Aujourd’hui je vous propose de traverser la Manche et de découvrir le bijou glaçant de Pam Smy Thornhill (âmes sensibles s’abstenir) puis — pour se remettre de ses émotions — de rencontrer Ethel et Ernest un couple d’Anglais très attachant ! Accrochez-vous !
Après la mort de sa mère, Ella emménage avec son père dans une nouvelle maison. À côté, se tient un ancien pensionnat pour jeunes filles — Thornhill — fermé en 1982 à la suite d’un incendie. Un jour, par la fenêtre de sa chambre, Ella aperçoit une silhouette, celle de Mary une jeune fille censée être morte trente ans auparavant… Quels secrets macabres renferme Thornhill ?
Avec Thornhill, Pam Smy propose un ouvrage magnifique… et glaçant ! Mieux vaut prévenir les lecteurs et lectrices tout de suite : point de morale et point de salut dans Thornhill ! L’objet en lui-même est déjà magnifique : un gros livre noir et épais qui nous plonge directement dans une ambiance sombre. Pam Smy nous conte l’histoire de deux jeunes filles : Ella et Mary. L’on suit les trajectoires de ces deux héroïnes conjointement – et c’est là toute la force de l’ouvrage – : pour nous raconter la vie d’Ella, pas de texte mais une succession de dessins — en noir et blanc — très graphiques et stylisés. Pour la vie de Mary, Pam Smy nous fait découvrir son journal intime. L’alternance dessins/écrits renforce le caractère original de l’ouvrage. Au-delà de ces aspects esthétiques, l’histoire est à la fois intrigante… et perturbante il faut bien l’admettre. Car l’autrice-illustratrice nous décrit le quotidien
de deux jeunes filles livrées à elles-mêmes : Ella est souvent seule chez elle, son père travaillant la plupart du temps, quant à Mary elle est orpheline et vit à Thornhill au début des années 1980 où elle se fait martyriser par ses camarades (sans que le personnel éducatif s’en rende compte). Le récit des mésaventures de Mary est très dur, même si la jeune fille parvient à s’échapper et à vivre quelques moments de grâce. La jeune Ella va mener l’enquête, découvrir le journal de Mary et s’identifier à elle. Le dénouement est particulièrement horrible — mais très fort —. Au fond, il faut voir dans Thornhill un véritable roman d’horreur pour adolescent·e·s porté par une ambiance et une esthétique gothique… Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est brillamment réussi !
Un roman d’effroi sans pitié ni morale, terrifiant et brillant ! À lire !
Ethel et Ernest se rencontrent en 1928. Elle est femme de chambre, lui est coursier. C’est tout de suite le coup de foudre. Il et elle vont traverser une partie du siècle et de la Grande Histoire (la Seconde Guerre mondiale, le rationnement d’après-guerre, l’arrivée des travaillistes au pouvoir, mais aussi l’essor de la société de consommation…) avec humour et enchantement !
Avec Ethel et Ernest, Raymond Briggs nous conte la vie de ses parents, deux personnages hauts en couleur ! Cette bande-dessinée nous plonge dans l’Angleterre du début du XXe siècle. L’on suit avec plaisir et gourmandise les tribulations de ces deux héro·ïne·s , drôles et émouvant·e·s. Les réflexions d’Ethel concernant la politique et le monde contemporain sont particulièrement hilarantes… Ces deux-là se chamaillent, mais il et elle s’aiment et sont pris dans le tourbillon de la grande histoire. Il et elle tentent d’inventer leur vie et leur quotidien malgré les déconvenues parfois nombreuses (les destructions successives liées au bombardement, les restrictions alimentaires, les problèmes financiers…). Ethel et Ernest sont des aventurier·ère·s du quotidien, un couple modeste qui tente de « s’adapter » aux transformations du XXe siècle. Avec grâce et douceur, Raymond Briggs nous dresse un portrait éminemment touchant de ce couple (mention spéciale aux réactions d’Ethel lorsqu’elle découvre son fils « avec des cheveux longs » dans les années 1960). Le texte est aussi délicat que le trait de crayon de Raymond Briggs. On sort de cet album ému·e !
Un très beau portrait de couple dans l’Angleterre du XXe siècle. Bouleversant !
Thornhill![]() de Pam Smy (traduit par Julia Kerninon) Le Rouergue 19,90 €, 155×219 mm, 544 pages, imprimé en France, 2019. |
Ethel et Ernest![]() de Raymond Briggs (traduit par Alice Marchand) Grasset 19,90 €, 157×234 mm, 104 pages, imprimé en France, 2019. |

Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.

