Aujourd’hui on se penche sur deux albums qui évoquent le destin de jeunes rois. Drôle ou philosophique, voici deux histoires à raconter aux plus jeunes. Qui a dit qu’il était facile d’être à la tête d’un royaume ?
« Il était une fois un royaume, un château, un donjon cerclé de créneaux. À son sommet, sous son drapeau exactement, le roi guette son ennemi juré. » Qui est cet ennemi ? Sa majesté du royaume d’à côté, bien sûr. Et à force de s’épier l’un l’autre, les choses vont se corser pour nos deux souverains : de grimace en provocation, c’est l’escalade… puis la déclaration de guerre ! Chacun du haut de sa tour, les rois se lancent dans le commandement d’une bataille sans merci. Machines infernales, catapultes, canons, archers, cavaliers, tous les moyens guerriers sont mobilisés des deux côtés. Mais à force de combats, il ne reste plus personne au royaume… Les infirmeries sont pleines de blessés. Il va falloir trouver d’autres moyens humains. Les enfants du royaume, en voilà une bonne idée ! Mais les rois vont avoir bien du fil à retordre pour mener ces troupes très indisciplinées !
Avec ce titre (Furio !) et cette couverture explosive, pas de doute, l’album que l’on a sous les yeux nous parle de guerre, de combats. Mais très vite, certains détails nous mettent la puce à l’oreille : des couleurs vives, des formes géométriques, des « armes » d’un drôle de genre (raquette de ping-pong géante, casserole, flèches crayons de couleur)… Nous ne sommes pas dans une vraie guerre, mais on joue à la guerre, on s’amuse à combattre avec ces deux petits rois un peu ridicules qui ne daignent pas descendre de leur tour. Dès lors, on peut lire l’histoire avec un autre œil, et cette bataille se transforme en jeu. On peut même repérer des détails rigolos dans les images en décalage avec le « sérieux » du texte. Cette guerre-là n’est pas bien sérieuse, et c’est tant mieux ! Ces deux rois ne sont pas très doués pour faire la guerre, et ce n’est pas la chute qui vous dira le contraire…
Furio ! est un album aux couleurs vives et tranchées qui raconte une drôle de guerre entre deux petits rois : une histoire pas si sérieuse que ça !
« Il était une fois un grand roi, très vieux, très sage, qui mourut adoré de tout son entourage. Son fils prit sa couronne mais il se sentait si jeune ! Jamais il ne pourrait être aussi fort que son père… » Le jeune roi de cette histoire se sent si petit face au devoir qui l’attend, qu’il envoie ses conseillers glaner le savoir tout autour du monde. À leur retour dix ans plus tard, ils ont rapporté tant d’objets nouveaux que le si petit roi se sent démuni face à tout ce savoir. Il demande à ce que les conseillers résument et consignent leur savoir sur papier. Le si petit roi a bien grandi, mais il se sent toujours autant démuni. Le petit roi est devenu un vieil homme un peu fatigué. Ses conseillers tentent d’alléger sa tâche en résumant leurs savoirs à une seule et unique phrase qui dit en substance l’importance de vivre l’instant. Enfin, le vieux roi peut mourir tranquillement.
Voilà un bel album tout en douceur. Du texte à l’image, de la temporalité de l’histoire à l’utilisation des couleurs, tout concorde à l’inscrire dans une sorte de sérénité et de sobriété. C’est l’histoire de toute une vie, celle d’un petit garçon au grand destin, qui grandit et qui apprend la vie. Ce roi-là est un grand roi, et bien qu’il n’ait pas appris tout le savoir théorique qu’on lui apporte, il a préféré prendre le temps de s’occuper de la vie de son royaume, de sa famille… Les illustrations de Julie Guillem sont singulières : donnant une dimension à la fois moderne et intemporelle à son décor, à ses personnages, à ce roi qui apprend la sagesse, elle propose une vision du temps qui passe loin de toute agitation. Si bien que l’histoire nous apparaît comme un conte philosophique sur ce qui est important : la connaissance, l’expérience, ou tout simplement le fait de prendre le temps.
Un conte philosophique et intemporel qui nous parle d’un petit roi qui ne l’est pas tant que ça, mais surtout de l’importance de vivre sa vie en levant le nez et en prenant son temps.
Furio ! Texte de Gilles Baum, illustré par Chiara Armellini Éditions des Éléphants 14 €, 280×200 mm, 32 pages, imprimé en Lettonie, 2019. |
Le Si Petit Roi Texte d’Alice Brière-Haquet, illustré par Julie Guillem HongFei 14,90 €, 150×280 mm, 36 pages, imprimé en République Tchèque chez un imprimeur écoresponsable, 2019. |
« Un instant, un seul, lui fait déserter son corps : le temps des livres. Le corps de l’enfant qui lit n’est plus qu’un tas de vêtements qu’il a jetés n’importe où. Le livre est ouvert sur la moquette. Les vêtements glissent du lit ou font les pieds au mur. Il est en train de lire. […] Il n’y a plus personne dans la chambre. L’enfant est très loin de là, dans un corps plus ample, au milieu des vagues, loin de nous. » Timothée de Fombelle, Neverland.
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