Pour la huitième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Catherine Louis et Bernard Friot, Irène Bonacina et Anne Crausaz, Claire Gaudriot et Maria Jalibert, cette semaine c’est Jérôme Peyrat qui a choisi de poser ses questions à Gilles Baum !
Jérôme Peyrat : C’était comment ton enfance ?
Gilles Baum : Raconter son enfance, c’est fermer les yeux et vider ses poches.
Voilà une balle de tennis, indispensable, elle me suivait partout. Avec elle, le moindre temps mort se transformait en football devant l’école, sur le parking de l’immeuble, entre deux arbres. Un copain, un banc, et la série de penaltys pouvait commencer. Même tout seul, il y avait toujours un truc à tenter, du gauche, toujours, à brosser la balle bien que maintenant mes élèves appellent ça des enveloppées.
Mais voilà les craies, toutes volées au tableau du maître, avec ma tête de premier de la classe j’étais insoupçonnable. Alors les mercredis je pouvais écrire mes amours sur tous les murs du quartier et je ne me suis jamais privé de tomber amoureux. Mes premiers battements, mes premiers pas d’auteur dans la foulée. Il paraît qu’on écrit toujours pour quelqu’un.
Et puis bien sûr dans mes poches, il y a des plumes.
Jérôme Peyrat : Quel a été ton dernier « choc esthétique » ?
Gilles Baum : Les premières pages de Crépuscule, le dernier roman de Philippe Claudel. Je voulais juste ouvrir le livre deux secondes, lire deux ou trois lignes pour sentir l’ambiance, me réjouir de le lire tantôt. Je n’ai pas pu le reposer. Les premières descriptions de Baraj et de Nourio sont divines, parfaites, chaque mot est à sa place exacte. D’habitude, devant tant de grâce et de talent, je m’agace un peu de ces étoiles que je n’atteindrai jamais. Mais cette fois-ci, je me suis totalement abandonné, je me suis laissé porter par la musique et les images, je me suis tu pour faire connaissance avec ces deux personnes qui ne sont pas près de me quitter.
Jérôme Peyrat : Albums, romans, spectacles, explique-nous le plaisir que tu as de passer de l’un à l’autre ?
Gilles Baum : Le plaisir de l’album, c’est de penser à l’image même si on est incapable d’en produire une. C’est se réjouir d’un travail en équipe, d’une histoire à porter à deux.
Le plaisir du roman, c’est de rentrer à l’intérieur de soi quelque temps à l’abri du monde.
Le plaisir du spectacle, c’est de voir des gens entrer dans une salle de théâtre pour entendre ses mots sublimement dits, bien mieux que par soi-même. C’est le vertige de considérer toute la grande machinerie devant soi, de se dire que tous ces gens de talent en plein travail se sont réunis autour de quelques mots écrits dans la cuisine.
Mais pour être honnête, le changement d’écriture est souvent dicté par l’idée de départ elle-même, c’est elle qui choisit le tissu qui l’habillera.
Elle veut être la plus belle pour aller danser.
Gilles Baum : Tu te souviens la première fois que des gens ont fait waouh autour de l’un de tes dessins ?
Jérôme Peyrat : Je me souviens qu’à l’école maternelle, j’allais faire des dessins pour les différentes maîtresses, je m’installais à leurs bureaux avec mes feutres et je restais une demie heure à dessiner puis j’allais dans la classe suivante…
Une sorte de « tournée » de la maternelle… Je crois que j’étais très fier, sans trop savoir pourquoi.
Gilles Baum : C’est quoi ton porte-clés ? Il vient d’où ? C’est quoi son histoire ?
Jérôme Peyrat : Ah Ah, c’est un beau souvenir du festival du livre jeunesse Sapristi 2021, les illustrateur·trices pouvaient réaliser de petits dessins pour des porte-clefs.
C’est celui de mon amie Clothilde Perrin : un petit monstre (Pas Clothilde, le dessin …!)
Gilles Baum : Il paraît que tu vas travailler avec l’un de mes écrivains préférés. Tu peux nous en dire davantage ?
Jérôme Peyrat : Ouiii, c’est une belle rencontre ! J’étais invité (comme toi !) par mon amie Amandine Piu, marraine du festival Livre à vous de Voiron et tous les auteur·trices/illustrateur·trices participions à un spectacle dessiné.
Amandine (cheffe de cérémonie) m’avait proposé un texte court de Miguel Bonnefoy, invité d’honneur en littérature générale, dont le titre était Le peintre… Magnifique texte ! Une découverte…!
J’avais envie de tout illustrer, alors que pour le spectacle je ne devais faire qu’un seul dessin… J’en ai beaucoup discuté avec Miguel. Parler avec lui c’est déjà partir dans un récit, avec des histoires qui s’emboîtent les unes dans les autres comme des poupées gigognes.
Je lui ai proposé d’en faire un album. Ce livre sortira au 1er trimestre 2024 chez Actes Sud Junior !
N’hésitez pas à découvrir ses romans !
Bibliographie sélective de Jérôme Peyrat :
- Jour blanc, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, Père Fouettard (2023).
- Le chien qui couve, illustration d’un texte de Myriam Picard, L’élan vert (2022).
- Grand blanc, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, Père Fouettard (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Les maudits, illustration d’un texte d’Hélène Gloria, A2MIMO (2019).
- La vie rêvée de M. Maniac, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, L’étagère du bas (2019).
- Bertille et Brindille, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, Père Fouettard (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Dans ma montagne, illustration d’un texte de François Aubineau, Père Fouettard (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Bob le zèbre ?, illustration d’un texte de Myriam Picard, Tom Poche (2017).
- Michel et Édouard, illustration d’un texte de Myriam Picard, Père Fouettard (2017).
- J’élève bien mes parents, illustration d’un texte de Myriam Picard, Points de suspension (2016).
- La fosse aux lions, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, Les éditions du Ricochet (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Mon papi peuplier, illustration d’un texte d’Adèle Tariel, Talents Hauts (2015).
- La pluie et le beau temps, illustration d’un texte d’Anne-Claire Lévêque, Les éditions du Ricochet (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Mon gros cahier pour apprendre à lire et à écrire, illustration de textes d’Isabelle Arnaudon et Emmanuelle de la Chanonie, Hatier (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Mon père me manque, illustration de textes de Betty Mamane et David Pouilloux, De La Martinière (2005), que nous avons chroniqué ici.
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Bibliographie sélective de Gilles Baum :
- Georges Géant, album illustré par Amandine Piu, Amaterra (2023).
- Tout noir, album illustré par Amandine Piu, Amaterra (2022).
- Les boîte aux lettres, roman, Amaterra (2022).
- Rue de la peur, album illustré par Amandine Piu, Amaterra (2021).
- Le nombril, album illustré par Sébastien Chebret, Frimousse (2020).
- Fechamos, album illustré par Régis Lejonc, Les Éditions des Éléphants (2020).
- Le secret du clan, album illustré par Thierry Dedieu, HongFei (2020).
- Furio, album illustré par Chiara Armellini, Les éditions des éléphants (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Mon grand-père s’efface, album illustré par Barroux, Albin Michel Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Palmir, album illustré par Amandine Piu, Amaterra (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le piège parfait, album illustré par Matthieu Maudet, Seuil Jeunesse (2017).
- D’entre les ogres, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand incendie, album illustré par Barroux, Les éditions des éléphants (2016).
- Camille est timide, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Pousse Piano ou la symphonie des nouveaux mondes, album illustré par Rémi Saillard, Le Baron Perché (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Série La nature te le rendra, albums illustrés par Thierry Dedieu, GulfStream Éditeur (4 tomes, 2012-2014), que nous avons chroniqué ici et là.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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