J’ai lu plusieurs albums d’Emmanuelle Halgand, mais nous ne l’avions jamais interviewée. La sortie de la très jolie série Areuh chez Flammarion, qu’elle vient d’illustrer, était l’occasion idéale ! Ensuite, on part en vacances avec l’extraordinaire Anouk Ricard qui vient d’illustrer le très drôle Papa ! Papa ! Papa ! chez L’agrume. Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Emmanuelle Halgand
Vous venez d’illustrer les deux premiers livres de la série Areuh, pouvez-vous nous raconter ce projet et comment vous avez travaillé dessus ?
C’est l’éditeur, Flammarion, qui m’a contactée pour dessiner cette nouvelle collection qui comprend 4 ouvrages (les deux derniers volets sont à paraitre à l’automne). J’ai découvert avec bonheur les histoires écrites magnifiquement par Jo Witek, dont j’appréciais déjà les publications et j’ai également rencontré l’univers de Flavia Perez qui a fait un travail musical absolument remarquable et d’une grande qualité. Ce projet a été un vrai coup de cœur artistique et humain ! Tout ce que j’aime, avec l’envie partagée de toute l’équipe artistique et éditoriale d’offrir le meilleur aux tout-petits. En tant que formatrice artistique depuis une vingtaine d’années, j’avoue que cette dimension était essentielle. Parler à l’enfant en le respectant en lui offrant une création simple et raffinée a été mon leitmotiv. J’ai donc travaillé en épurant mes formes et en apportant de la douceur et de la vivacité à la fois.
Quelles techniques d’illustrations avez-vous utilisées ici ?
J’utilise toujours le même processus créatif qui est une combinaison entre une réalisation manuelle, à l’aquarelle principalement, et une part de réalisation en numérique dont le collage fait partie.
Vous êtes aussi autrice, je pense par exemple à Baya, l’étrangère, un album dont j’aimerais que vous nous disiez quelques mots si vous êtes d’accord.
Baya, l’étrangère est un album très spécial pour moi car il traite du thème de l’étranger, de celui que l’on ne connait et dont parfois, malheureusement, on se méfie. J’ai voulu parler de ça, d’abord parce que j’ai vécu une expérience douloureuse de ce type quand j’étais enfant et puis surtout parce que j’aime à croire que les albums sont de formidables objets qui aident à grandir autant qu’à rêver, qui aident à se construire et à voyager. Je pars du principe que l’album fictionnel est un générateur d’images et d’émotions et qu’il invite, par son intrigue, par le développement de l’empathie, à converser avec soi, à se découvrir mais aussi à bonifier sa relation à autrui.
Autrice, illustratrice et j’ai vu aussi que vous étiez chercheuse ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Oui ! C’est un parcours un peu étrange qui commence il y a une trentaine d’années par la découverte des albums de Lobel, principalement Hulul. J’ai eu un coup de foudre pour ce livre ! Et puis, la vie a fait que je suis restée au contact des albums car je n’ai jamais arrêté d’en lire, de m’en offrir aussi. Puis, quand il a fallu choisir une voix professionnelle, j’ai choisi de devenir formatrice, médiatrice artistique, parce que déjà j’étais convaincue par l’importance de l’art dans nos vies. Je pensais que devenir auteure ou illustratrice de livres pour enfants n’étaient pas un métier ! Et puis un jour, j’ai décidé de franchir le pas vers la création et ce pas, je l’ai franchi en même temps que je me suis lancée dans la recherche. Cette recherche est consacrée à la place de l’image dans la médiation de l’album de jeunesse en milieu formel et informel. Elle est une synthèse et à la fois un développement de mes activités de formatrice et d’artiste.
Le fait d’être chercheuse influence-t-il votre façon d’écrire et d’illustrer ?
Oui, vraiment. Je n’avais d’ailleurs pas imaginé ça ! En tant que chercheuse, j’ai développé un regard, une analyse de certains pans de la production éditoriale en jeunesse qui m’amène par ailleurs à remettre en question mes propres choix, ma façon de travailler. Recherche et création sont inséparables aujourd’hui ce qui me réjouit pleinement.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Adolescente, j’ai lu ce que le collège puis le lycée m’ont prescrit dans le cadre de mes études, plutôt littéraires et artistiques. Il y a eu de jolies découvertes à travers de très beaux textes patrimoniaux. Mais je retiens davantage mes lectures d’enfance, celles des albums incontournables à mon époque de l’École des loisirs, Lobel en tête mais aussi Ungerer, Sendak, Parrain…
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Il y a plusieurs ouvrages en cours, tous très différents … Comment choisir ?
Je vais vous parler du prochain titre à paraitre, même si ce critère de sélection est un peu arbitraire ! Il s’agit de Pirate veut voir la mer. J’ai pris énormément de plaisir à écrire cette histoire qui est en réalité celle de l’aventure d’un collectif que le lecteur voit naitre progressivement dans l’ouvrage. Pirate était seul, enfermé dans les compétitions hippiques à répétition mais voici qu’il se découvre des compagnons, voici qu’il quitte son univers pour découvrir la vie ailleurs et les autres pour découvrir : la liberté (ce qui constitue peut-être finalement notre plus belle expérience et le joyau de la vie) ! Rendez-vous en juin pour le découvrir aux éditions Magellan et cie.
Bibliographie sélective
- Chapeau d’été, illustration d’un texte de Jo Witek, Père Castor (2020).
- L’air du temps, illustration d’un texte de Jo Witek, Père Castor (2020).
- Pirate veut voir la mer, texte et illustrations, Magellan & Cie (2020).
- Roméo s’en va, texte et illustrations, Magellan & Cie (2020).
- La faim du loup, texte et illustrations, Magellan & Cie (2019).
- L’ourse Bleue, illustration d’un texte de Nancy Guilbert, Des ronds dans l’O (2018).
- Baya, l’étrangère, texte et illustrations, Versant sud Jeunesse (2017).
- La lumière de Bouchka, illustration d’un texte de Rachel Hausfater, éditions du Mercredi (2017).
- Dans les longs cheveux de maman, illustration d’un texte d’Ingrid Chabbert, Magellan & Cie (2017).
- La petite marmotte qui ne voulait pas dormir, texte et illustrations, Magellan & Cie (2016).
- Les délices de Monsieur Fernand, texte et illustrations, éditions du Mercredi (2016).
- Le voyage des éléphants, texte et illustrations, Magellan & Cie (2015).
Le site d’Emmanuelle Halgand : https://emmanuellehalgand.ultra-book.com.
En vacances avec… Anouk Ricard
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Anouk Ricard que nous partons ! Allez, en route !
5 albums jeunesse :
- Björn de Delphine Perret
- Gros lapin de Delphine Durand et Ramona Badescu
- Pomelo ( tous les tomes ! ) de Benjamin Chaud / Ramona Badescu
- Mouk de Marc Boutavant
- Ssserpent de Chamo
Roman :
- Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov
- Sous le règne de Bone de Russel banks
- Les grandes espérances de Charles Dickens
- Sans nouvelles de Gurb Eduardo Mendoza
- Illusions perdues de Balzac
BD :
- Georges et Louis racontent de Goossens
- Les praticiens de l’infernal de Pierre La Police
- Gris de Olivier Schrawen
- Une vie de famille agréable d’Antoine Marchalot
- Megg, mogg et Owl de Simon Hanselmann
CD :
- Faith de The cure
- Loveless de My Bloody Valentine
- Fire of love de The Gun Club
- Spiderland de Slint
- In an Expression of the Inexpressible de Blonde Redhead
DVD :
Anouk Ricard est autrice et illustratrice
Bibliographie sélective :
- Papa ! Papa ! Papa !, illustration d’un texte de Julien Hirsinger et Constance Verluca, L’agrume (2020).
- Série Les Questions des tout-petits sur…, illustration de textes de Marie Aubinais et Marie-Agnès Gaudrat-Pourcel, Bayard (2008-2020).
- Les Experts (tome 2) : le nouveau guide du savoir universel, Casterman/Arte éditions (2018).
- Ouin-ouin chagrin, illustration d’un texte de Christophe Nicolas, Les Fourmis rouges (2018).
- Mimi commande, illustration d’un texte de Christophe Nicolas, Les Fourmis rouges (2018).
- Série Petit manuel pour…, illustration de textes de Paule Battault, Seuil Jeunesse (2014-2018).
- Princesse caca, illustration d’un texte de Christophe Nicolas, Les Fourmis rouges (2017).
- Coco bagarre, illustration d’un texte de Christophe Nicolas, Les Fourmis rouges (2017).
- Les Experts : en tout : le guide du savoir universel, Casterman/Arte éditions (2015).
- Série Anna et Froga, Sarbacane (2007-2014).
- Coucous Bouzon, Gallimard (2011).
- Patti et les fourmis, Gallimard jeunesse (2010).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !