Comme régulièrement voici une petite sélection de livres sur la mort. Parce que c’est un sujet tellement délicat qu’on est toujours content de trouver des livres jeunesse qui parlent de ce moment difficile que vont connaître certains enfants.
Un grand-père s’adresse à son petit-fils. Il lui conseille de ne pas s’inquiéter pour le jardin, le voisin s’en occupera. Il lui dit que les nuages seront toujours là pour l’abriter du soleil, qu’il y aura encore des sourires, des gourmandises (et qu’il faudra croquer dedans), lui… il a laissé son âme au vent.
Je commence par un coup de cœur, le magnifique J’ai laissé mon âme au vent de Roxane Marie Galliez et d’Éric Puybaret, véritable merveille de poésie. Ici, on dit que la vie continue, qu’il FAUT qu’elle continue malgré la tristesse. Le grand-père dit à son petit-fils qu’il est toujours là, quelque part et qu’il ne faut pas l’oublier. Mais quand il pense à lui il faut que ce soit en pensant à ses facéties, qu’il ne soit pas triste. Le texte est extrêmement bien écrit et les grandes illustrations d’Éric Puybaret les accompagnent à merveille. C’est assez rare un texte dont le narrateur est déjà mort. C’est souvent une personne âgée qui parle de l’après, là on y est… J’ai rarement été aussi ému par un album, un petit bijou.
Écoutez un extrait du texte sur le site de l’auteur.
Le même vu par Sous le feuillage et Enfantipages.
Petit Ours entend ses parents parler, il perçoit des mots « Grand’ Pa », « lui dire », « demain »… Il sait très bien de quoi ils parlent, demain il ira voir son grand-père comme chaque été. Le lendemain, il se lève tout heureux, il a hâte d’y être. Sur le chemin, il imagine déjà tout ce qu’ils vont faire ensemble, il se remémore l’année dernière, il a hâte de lui montrer ce qu’il arrive à faire maintenant et qu’il ne savait pas faire avant. Son père, lui, est triste, il veut dire quelque chose à Petit Ours, mais n’y arrive pas. Quand ils arrivent chez Grand’ Pa ils ne l’y trouvent pas et ‘Pa trouve enfin la force de parler à son fils…
C’est une histoire sur la difficulté d’annoncer la mort aux enfants que nous raconte Jean-Marie Robillard. Que c’est difficile d’annoncer à un enfant qui se réjouit de revoir son grand-père que plus jamais il ne le reverra, mais qu’il est là toujours, en lui. Petit Ours se souviendra que son grand-père lui a dit que lorsqu’un ours meurt, un aigle vient cueillir sa dernière étincelle de vie et l’emporte dans le ciel, c’est ce qui fait les étoiles. Petit Ours saura ainsi que son grand-père veille sur lui. Xu Hualing a fait un très beau travail sur cet album et certaines illustrations sont absolument merveilleuses. Elles sont bien mises en valeur par la taille de l’album et couvrent parfois des doubles pages. Un bien bel album sur ceux qui ne sont plus là, mais veillent encore sur nous.
Plusieurs planches du livres sur le site de l’illustratrice.
Il n’était pas mort depuis longtemps quand les enfants ont trouvé cet oiseau. Il était encore tiède, mais très vite il est devenu raide et froid. Alors, très tristes, ils décidèrent de l’enterrer. Ils ont creusé un trou dans la terre pour lui, ont mis une pierre sur laquelle ils ont écrit “Ici repose un oiseau qui est mort” et ils sont retournés jouer.
La collection Cligne cligne, chez Didier Jeunesse, ressort des petits trésors anciens de la littérature jeunesse, comme ce Une chanson pour l’oiseau sorti en 1958 aux États-Unis (et jamais sorti en France). Avec beaucoup de justesse et de poésie, Margaret Wise Brown et Remy Charlip nous montrent les réactions des enfants face à la mort. C’est toujours la vie qui reprend le dessus, la tristesse est vite oubliée pour retourner jouer. C’est un petit album au format à l’italienne dont les doubles pages textes alternent avec les doubles pages illustrations. Un magnifique ouvrage sur l’enfance et son rapport à la mort.
Des extraits sur le site de Didier Jeunesse.
Le même vu par Fantasia, Les lectures de Kik et Les lectures de Liyah.
C’est en patois que lui parlait son grand-père. Raphaël était très proche de ce vieux monsieur qui adorait son tracteur et qui se désolait de la désertification de la campagne. Le vieil homme se souvenait d’un voyage dans le Sahara, il repensait aux gens qui y vivent. Un soir, il prit une décision, après sa mort il voulait que son tracteur soit envoyé là-bas, il se disait qu’il aurait beaucoup plus d’utilité pour ces gens. Bien sûr, on l’avait écouté comme on écoute parfois (malheureusement) les paroles des vieux, se disant que ce ne sont que des délires séniles. Son petit-fils, lui, l’avait vraiment entendu.
J’avais eu la chance de voir il y a quelques années Yannick Jaulin sur scène (malheureusement trop brièvement). Très célèbre dans la région nantaise, sa popularité gagne de plus en plus le reste de la France… et réputation n’est pas usurpée ! Yannick Jaulin est fabuleux à écouter. Ici, il s’agit de le lire (mais tout en lisant l’histoire je l’imaginais la racontant). Il nous conte donc l’histoire de ce vieil homme plus vraiment écouté (parce qu’il ne parle pas comme ses enfants, parce que ses passions semblent désuètes) et de l’amour de son petit-fils. Alors bien sûr le grand-père va partir (sinon le livre ne serait pas dans une chronique sur la mort) et le petit-fils va tout faire pour honorer la mémoire de celui qu’il a tant aimé. C’est une histoire entre la réalité et le conte, un pied dans le réel (il y a rarement de tracteurs dans les contes) et un autre dans l’imaginaire (un enfant qui part en tracteur jusque dans le Sahara sans qu’on se demande où il trouve l’essence ou comment il traverse la mer). Et même si je n’ai pas du tout été touché par les illustrations (mais c’est une affaire de goût), j’ai trouvé très belle cette histoire sur la transmission, le partage, la mort et les expériences dont on sort grandit.
Des extraits sur le site de Rêves bleus.
Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué des livres de Jean-Marie Robillard (Le messager du clair de lune), Xu Hualing (Manon et la caverne aux brigands) et Margery Williams (Le lapin en peluche).
Retrouvez toutes nos chroniques sur les livres pour enfants parlant de la mort et du deuil sur notre fiche thématique et sur le forum (que vous pouvez compléter !).
J’ai laissé mon âme au vent Texte de Roxane Marie Galliez, illustré par Éric Puybaret De la Martinière Jeunesse 14,50€, 251×352 mm, 32 pages, imprimé en Belgique, 2013. |
L’étoile de Grand-Pa Texte de Jean-Marie Robillard, illustré par Xu Hualing Le buveur d’encre 16€, 300×280 mm, 40 pages, imprimé en Italie, 2011. |
Une chanson pour l’oiseau Texte de Margaret Wise Brown, illustré par Remy Charlip Didier Jeunesse dans la collection Cligne Cligne 11,90€, 150×210 mm, 42 pages, imprimé en France chez un imprimeur éco-responsable, 2013. |
Le tracteur aux dromadaires Texte de Yannick Jaulin, illustré par Marie-France Goyet Rêves Bleus 15€, 240×320 mm, 36 pages, imprimé en Europe chez un imprimeur éco-responsable, 2013. |
Puisque dans cette rubrique je parlais de conteur (avec Yannick Jaulin)… en ce moment au Lucernaire (à Paris) dans le cadre du festival Paroles au Paradis, un festival de contes, de très bons conteurs sont programmés. Moi je suis allé voir Zouj de Pierre Delye et Halima Hamdane, c’était absolument magnifique. Il s’agit d’un spectacle pour adultes dans lequel les deux conteurs content chacun à leur tour ou ensemble, en comparant les histoires de « chez eux ». Ils sont vraiment extraordinaires, il faut absolument aller les voir, c’est jusqu’au 9 novembre. Plus d’informations ici et sur le site de Clair de lune.
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Une chronique très émouvante.
Sur ce thème, il a aussi le très beau conte “au creux de la noisette” de Muriel Mingau et Carmen Segovia chez Milan 🙂
Et “Au revoir Blaireau” de Susan Varley (Gallimard) aussi.
Le Puybaret est très émouvant, et empreint d’une grande délicatesse.
Petitou aime beaucoup le second qu’il a reçu il y a quelques années.
Belle sélection – comme d’habitude 🙂
“J’ai laissé mon âme au vent” est une pure merveille!
Je le savais (!) que cet ouvrage (J’ai laissé mon âme au vent) allait me plaire. Je l’attends, d’ailleurs, pour en faire une critique. Je vous recommande également Grand-papa, de John Burningham, une petite-fille et son grand-père, sur ce qu’elle fait, ce qu’il faisait, à son âge, des phrases courtes, comme un dialogue, présent ou passé. un matin grand-papa restera assis dans son fauteuil, ce sera une promenade immobile. La page d’après le fauteuil est vide. Le dialogue hors du livre peut commencer.
Whaouh c’est magnifiquement formulé
De très beau livres! Il y a aussi “La croûte” de Charlotte Moundlic et Olivier Tallec qui parle de la mort d’une mère et il m’a fait verser pas mal de larmes! Merci la mare aux mots pour ces si beaux articles!
Super toutes ces références que vous ajoutez ! N’hésitez pas à les mettre sur le forum (le sujet est super consulté)
J’ai feuilleté “J’ai laissé mon âme au vent” en librairie l’autre jour, je suis maintenant sûre de l’acheter lorsque j’y retournerai.
merci
Je note du coup “une chanson pour l’oiseau”. Merci.
Oh oui !