J’ai découvert il y a peu Sandrine Beau, grâce à Séverine Vidal (elles ont signé avec Anne-Gaëlle Balpe un roman à 3 mains). J’ai commencé par lire L’hippopotin puis Des crêpes à l’eau et enfin L’été où mon grand-père est devenu jaunophile (dont je vous parlerai bientôt). Je suis pressé de lire ses prochains romans ! En attendant je lui ai posé quelques questions et elle a eu la gentillesse de me répondre (et ses réponses sont passionnantes !).
La mare aux mots : J’ai remarqué que dans vos romans il y avait plusieurs couches. On parle d’un sujet principal mais plusieurs autres sont abordés ou évoqués. Est-ce quelque chose dont vous avez conscience ?
Sandrine Beau : C’est rigolo le coup des couches dans mes romans ! Moi qui milite pour les couches lavables pour bébé, j’ai cru que vous me parliez de ça ! Couches (lavables) à part, je crois tout simplement que c’est un peu comme dans la vie. On s’intéresse à un sujet et on en découvre d’autres en s’y intéressant. Et puis, c’est toujours plus enrichissant, enfin il me semble, quand tout n’est pas simple, quand tout n’est pas noir OU blanc. Les nuances, c’est pas mal quand même, non ?
La mare aux mots : Par exemple, vous parlez souvent d’immigration mais pour des personnages secondaires (Suzette qui vient du Bénin, la maman de Basile qui est arrivée en France en ne parlant pas français) c’est quelque chose qui vous touche particulièrement ?
S.B. : Terriblement oui. J’ai tellement de mal à comprendre que des gens restent insensibles au drame que peuvent vivre ces personnes qui ont tout abandonné, un pays, une famille, des amis, des racines… Je supporte très difficilement le manque de compassion de certains êtres humains pour d’autres êtres humains. Et depuis quelques années, il y a une telle diabolisation de l’immigré, qui devient LE bouc émissaire à qui on fait endosser tous les problèmes, que je ne peux qu’être révoltée. C’est trop facile d’utiliser la peur et la méconnaissance de l’autre… A ce propos, il y a un superbe livre de témoignages d’enfants, absolument bouleversants, parfois même terrifiants, parfois joyeux aussi (et heureusement !) : Le voyage a été long (aux éditions Flblb). A découvrir et à faire passer autour de soi!
La mare aux mots : Avez vous l’impression d’être engagée, de devoir faire passer un message ?
S.B. : Engagée, je ne sais pas. Concernée, oui évidemment. Il y a des tas de causes pour lesquelles j’ai envie de me révolter, de m’indigner. Mais je crois que tout ça tient dans un seul mot : le respect. Quand il y a du respect, tous les espoirs sont permis ! Et si par chance un de mes livres peut déclencher des questions dans la tête d’un de ses lecteurs, j’ai tout gagné.
La mare aux mots : Vous êtes la deuxième “ancienne clown” qu’on reçoit (avec Natalie Tual), clown ça mène sur auteur pour la jeunesse ?
S.B. : Ce que j’adore dans le clown, c’est la fraîcheur avec laquelle il regarde la vie, la poésie qu’il met dans tout ce qu’il fait aussi. J’aime ce mélange de fantaisie et de gravité. Je trouve les clowns très très touchants. Ils regardent un peu le monde avec des yeux d’enfants. Alors peut-être oui que c’est une jolie passerelle pour aller vers la littérature jeunesse… (Il y a d’ailleurs un clown fabuleux, Buffo, qui a écrit des livres pour enfants (et grands) sous le nom d’Howard Butten. Et puis aussi un certain Charlie Chaplin, qui même sans nez rouge, a, lui, écrit de très belles histoires filmées.)
La mare aux mots : Quels sont les auteurs et illustrateurs qui ont marqué votre enfance, votre adolescence ?
S.B. : Les premiers livres que j’ai dévorés c’était la série des Jojo Lapin d’Enid Blyton. Suivis par l’inévitable Club des cinq et sa Claude délurée. Côté illustrations, j’étais fan absolue de toute la collection des Martine et plus particulièrement de l’album Martine petit rat d’Opéra (aaah, les petites socquettes blanches de Martine… j’en tremble encore d’émotion !). Ensuite, rassurez-vous, ça s’est arrangé ! Il y a eu Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué d’Howard Buten (on y revient), et La vie devant soi de Romain Gary (je me souviens encore des chaudes larmes qui coulaient dans mon cou)… Le travail des illustrateurs, j’en suis vraiment tombée amoureuse plus tard. En plongeant à nouveau le nez dans des albums avec mes enfants, en découvrant des gens comme Delphine Durand, Lionel Le Néouanic, Martin Jarrie ou Christian Voltz et en me disant “Mais c’est possible de faire des choses aussi belles?!!”
La mare aux mots : Quels sont ceux d’aujourd’hui que vous aimez lire à vos enfants ?
S.B. : J’ai dû lire à peu près 12 435 fois Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi ? de Thierry Lenain, illustré par Delphine Durand (et l’offrir tout autant!). Dans nos albums fétiches il y a aussi Princesse Anna de Marc Cantin, illustré par Martin Jarry, La croûte de Charlotte Moundlic, illustré par Olivier Tallec, La petite casserole d’Anatole d’Isabelle Carrier, La saucisse de Cornichou de Benoît Charlat , Pourquôôââ ? de Voutch ou encore Le livre le plus génial que j’ai jamais lu de Christian Voltz. Bref un joli mélange d’histoires émouvantes, un brin “militantes”, fantaisistes ou carrément à hurler de rire. Tout ce que j’aime.
La mare aux mots : Quels sont vos projets ?
S.B. : Vivre, rire, m’émouvoir, aimer et écrire. Et plus sobrement, des tas d’histoires en attente. Notamment un roman en cours d’écriture, inspiré de la vie de la première femme aviatrice française à avoir obtenu son brevet de pilote. Ça se passait en 1910 et il fallait être doublement audacieuse pour oser embarquer dans les avions de l’époque et se faire une place dans un monde réservé jusqu’alors aux hommes. En cours également (enfin en attente de réponses), une histoire plus difficile sur un sujet un peu tabou : les abus sexuels sur les garçons. Je travaille aussi en ce moment sur un nouveau projet de série avec Séverine Vidal et Anne-Gaëlle Balpe, une enquête menée par une petite bande d’enfants sous le soleil des Cévennes.
Pour ce qui est des sorties :
– Le tome 2 de Roulette Russe (co-écrit avec Anne-Gaëlle Balpe et Séverine Vidal) Rouge Bitume chez Oskar Jeunesse, fraîchement débarqué dans vos librairies.
– L’étrangleur du 15 août, un polar à paraître en mars toujours chez Oskar Jeunesse
– On n’a rien vu venir, roman d’anticipation à 7 voix (avec Anne-Gaëlle Balpe, Clémentine Beauvais, Annelise Heurtier, Agnès Laroche, Fanny Robin et Séverine Vidal) en mars chez Alice Jeunesse, avec une préface de Monsieur Stéphane Hessel.
– Ma maman est comme ça et Mon papa est comme ci, deux albums début avril, chez Limonade, avec quelqu’un que vous aimez beaucoup je crois (!) l’illustratrice Soufie.
Vous pouvez en savoir plus sur Sandrine Beau sur son blog : http://sandrinebeau.blogspot.com mais ne vous en faites pas… on n’a pas fini de vous en parler !

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Note pour moi-même : garder un oeil sur cette chouette nana! (en plus, elle milite pour les couches lavables, que voulez-vous je fonds…)
Belle interview, merci!
J’aimais déjà beaucoup Sandrine, son travail, son humour. Maintenant je découvre qu’elle milite pour les couches lavables, je l’aime d’autant plus.
Il y a beaucoup de livres cités que j’aime aussi beaucoup beaucoup. ça doit être générationnel.
Merci de nous offrir cette entrevue 🙂
J’aime cette invitée du mercredi ! Belle interview… merci Gabriel!
Je vois que je ne suis pas la seule a tomber sous le charme de cette femme passionnée, parlant de respect des êtres humains ET militant pour les couches lavables !! Merci encore pour cette belle rencontre !
Ben dites donc… que de gentillesses par ici!
Je suis doublement contente d’avoir répondu aux belles questions de La mare aux mots!
Merci 🙂