Qui ne connaît pas encore Matthieu Maudet ? Si jamais son nom ne vous dit rien, il y a de grandes chances que vous connaissiez ses albums. Nous, à la mare aux mots, on adore son travail et nous avons eu envie d’en savoir plus… nous lui avons donc posé quelques questions ! Ensuite, pour la rubrique Parlez-moi de… nous avons eu envie de revenir sur un roman qui nous a marqué : Des crêpes à l’eau. Son auteur (Sandrine Beau), son illustratrice (Sandrine Kao) et son éditrice (Valeria Vanguelov) ont accepté de nous parler de ce roman sur la précarité. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Matthieu Maudet
Quel a été votre parcours ?
Poussé par les encouragements, j’ai dit très tôt que je voulais devenir « dessineur ».
Curieusement, au terrible choix d’orientation de fin de collège, impossible de savoir quoi faire, le dessin était toujours là, mais un « vrai » travail ça serait quand même préférable… Quelques années plus tard, échoué en BTS automatisme, je quitte l’école en cours d’année pour gagner des sous et entrer en école de graphisme à Nantes. Enfin au bon endroit, je passe mes journées et une partie de mes nuits à dessiner. A l’époque, je ne connais rien ou presque de l’illustration jeunesse, mes références viennent de la BD, c’est mon dessin qui m’amène dans cette direction. En sortant de l’école, j’ai l’occasion de faire une première BD sans texte, puis une autre, mais impossible de manger grâce à ça. Je patiente en repeignant des locaux poubelles, en faisant le facteur… Jusqu’au jour où l’on a un retour positif de L’école des loisirs, je me décide alors à tenter ma chance pleinement en étant « dessineur » à plein temps.
Quelles techniques utilisez-vous ?
Pour la partie la plus visible de l’iceberg, c’est à dire mes livres, je dessine très souvent à la tablette graphique. Sauf pour les albums où il y a des contours noir, qui sont fait sur papier au crayon, au pinceau ou à la plume et encre de chine. Dessins qui sont en suite scannés puis colorisé par ordinateur.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Mes seuls souvenirs d’albums jeunesse, sont ceux lus lors de visites scolaires à la bibliothèque. Petite bibliothèque de quartier, où j’ai pu me rendre presque tout les mercredis à partir de 6 ans, et où j’ai emprunté quasi-exclusivement de la BD. Plus grand, j’ai eu accès à une nouvelle réserve dans la médiathèque toute neuve de Saint-Herblain, où j’ai eu la chance de voir des expositions incroyables d’illustrations.
Vous avez l’air fidèle à Jean Leroy et Michaël Escoffier, parlez-nous de ces collaborations.
Jean m’a contacté pour un concours via le site Ricochet, alors que je travaillais sur ma première BD. Nous n’avons finalement rien fait pour ce concours, mais la volonté de monter des projets jeunesse était là. Après pas mal de refus, nous avons appris ensemble à faire des dossiers, puis des livres, les réfléchir, les travailler et retravailler jusqu’à l’envoi à l’imprimerie.
Michaël m’avait proposé d’illustré Au secours !!! après avoir vu Ça n’existe pas ! en librairie. Et nous avons pris les mêmes habitudes qu’avec Jean.
C’est à chaque fois un plaisir de pouvoir travailler avec eux, chacun met sa susceptibilité de côté pour ce concentrer sur le projet. Je peux intervenir sur leurs textes et eux sur mes dessins, un seul objectif faire le livre le plus abouti possible (et s’amuser aussi un peu!).
Quels sont les auteurs avec qui vous aimeriez travailler (à part ceux avec qui c’est déjà fait !) ?
Avant de vouloir travailler avec pleins d’auteurs, j’aimerai pouvoir prendre le temps d’écrire un peu plus, mais comme j’écris lentement… Et surtout Jean et Michaël m’envoient 3 nouveaux textes à chaque fin de projet en commun.
Sans doute que les nouvelles collaborations viendront de rencontres avec des auteurs de texte à l’écriture simple, efficace et qui bien sûr ont de l’humour.
Quels sont vos projets ?
En ce moment LE gros projet, c’est une maison en paille (oui, je connais les 3 petits cochons…).
Mais ne vous inquiétez pas, j’avais prévu le coup, après la sortie de La Croccinelle avec Michaël Escoffier chez Frimousse et d’ Un jeune loup bien éduqué avec Jean Leroy à L’école des loisirs, en cette rentrée.
J’aurai l’honneur de figurer dans le nouveau recueil de La maison est en carton : Auprès de mon arbre écrit par Benoît Broyart.
Il y aura Le ça notre prochain Loulou & cie avec Michaël.
Et si on pousse jusqu’à début 2014, il y aura un autre Loulou & cie avec Michaël : Ouvre-moi ta porte !. Et une presque suite du Panier dans la collection Mouche de L’école des loisirs, écrit par Jean bien sûr.
Bibliographie sélective :
- Le ça, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, L’école des loisirs (2013).
- Un jeune loup bien éduqué, illustration d’un texte de Jean Leroy, L’école des loisirs (2013).
- La croccinelle, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Frimousse (2013).
- Papy, illustration d’un texte de Jean Leroy, L’école des loisirs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Bonjour facteur, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, L’école des loisirs (2012), que nous avons chroniqué ici.
- L’animal le plus dangereux du monde, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Frimousse (2012).
- Allô Vénus, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Thierry Magnier (2012).
- Bonjour docteur, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, L’école des loisirs (2012), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez la bio complète de Matthieu Maudet sur son blog : http://matthieumaudet.blogspot.fr.
Parlez moi de… Les crêpes à l’eau
Une fois par mois on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur, éventuellement son illustrateur et son éditeur. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a plu. Cette semaine c’est Les crêpes à l’eau (chroniqué ici), le roman de Sandrine Beau illustré par Sandrine Kao sorti chez Grasset Jeunesse sur lequel j’ai eu envie de revenir.
Sandrine Beau (auteur) :
Je suis dans mon lit, je rêvasse en attendant l’heure de me lever (c’est souvent là que me viennent les idées !) et tout à coup, une phrase s’impose.
Quand ma mère a su que j’étais dans son ventre, ça a un fait comme un soleil dans sa tête.
Je m’en souviens encore, parce que c’est cette phrase qui a fait démarrer l’écriture Des crêpes à l’eau.
Elle résume tout ce qui en a découlé : les deux personnages de la maman et de sa fille, leur relation forte et pleine d’amour, le côté positif et joyeux de la maman, même quand tout est noir.
Ça a donné le ton du livre : j’avais envie d’un mélange d’un peu de poésie et de fantaisie, pour que cette histoire ne soit pas trop lourde, ni trop noire.
Et c’est rigolo : cette phrase, qui a été le déclic pour l’écriture Des crêpes à l’eau n’est plus dans le roman !
J’ai eu envie de parler de la précarité parce que je suis révoltée de voir que, dans un pays développé comme le nôtre, il y ait encore autant de gens qui vivent en-dessous du seuil de la pauvreté.
J’avais aussi été très choquée par une phrase que j’avais entendue dans la bouche d’un enfant : “Eux, c’est des pauvres !”
Et pire que la phrase, c’était le ton méprisant avec lequel elle avait été prononcée qui m’avait glacée.
J’ai eu envie, à partir de là, de raconter une histoire qui montre aux enfants qu’on ne choisit pas d’être pauvre et que ça n’enlevait aucune valeur aux gens. J’avais envie également de leur dire “OK, la vie n’est pas toujours facile, n’empêche, elle est drôlement jolie et elle vaut le coup d’être vécue”.
Le titre orignal de cette histoire d’ailleurs, c’était L’argent ne fait pas le bonheur.
J’ai envoyé mon manuscrit à Grasset, qui m’avait déjà fait de jolis retours sur des textes et Valéria Vanguelov a eu envie de publier cette histoire.
Nous l’avons triturée ensemble pendant plusieurs semaines : allongée, puis raccourcie, puis retaillée… jusqu’à arriver au texte final que vous pouvez lire.
Mon plus grand bonheur, maintenant que le livre vit sa vie, c’est de voir à quel point il touche ceux qui le lisent… et ma plus grande fierté, c’est qu’il ait été dans la pré-sélection du Prix Sorcières. (D’accord, c’est juste une pré-sélection, n’empêche, pour une fois, ça a fait grimper mon estime de soi un peu au-dessus du niveau de la mer 🙂
Sandrine Beau vient de sortir L’ogre qui n’avait peur de rien, que nous avons chroniqué ici. Retrouvez la sur facebook et sur son blog.
Sandrine Kao (illustratrice) :
Quelques mois plus tôt, j’avais travaillé avec Valéria Vanguélov qui avait accepté, sur la suggestion de Séverine Vidal, que j’illustre la couverture de son roman, Lâcher sa main. C’est en voyant des essais d’illustrations pour un autre projet avec Séverine que Valéria m’a à nouveau contactée pour illustrer Des crêpes à l’eau.
En lisant le texte de Sandrine Beau, j’ai tout de suite été attirée par son sujet et par la façon dont Sandrine le traitait. Pourtant, illustrer un roman de première lecture abordant des thématiques sociales n’est pas du tout le même exercice qu’illustrer un album où l’imaginaire prédomine : c’était la première fois que je me trouvais confrontée à ce type de commande et Valéria m’a été d’une aide précieuse pour que mes illustrations ne soient pas simplement des images calquées sur le texte de Sandrine mais qu’elles reflètent son côté lumineux et optimiste. Pour ne pas me laisser enfermer dans des représentations trop réalistes, j’ai donc opté pour une palette de couleurs printanières, essayé de me rapprocher du poétique et des émotions. J’espère ainsi avoir apporté à travers mes cabochons une petite touche supplémentaire à l’ouvrage, en évitant les images trop attendues : cherchez donc une crêpe, vous n’en trouverez pas !
Sandrine Kao vient de sortir Le banc, que nous avons chroniqué ici. Retrouvez la sur son blog.
Valéria Vanguelov (éditrice) :
Lorsque j’ai lu le manuscrit des Crêpes à l’eau, arrivé par la poste, j’ai tout de suite été charmée par la fraîcheur de ce texte, sa sensibilité, et son humour aussi. Aborder la problématique du manque d’argent est délicat et l’on peut vite tomber dans un traitement très social qui correspond pas à ce que nous avons envie de publier pour les 7 ans et plus ; dans ce texte, c’était tout le contraire, ce qui prime, c’est la façon de sublimer le quotidien, de lui donner des couleurs malgré la grisaille, de garder espoir en soi et en les autres. Il me semblait néanmoins que l’auteur pouvait aller encore plus loin. Je ne connaissais pas Sandrine Beau, et lorsque nous nous sommes parlées au téléphone pour la première fois, elle a tout de suite été d’accord avec ce sentiment, et elle a su ensuite, avec beaucoup de finesse, ajouter de très belles scènes, qui sont venues renforcer l’intensité de son texte, et le rendre encore plus touchant.
Elle a aussi immédiatement adhéré à ma proposition d’en confier l’illustration à Sandrine Kao, dont le travail délicat a apporté beaucoup de douceur et de poésie à ce bien joli roman.
Tout de suite, l’accueil fait au livre a été très enthousiaste. Des crêpes à l’eau a depuis été sélectionné pour de nombreux prix, et a rapidement été réimprimé… Cela prouve que ce travail commun valait la peine d’être mené ainsi, et que nous pouvons être heureuses de penser qu’en suivant son bonhomme de chemin, il peut mettre un peu de baume aux cœur de certains enfants, et ouvrir le dialogue sur des situations difficiles à vivre.
Le blog des éditions Grasset Jeunesse : http://grasset-jeunesse.blogspot.fr.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
waouh quel mercredi !!!!!!!!!!
Matthieu Maudet est un des génies de la litté pour les tout-petits. J’en suis très fan et mes élèves aussi.
J’avoue que le duo avec Michaël Escoffier est un de mes préférés en litté jeunesse.
C’est intéressant de lire le parcours de Matthieu Maudet et de voir qu’il lui a été assez simple d’entrer chez l’EDL (et de donner un sacré coup de jeune à cette maison qui en avait bien besoin !).
Je suis ravie d’apprendre qu’il va y avoir une suite au Panier que j’ai adoré mais avec un bémol quand même : le format ! En album, ça aurait bien mieux je trouve (enfin ce n’est que mon avis).
C’est rigolo que La mare revienne aujourd’hui sur des crêpes à l’eau car j’en ai justement parlé hier soir. En fait j’ai justement fait des crêpes hier soir, mais ma pâte était trop épaisse et comme j’avais fini la dernière bouteille de lait (on fait les courses le mercredi :D), j’ai ajouté de l’eau. J’ai donc pensé à ce roman si touchant que j’avais beaucoup aimé. C’est intéressant de lire comment est né ce petit livre.
Houlà comme vous y allez Leia, c’est trèèèèès gentil à vous hein.. mais avec des compliments pareil faut encore que j’ose faire d’autres livres maintenant!
Pour le format du Panier, si vous saviez, au départ c’était un album et puis, et puis, l’histoire de ce livre en a décidé autrement! Bonjour à vos élèves!
C’était juste sous le titre! Et tu me dis tout en bas!!!
Bref, j’ai trouvé!
Et ben, juste pour dire que je trouve passionnant de voir comment un livre nait de la première phrase qui germe dans le cerveau de l’auteur au réveil en passant par la façon dont l’illustratrice s’en empare et le coup de pouce d’une éditrice qui y croit et qui aide à ce qu’il se peaufine!
Quant à Matthieu Maudet que je ne connaissais pas en effet et bien en tout cas il est très beau! 😉