pu jouer sur les angoisses ambiantes de fin du monde — on sait qu’au-delà de 2050, même les statisticiens sont bien en peine de prédire ce qui va se passer. Ça ajoute à l’effet de réel : finalement, il pourrait très bien y avoir des invasions d’insectes. Vu le marasme actuel, et la vitesse à laquelle s’accumulent les dérèglements qui nous dépassent, le monde n’est malheureusement pas parti pour me démentir.
La présence humaine disparaît très tôt, avant même le début du voyage, ce qui va permettre de se concentrer sur les personnages que vous avez choisi de mettre en scène : des animaux.
Ils forment le groupe de ceux qui ont été « libérés », et croiseront d’autres espèces pendant leur périple. Le groupe est aussi important que les individus, et au fil de leur errance, on voit se dessiner des caractères, des attitudes, des interactions, des rôles. Comment les avez-vous travaillés ? Est-ce un travail différent de créer des personnages non-humains ?
Pas si différent que ça, non… J’ai vraiment, sincèrement cessé d’envisager les humains comme une espèce à part : pour écrire des animaux, il suffit d’ôter l’addiction à la technologie et au baratin. L’essentiel reste le même. L’envie de survivre, d’être accepté, protégé, et toutes les émotions — peur, affection, plaisir, joie, curiosité… Après, oui, je me renseigne un minimum pour connaître les particularités physiologiques de chaque personnage — les éléphants écoutent avec leurs pieds, les serpents regardent avec leur langue, les geais alertent les autres animaux en cas de danger, les lycaons se partagent leur vomi… mais tout ça, c’est du folklore, ce n’est pas ce qui fait les personnages. Ce qui fait leur âme, leur esprit, leur individualité, tout cela, je l’ai écrit comme j’aurais écrit des humains — ce qui explique que Mitzli ou Marguerite (la panthère et la femelle chimpanzé, NDLR) paraissent au fond si familières, toutes animales qu’elles soient.
Disons, quand même, qu’il y a une différence : quand je dis qu’il faut enlever l’addiction au baratin, c’est franchement important. Si l’on y cède, si les animaux se remettent à se poser des questions existentielles en permanence, ou à se raconter des histoires, ou se perdent dans l’abstraction, alors on se dirige vers une vie intérieure de moins en moins plausible. Je voulais imaginer un juste milieu entre la page blanche (ou le gouffre sans fond, c’est pareil) qu’ont été les animaux jusqu’à présent, et le stream of consciousness anthropomorphisant. Je devais prendre garde à ne pas m’éloigner de cette hypothèse qui me paraît la plus crédible : toutes les émotions pouvaient être les mêmes, mais dès que je m’aventurais du côté de l’abstraction, je ne devais surtout pas dépasser ce dont j’aurais été capable, par exemple, quand j’étais enfant (les enfants — a fortiori avant d’apprendre à parler — et les animaux ont énormément de points communs, ce n’est pas un mystère…).
Votre roman interroge notre monde actuel en nous projetant dans ce monde d’après nous. L’humain y est omniprésent malgré tout, à travers les ruines des villes et dans les souvenirs que chacun a de sa vie d’avant. Si pour la plupart d’entre eux ces souvenirs sont douloureux (le cirque, le zoo, etc.), tous commencent par rechercher une présence humaine. Cette forme de dépendance ne semble pas uniquement liée au besoin de nourriture, l’attachement aux humains existe bel et bien. Que signifie alors pour eux cette première expérience de liberté ?
Oui, il me paraissait fondamental de ne pas présenter les animaux comme des estomacs sur pattes — ce que font volontiers les gens qui ont aussi tendance à diminuer, voire à nier l’intériorité animale, et sa complexité. On sait que les enfants dont les parents sont abusifs, voire violents, n’arrêtent pas de les aimer comme ça. L’attachement et l’amour sont des sentiments compliqués, qu’on peut très bien éprouver pour des gens qui nous enferment ou nous font du mal – sinon il n’y aurait pas de violences conjugales. Mon hypothèse, c’est celle-ci : les animaux domestiques, cirque ou zoo, sont aliénés, disons lobotomisés, en quelque sorte, par leur enfermement. Ils ne voient plus l’immensité du réel en dehors des cages où ils ont passé leur vie, et ce n’est même pas de leur faute — jusqu’à ce que les geais, qui l’ont l’habitude de s’évader, ne viennent leur crier dans les oreilles que le monde est immense et qu’ils peuvent quitter l’arche. L’expérience de la liberté — maintenant que j’y pense, c’est vraiment proche d’une réécriture du mythe de la caverne, avec les humains qu’il faut guider en dehors pour qu’ils cessent de se contenter d’ombres projetées — c’est, pour mes animaux, la libération mentale d’une vie passée attachés et exploités. Ça se ne fait pas tout seul. Ça prend du temps.
De nombreux livres pour enfants abordent la question des espèces menacées et disparues, et la nécessité d’inscrire la préservation des espèces dans la protection de la planète. Votre travail va plus loin, en abordant la façon dont nous regardons les animaux. Quel regard sur eux souhaitiez-vous proposer avec ce roman ? En quoi est-ce une approche nouvelle en littérature jeunesse ?
Je ne connais pas suffisamment la littérature jeunesse pour me permettre d’affirmer clairement ce que je pourrais y apporter de nouveau, mais il n’est pas exclu que la pensée écologiste n’y ait pas encore trop fait de place à la pensée animaliste : c’est le décalage que je propose, et il me paraît fondamental. Pour faire simple, il ne s’agit plus de penser les animaux en tant qu’espèces à protéger, mais en tant qu’individus. C’est immense : d’un seul coup, une vache vaut une panthère. Un rat vaut un lion. Un serpent vaut un panda. Et si les éléphants disparaissent, on ne pleure pas parce que l’espèce s’éteint et que personne n’en verra plus jamais, mais parce que ces éléphants-là disparaissent, qu’ils aimaient vivre, et qu’ils sont morts. La pensée écolo, la vision spéciste du monde, en fait, où les humains sont les seuls à être protégés en tant que personnes, tandis que les animaux ne le sont qu’en fonction de l’espèce à laquelle ils appartiennent, ne me semble pas une arme de protection animale suffisamment puissante à l’heure de la sixième extinction de masse. Si on veut sauver les animaux, il faut changer notre rapport à eux. Et si on continue de les regarder comme avant, on en reviendra immanquablement au désastre, même avec les meilleures intentions du monde.
Après nous, les animaux nous parle de la fin d’un monde, mais pas de la fin du monde, puisque les animaux sont encore là et qu’ils se battent pour survivre. Ce n’est pas un livre désespéré, même s’il évoque le chaos. Tout comme vos précédents romans, c’est un texte engagé. Vous faites d’une aventure épique un plaidoyer pour les animaux. Lorsqu’on s’adresse à des enfants ou à des adolescent·es, le risque de faire des livres « à message » existe. Comment parler de la cause animale à des adolescent·es ou des enfants aujourd’hui ? Est-ce différent lorsqu’on s’adresse à des adultes ?
C’est peut-être un peu moins théorique, mais dans le fond ça ne change rien : l’intrigue et le style doivent être les plus addictifs possible, de manière à ce qu’il soit impossible de reposer les idées qu’il y a derrière avant le mot fin. Je ne souhaite pas spécialement faire de livres « à message » non plus cela dit, « message », c’est un très grand mot. Ce qu’il y a de bien avec les romans, c’est qu’on peut y laisser un peu d’incertitude, des problèmes irrésolus, se contenter de perturber les gens qui lisent, et leur faire confiance pour la suite. Un livre, ce n’est pas grand-chose, dans la plupart des cas, ce n’est que quelques heures dans la vie des gens : il ne faut pas espérer produire beaucoup plus qu’une petite poussée momentanée dans une certaine direction. Je ne pense pas qu’il vaille le coup de caler un message en espérant qu’il arrivera à bon port, et dans son état d’origine… il y a tellement de raisons de ne pas se comprendre ! Face à ce chaos inévitable, je préfère lâcher les rênes : je parle de cause animale en la sortant des essais, je la rends plus séduisante, ça, c’est sûr, mais mes conclusions sont le point de départ, et non l’aboutissement.
Votre nouveau roman de littérature générale, Les Métamorphoses, est nommé pour le prix Renaudot des lycéens, ce qui vous offre la possibilité de partir à la rencontre des classes. Qu’attendez-vous de ces rencontres ?
J’espère montrer aux jeunes que les auteurs peuvent être jeunes aussi ! Je me rappelle très bien qu’au lycée, l’image par défaut de l’écrivain était soit un jeune homme aux cheveux longs, mais mort au siècle dernier, soit une sorte de papy à lunettes encore vaguement vivant… Je suis sûr qu’ils vont plus ou moins m’imaginer comme ça… en tout cas m’imaginer plus vieux ! Bon, s’ils veulent causer animalisme, ce sera avec plaisir ; mais je ne veux pas me retrouver piégé dans des débats à la Facebook avec eux : le livre se suffit à lui-même. Je veux dire, je répondrai à toutes les questions, et je serai là pour rappeler quelques vérités élémentaires sur les animaux, qu’on connaît parfois très mal. Hier encore, j’entendais un auteur dire qu’on ne savait pas si les méduses étaient « vivantes ou mortes », alors qu’il voulait dire qu’on ne sait pas si elles sont sentientes ou pas. Ce genre de truc. Surtout, j’aimerais beaucoup parler de style, d’écriture, de travail. De comment et pourquoi on place une virgule ici et pas là. Parler de la minutie du travail d’écrivain. Ce serait très bien.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ? Quelles lectures conseillez-vous aux adolescent·es que vous rencontrez ?
Enfant, j’ai lu quelques romans et énormément de BD, les mêmes que tout le monde, même si je n’aimais pas quand il y avait trop de texte — enfin, je pardonnais à Gotlib. Adolescent j’ai dévoré Michael Crichton et Stephen King (justement parce que c’était ce qu’on me déconseillait de lire). J’ai commencé à aimer la littérature classique en 3e, avec Le Portrait de Dorian Gray (d’où Dorian le chimpanzé, dans Après nous, les animaux, oui !). Mais ça s’est fait très lentement, parce que j’ai toujours lu très lentement — probablement du fait de la minutie de la lecture qui va de pair avec celle de l’écriture. Quant à la dernière fois que j’ai conseillé des livres à des adolescent·es, j’étais encore prof de lettres et ce n’était pas vraiment des conseils… je leur faisais lire des romans au programme comme Madame Bovary ou La Bête humaine, mais ça venait du cœur ! Maintenant, je crois que je leur recommanderais de lire Thoreau. J’aurais beaucoup aimé découvrir Walden étant adolescent. À la place, j’ai lu Lolita et L’Insoutenable Légèreté de l’être… c’était bien, mais j’aurais sans doute été mieux avec autre chose. Oh, et Zoopolis, tenez. De Donaldson & Kymlicka. (éditions Alma). Il n’y a pas d’âge. En plus d’être le plus puissant texte animaliste jamais écrit, c’est une magistrale leçon de philosophie appliquée. (Oui parce qu’en plus j’ai lu Lolita pendant mon année de philo…)
Sur quoi portent vos prochains projets d’écriture ?
Je veux écrire sur les baleines, rien que sur les baleines. Ce sera un éloge, donc plutôt un essai, mais il faudra que ce soit joli comme un roman. Je n’ai évidemment aucune certitude d’y arriver à l’heure qu’il est. Sinon, j’ai un second projet mexicain en tête, mais il va avoir encore besoin de mûrir quelques mois… animaux toujours. Le personnage serait encore une jeune femme. Et puis mon premier livre, sur Lautréamont, s’intéressait à la fin du XIXe siècle, qui est vraiment ma période préférée ; j’ai deux projets qui pourraient se passer à la même époque, ça ferait une sorte de trilogie, ça aurait de la gueule. Mais j’en suis encore très loin. Peut-être écrire encore un peu en jeunesse aussi, pour les enfants cette fois… Baleines d’abord, après on verra !
Bibliographie :
- Après nous, les animaux, roman jeunesse, Casterman (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Les Métamorphoses, roman adulte, Alma (2020).
- La Guérilla des animaux, roman adulte, Alma (2018).
- Le Cinéma des animaux, essai adulte, UV Éditions, (2018).
- Vie imaginaire de Lautréamont, roman adulte, Gallimard, collection L’arbalète (2011).
Ce livre-là… Gaëlle
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trice, éditeur·trice… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime mais qui sont sans lien avec la littérature jeunesse. Cette semaine, notre invitée est Gaëlle, professeure des écoles dans le Nord. Comme le choix d’un seul livre lui a paru impossible, on vous propose de découvrir sa réponse au grand complet.
Amélie m’a demandé : si je te dis « un livre jeunesse, tu penses à… ? »
Stéphane Servant ! ai-je répondu d’une seule voix, la mienne, malgré mes polyphonies intérieures.
Elle s’est marrée, elle aurait pu répondre à ma place.
Oui mais voilà, c’est comme ça.
Ça a commencé en 2013.
En fait, ça a commencé avant mais je ne le savais pas. 2013, SLPJ de Montreuil, mon Grand, seize ans au compteur, assiste à une rencontre-lecture qui l’emballe. Qui l’enthousiasme, qui le réjouit. Il me dit Maman, j’ai découvert un livre, je veux absolument te l’offrir, absolument absolument absolument.
Soit.
Le lendemain il me traîne à la file d’un stand, murmure un truc à l’oreille d’un auteur, qui couche sur la page de garde une dédicace ésotérique pour qui ne nous connaît pas. Un truc codé. Sur le cul, la mère. Cœur en vrac, yeux brouillés, etc. Le bouquin, c’était Ti-Poucet, l’auteur, c’était Stéphane Servant.
C’était l’année du Cœur des louves, je voyais partout cette couv’, je tournais autour. C’était un signe, j’ai arrêté de tourner. J’ai glissé le cœur et ses louves dans mon panier, et je suis rentrée.
Je suis rentrée. J’ai lu Le Cœur des louves, j’ai lu Ti-Poucet. Pour des raisons différentes et complètement intimes, j’ai été très touchée. Infiniment.
Alors je suis allée farfouiller dans mes piles. Ce nom, Servant, je le connaissais déjà. J’ai retiré de mes piles, un à un, les livres qu’il avait écrits. Il avait eu le goût, que je trouve exquis, de s’être acoquiné à des illustratrices que je chéris et dont je suis le travail. Je n’avais pas fait le lien…
Je les ai tous relus. Puis je lui ai remonté la bibliographie, je suis allée chercher en librairie les quelques livres que je ne connaissais pas encore. Depuis, je guette ses parutions.
Aujourd’hui tout ça, ça me fait une mine, façon sept nains, tu vois ? Avec des pierres, du charbon… Une mine dans laquelle je ne cesse de puiser. Parce que je suis capitaliste, que veux-tu ? En classe, j’exploite à fond son fonds.
Bien sûr qu’on peut aimer un bouquin sans lui trouver mille exploitations (travers d’instit »). Mais rien que le plaisir de partager une lecture, punaise c’est pas rien. Il y en a plein qui sont délicieux à mettre en bouche, à mettre en voix. Certains sont jubilatoires, je t’assure.
Essaye Le Crafougna, tu verras. Les gamins en sont hyper friands ! Et quand ils demandent à écrire un autre morceau du bouquin, je ne peux pas dire non, t’es bien d’accord ? J’ai des tranches de Purée de cochon, de Culotte du loup, de Boucle d’Ours absolument inédites. Une régalade je te dis !
J’ai des souvenirs précieux d’une grosse rigolade sur Cavale et des discussions hautement philosophiques à sa suite. Je commence chaque rentrée par Ici c’est chez nous, qu’on relit plusieurs fois dans l’année. On en chope souvent des minutes de poésie. On parle développement durable avec Plastick, on bosse l’heure avec 8h32, on fait des photos, pareil, dans la cour de récré, on se construit un « minutéméride » de notre journée, on parle temps qui passe sur Cinq minutes et des sablés, on parle Chat, gros mot, vieille dame et poésie avec Chat par-ci, Chat par-là… On ne dit pas grand-chose sur Gronouyot, y a pas besoin, mais on sourit bien, et il y a toujours, ça ne manque jamais, un silence solennel, quasi religieux quand je leur lis Ti-Poucet et Le Masque, quelque chose de fort, qui se passe de mot après. Une mine je te dis. Le pauvre, s’il savait, il pourrait demander une rente à l’Éducation nationale…
Et je ne te parle pas ici de La Langue des bêtes. Si je bossais en collège ou lycée, ce sont à coup sûr ses romans que j’exploiterais éhontément. Sirius, Félines. Tu les as lus ? Et puis il y a ce livre, Souviens-toi de la lune, dont je reste étonnée qu’on ne parle pas plus.
Je nous trouve hyper chanceux de pouvoir suivre son écriture en sentier.
Bref, un livre jeunesse ?
La bibliographie de Stéphane Servant, what else ?
Je suis instit’ en CE2 dans un Nord (très) pauvre et (très) abîmé, et je suis mère mère mère mère au bord du demi-siècle.
J’écris parfois quelques chroniques sur les livres qui m’ont enthousiasmée sur le blog Aire(s) libre(s).
« Un instant, un seul, lui fait déserter son corps : le temps des livres. Le corps de l’enfant qui lit n’est plus qu’un tas de vêtements qu’il a jetés n’importe où. Le livre est ouvert sur la moquette. Les vêtements glissent du lit ou font les pieds au mur. Il est en train de lire. […] Il n’y a plus personne dans la chambre. L’enfant est très loin de là, dans un corps plus ample, au milieu des vagues, loin de nous. » Timothée de Fombelle, Neverland.