Après avoir eu un très gros coup de cœur pour Fritz j’ai eu envie d’en savoir plus sur son autrice-illustratrice, Isy Ochoa. c’est donc une rencontre avec elle que je vous propose aujourd’hui. Ensuite, c’est une toute nouvelle rubrique, Ce livre-là, dans laquelle j’invite des gens hors édition à nous parler d’un livre. Et pour inaugurer la rubrique, quelqu’un que j’aime beaucoup : Pascale Delaveau de la librairie C’est la faute à Voltaire à Amboise. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Isy Ochoa
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après 4 années d’études supérieures d’Arts graphiques, j’ai connu quelques expériences professionnelles assez diverses dans la publicité, la mode ou le graphisme. Mais c’est dans les métiers du livre que je me suis sentie le plus épanouie. Je travaille pour l’édition en tant que free lance depuis 1987. Maquettiste, puis directrice artistique et depuis 1995, je suis également devenue auteure, j’ai à mon actif de nombreux recueils de textes d’auteurs que j’ai illustrés ainsi que des livres « loisirs créatifs ». Fritz est mon premier « livre d’auteure » destiné à la jeunesse. Illustrer une histoire qu’on a écrite est une délicate alchimie.
Pouvez-vous nous parler de ce magnifique album qui vient de sortir au Rouergue ?
Fritz a réellement existé. J’ai découvert cet éléphant d’Asie il y a quelques années au cours d’une visite au Musée des Beaux-Arts de Tours où il est exposé. Il y a dix ans, j’ai quitté Paris et suis venue m’installer à une soixantaine de kilomètres de Tours, Fritz m’était inconnu jusque-là. Tandis que la quasi-totalité des Tourangeaux le connaît et l’affectionne. Le peu de renseignements qui le présente a aiguisé ma curiosité et très vite, l’envie m’est venue de retracer et raconter sa vie. C’est ainsi que je suis allée, dans mon enquête, de découverte en découverte, à commencer par le commerce intensif des animaux sauvages qui avait lieu au XIXe siècle. Plus j’avançais plus j’étais persuadée que l’idée de ce livre était bonne. Et plus j’avais la sensation de rendre justice à cet animal dont la vie, volée par les circassiens, a été un calvaire du début à la fin.
Comment avez-vous travaillé sur ce projet ?
Je me suis concentrée en premier lieu sur la rédaction de l’histoire. C’était la partie qui, à priori, me demanderait le plus de travail. J’ai lu une quantité inouïe de documents de toutes sortes, pris des notes, puis les ai retapées. Et quand j’ai commencé à écrire le texte, tout est venu d’un seul coup. Comme un « rendu » ou une créature que je recrache de mon corps. Mais c’était beaucoup trop long, trop informatif. L’éditeur m’a demandé de réduire énormément le volume de l’histoire et de le simplifier pour le mettre à la portée des enfants. Il y avait trop d’informations, trop de dates, de noms. Là-dessus, j’ai réalisé les crayonnés des illustrations, au crayon, puis l’éditeur a encore lissé le texte, il a fait de l’éditing en fait. J’ai terminé par la réalisation des illustrations, je travaillais dans le désordre de l’histoire, je commençais par les images dont j’avais une vision finale parfaite.
N’avez-vous pas eu peur que le livre soit trop rude pour les enfants ?
Oui j’avais cette crainte mais l’éditeur pas du tout ! Quand j’ai exprimé un doute, Olivier Douzou m’a répondu que beaucoup de contes classiques étaient d’une cruauté sans limites, comme des loups qui mangent des grands-mères et j’en passe. Et puis aujourd’hui, il y a tant de violence partout que c’est idiot de s’autocensurer, non ? En fait, dans l’histoire de Fritz, ce n’est pas tant de la violence qui ressort qu’une implacable réalité qui démontre la cruauté des hommes.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
L’éditeur souhaitait que je mélange des dessins aquarellés avec des acryliques plus denses afin de n’être pas trop répétitif et lassant. Mais aussi, il m’a demandé de travailler dans une palette restreinte de teintes le plus neutres possible afin de restituer l’ambiance naturaliste et historique du récit.
Où trouvez-vous l’inspiration ?
Tout m’intéresse ! Évidemment la cause animale est la chose la plus importante à mes yeux. Donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Pour l’iconographie, j’ai une tendresse particulière pour les scènes du tout début du XXe siècle. J’aime les cartes postales anciennes de cette époque où le photographe rassemblait quelques personnes devant les échoppes et tirait le portrait de tout ce petit monde.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Étant née fin 1961, il faut reconnaître que quand j’étais enfant, il n’y avait pas la même offre de livres qu’aujourd’hui. J’ai des souvenirs d’albums reçus lors de premier prix. De grands livres cartonnés, « Les fables d’Ésope », « La comtesse de Ségur »… Sinon, en poche, c’était les « Oui-oui », puis les titres de la bibliothèque rose et verte. Côté presse, j’avais un faible pour « Pif ». Vous voyez, rien de très original et aucun signe de précocité intellectuelle. Ha ha !
Fritz est votre premier album jeunesse, en verra-t-on d’autres ?
Je le souhaite vivement et j’y travaille intensément. J’ai quelques idées d’albums à venir et pour l’instant, je me concentre sur deux d’entre eux, qui sont plus aboutis. Mais je n’en dis pas plus. J’ai le culte du secret et, comme pour Fritz, j’aime réserver un effet de surprise.
Fritz est sorti aux éditions du Rouergue (2018), nous l’avons chroniqué ici.
Ce livre-là… Pascale Delaveau (librairie C’est la faute à Voltaire)
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trice·e, éditeur·trice… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime mais qui sont sans lien avec la littérature jeunesse. La première invitée de cette nouvelle rubrique, c’est une libraire qu’on aime beaucoup, Pascale Delaveau de la librairie C’est la faute à Voltaire à Amboise.
Un livre qui me tient à cœur… ?
Bon, bon, cela se bouscule dans ma tête :
Réfléchir ou laisser surgir ?
Tourner les pages dans ma mémoire ou sur les tables de la librairie ?
Abracadabra :… deux livres.
Impossible de faire « Am stram gram, pic et pic et… “.
S’étonner que ce soit ces deux-là, « je n’aurai jamais pensé que… »
Mais rien à faire, même, après une bonne nuit, ce sont toujours eux.
Toc Toc qui est là d’Anthony Browne (Kaléidoscope) :
Sans doute a-t-il le goût de la petite madeleine, de ces moments uniques de lecture avec mes enfants. Mais pas que…
Une petite fille assise dans son lit avec son ours, semble prête pour se coucher. Elle entend frapper à sa porte. Mais qui cela peut-il être ?
Un album pour exorciser les peurs enfantines. Il se lit à voix basse, à voix haute, se joue, se rejoue, et ne s’oublie pas. Pas à cause des monstres qui toquent à la porte de la petite fille, non, à cause de cette fameuse paire de pantoufles !
Un album si simple en apparence, dans lequel le moindre détail est pensé, du papier peint qui fourmille d’indices, jusqu’à la couette du lit qui joue à avoir peur autant que la petite fille. À offrir aussi aux parents pour leur faire comprendre comme les enfants aiment avoir peur. »
Et puis de Icinori (éditions Albin Michel jeunesse).
Le livre s’ouvre : un paysage défile au fil des saisons : 12 tableaux se succèdent, tels des décors de théâtre que de drôles de petits personnages à tête d’outils tirent et poussent.
L’histoire se fait, se défait, se refait teintée de bleu ou de couleurs chaudes et flamboyantes, selon la saison.
Des personnages étonnants, inattendus, improbables occupent le paysage, arrivent et repartent, invitant le·la lecteur·rice à les suivre, à revenir en arrière, à avancer. Plusieurs univers se côtoient, se rencontrent, se percutent laissant libre cours à l’imaginaire, abolissant les frontières.
Ce livre abolit les frontières et est une incroyable invitation aux voyages à l’intention des petits et grands, seuls ou à plusieurs. Enfin, un LIVRE, quoi !
Pascale Delaveau est librairie à la librairie C’est la faute à Voltaire, 39 rue Nationale à Amboise.
Retrouvez cette super librairie sur Facebook :
https://librairiecestlafauteavoltaire.wordpress.com/

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !