Comme l’année dernière, tous les mercredis de juillet et août nous vous proposons de découvrir un métier grâce à deux personnes qui font ce métier-là. Vous découvrirez ainsi ceux qui travaillent autour du livre pour enfants. Après auteur jeunesse, attaché de presse dans une maison d’édition jeunesse, traducteur de livres pour enfants, bibliothécaire jeunesse, éditeur jeunesse, blogueur jeunesse, libraire jeunesse et illustrateur jeunesse, cet été nous vous proposerons d’en savoir plus sur huit autres métiers : la semaine dernière nous vous avons présenté deux personnes qui nous parlent des livres à la radio (Véronique Soulé et Denis Cheissoux), cette semaine nous nous intéressons aux maquettistes. J’ai posé des questions à deux d’entre elles, Pascale Rosier (La joie de lire) et Marie Rébulard (Freelance). Bon mercredi à vous !
Dis c’est quoi ton métier… Pascale Rosier
Quel est votre métier ?
J’ai la chance d’être « graphiste-maquettiste » dans une petite maison d’édition jeunesse, ce qui fait que mon poste a de nombreuses taches diverses et variées.
En quoi consiste-t-il ?
Je m’occupe principalement de toute la ligne graphique des éditions La Joie de lire ainsi que de la communication visuelle (publicité, facebook…). Mais la plus grosse partie de mon travail consiste à réaliser des maquettes de livres sur ordinateur grâce à des logiciels tels Indesign (ou Quark-Xpress pour les dinosaures !…), puis créer un PDF haute définition que j’envoie à l’imprimeur. Au préalable, j’ai dû me charger de faire des demandes de devis, choisir le papier, décider d’un format et d’un nombre de pages, penser à une couverture attractive…
Quelle est la formation ou le parcours nécessaire pour l’exercer, quelle a été le vôtre ?
Après un bac général ES, j’ai suivi une année de mise à niveau en arts appliqués puis un BTS Communication visuelle, option « graphisme, publicité, édition » que j’ai complété par un DUT Métiers du livre. Au cours de ces études, ce sont les différents stages en entreprise (librairies et éditions) qui m’ont permis d’apprendre et qui m’ont donné la possibilité de débuter réellement dans le métier. Rue du monde a su me faire confiance et me donner ma chance, La Joie de lire me permet aujourd’hui de me réaliser complètement depuis plus de 5 ans, maintenant !
– Est-ce que maquettiste est un métier qui s’exerce à plein temps ?
Oui et non. Tout dépend de la charge de travail, de l’organisation de l’entreprise, des contraintes familiales… Actuellement, j’exerce ce métier à 70% (une trentaine d’heures par semaine). Mais c’est souvent la course et le stress pour tenir les délais. La masse de travail dépend aussi de certaines périodes de l’année plus ou moins chargées.
Qui sont vos interlocuteurs ? Les auteurs et les illustrateurs interviennent-ils ?
Comme je m’occupe aussi de la production, j’ai de nombreux interlocuteurs, imprimeurs, scanneurs, transporteurs, diffuseurs… Mais évidemment, les principaux sont les auteurs, illustrateurs et traducteurs, avec lesquels j’entretiens parfois de véritables liens amicaux. En effet, au fil des années, on apprend à se connaître, à s’apprécier, et le travail n’en est que d’autant plus positif. Ainsi, je réfléchis avec eux à une couverture adéquate, un papier approprié ou à ce qui leur ferait plaisir. On regarde les épreuves couleurs, on discute du format le plus adapté. Un travail du texte est aussi réalisé en amont par la directrice éditoriale et un correcteur, des suggestions leur sont proposées, etc. Mais le fichier définitif ne part jamais chez l’imprimeur sans le BAT final des auteurs !
Vous arrive-t-il de devoir demander aux illustrateurs de revoir quelque chose pour coller à la maquette ?
Bien sûr, parfois, il y a une page en trop, ou une qui manque, une image qui est plus faible que les autres. Alors, on en discute, on argumente et hop, en général, il n’y a jamais de problème. Il arrive aussi que je doive retoucher moi-même certaines images, au niveau de la colorimétrie ou bien ajouter des fonds perdus ou tout autres modifications sur Photoshop et illustrator.
Où et comment travaillez-vous ? (Chez vous ? Dans les locaux de la maison d’édition ?)
Je travaille dans les locaux de La Joie de lire, à Genève, derrière mon grand écran d’ordinateur, avec la vue sur une grande terrasse, et beaucoup de pluie et de gris en ce moment ! Mais j’ai aussi la possibilité de travailler chez moi, si jamais je suis coincée.
Comment est calculée votre rémunération ?
Je suis salariée de l’entreprise, et pas free-lance. J’ai donc l’assurance du même gain d’argent chaque mois, malgré les fluctuations de la production !
Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur votre métier ?
Quand je dis aux gens que je suis graphiste dans une maison d’édition, que je « fais » des livres, ils croient systématiquement que c’est moi qui écris et illustre les histoires : « Ah ! Tu dessines alors ?! »
Quels sont les plaisirs à l’exercer ?
La richesse permanente de ce que j’ai sous les yeux : de beaux livres pour enfants ! Mais ce qui est le plus jouissif, c’est vraiment tout ce processus de création, depuis les balbutiements d’une idée jusqu’à la mise en vente en librairie de l’objet final. C’est une véritable naissance à chaque fois. Cette appréhension qu’il existe à chaque fois que j’envoie le fichier définitif chez l’imprimeur, et en même temps cet émerveillement (et cette crainte !) lorsqu’enfin le livre sort des cartons ! Waouh ! Il est là ! Enfin ! Et à chaque fois, c’est pareil.
Et quels sont les mauvais côtés ?
Le stress. Le stress des délais à tenir pour que les livres arrivent à temps pour l’office en librairie. Le stress lié à la production, lorsqu’une erreur se produit ou la déception de voir une coquille dans un livre ou un problème d’impression. Mais le stress, de manière positive, c’est aussi ce qui nous fait tenir et avancer, et qui permet parfois de nous dépasser !
Le site de La joie de lire : http://www.lajoiedelire.ch
Dis c’est quoi ton métier… Marie Rebulard
Sur mon précédent poste j’occupais les fonctions de directrice artistique (DA), graphiste et maquettiste, chez Gulf Stream Éditeur, une maison d’édition jeunesse indépendante nantaise où j’ai travaillé pendant 5 ans.
En quoi consiste-t-il ?
Si je m’arrête aux fonctions de maquettiste qui t’intéressent aujourd’hui, il s’agit de mettre en page sur ordinateur, le texte et l’image et souvent de préparer le fichier pour l’imprimeur. C’est un métier qui dans la chaîne du livre se place souvent entre la direction artistique et le pré-presse ou l’impression. Cependant, il est courant que le maquettiste soit également graphiste ou DA (comme moi) et l’ensemble consiste à donner une forme au livre au livre. On va donc choisir le format, le papier, les types d’illustration, de typographie, de mise en page puis faire en sorte que ces éléments cohabitent harmonieusement.
Quelle est la formation ou le parcours nécessaire pour l’exercer, quels ont étés les vôtres ?
Je profite de ta question et du blog, pour répondre à des questions d’orientation que les stagiaires m’ont souvent posées. Donc, au minimum je dirais qu’il nécessite une formation en PAO (Publication Assistée par Ordinateur). C’est l’occasion d’apprendre, d’une part, des connaissances théoriques, d’autre part, des connaissances techniques. J’engloberais sur le plan théorique : les principes de mise en pages et leurs équilibres, les différentes familles typographiques et les règles liées au texte et à la typo, le cadrage des images et les règles liées à l’impression papier. Sur le plan technique, ce serait l’apprentissage des logiciels de mise en pages, tels In design et Quark X press, le traitement de l’image, communément réalisé dans Photoshop, ainsi que la création d’un document Pdf qui présente une phase de contrôle avant impression. D’après moi des notions en amont du métier de conception/création et en aval de pré-presse/impression, sont un plus dans le bon déroulement de la chaîne. Il existe donc de nombreux organismes ou écoles qui dispensent ce type de formations. Dans les formations liées à la création, on retrouve par exemple les BTS communication visuelle et les écoles d’arts privés (tels ECV et d’autres dont le nom m’échappe). Pour ceux qui s’interrogent sur les écoles des Beaux-arts ou les diplômes universitaires d’arts plastiques, leur objectif est de former des artistes ou des chercheurs. Dans ce cadre, certaines notions mentionnées avant peuvent être inculquées, mais le gros de l’apprentissage se fera sur la motivation de l’étudiant et souvent en autodidacte. Je connais moins les formations liées à l’exécution, mais on peut y retrouver les CAP et BTS d’imprimerie, différentes formations privées axées PAO ainsi que les formations professionnelles. Suite à ces formations, il est possible d’intégrer des niveaux d’études supérieurs avec des spécialités. Quant à moi, après un bac Sti Arts Appliqués, je suis passée par d’autres domaines de la création lors de BTS, Erasmus en Angleterre et fac avant de revenir au graphisme lors d’une Licence professionnelle, Design graphique et métiers de l’édition, à l’université Rennes II.
Est-ce que maquettiste est un métier qui s’exerce à plein temps ?
C’est un métier qui selon les structures peut tout à fait s’exercer à plein temps ou à temps partiel, en interne comme en free-lance.
Qui sont vos interlocuteurs ? Les auteurs et les illustrateurs interviennent-ils ?
Cela dépend encore des structures. A priori, plus elles sont grosses, plus les métiers sont identifiés, moins il y aura d’intermédiaires ; plus elles sont petites, plus les fonctions sont multi-casquette et donc les interlocuteurs nombreux. Le plus courant, je pense se situe entre deux. Pour en revenir à la description dite en haut les interlocuteurs seront au minimum DA et pré-presse, et cela peut s’étendre à éditeurs, DA/graphistes, photograveurs, fabricants, imprimeurs, mais aussi les auteurs, photographes, iconographes ou illustrateurs. Dans mon cas, étant à la fois DA et maquettiste, je suis quotidiennement en relation avec les illustrateurs et plus rarement avec les auteurs. Pour ces derniers leur intervention peut aussi dépendre de leur sensibilité à la maquette ou de leur investissement de manière plus générale sur la forme du livre.
Vous arrive-t-il de devoir demander aux illustrateurs de revoir quelque chose pour coller à la maquette ?
Dans les règles de l’art, on identifie deux étapes dans l’échange avec l’illustrateur. Dans la première étape, l’illustrateur réalise un travail préparatoire (des esquisses), c’est à ce moment là qu’on va se mettre d’accord pour la suite. Ce qui passe par différents essais, de la part de l’illustrateur comme du maquettiste qui prend ici la “casquette” du DA. Une fois validée, la deuxième étape est de réaliser pour les illustrateurs, les images définitives. Dans la pratique il arrive parfois que les maquettes bougent et que l’illustration ne soit plus bien pensée. Alors le maquettiste trouve une solution pour que ça fonctionne, un mouvement de mise en page, une retouche de l’image etc… Cependant, il arrive parfois que rien ne marche et donc que le travail soir refait en partie. Dans tous les cas on fait en sorte que tout le monde soit satisfait.
Où et comment travaillez-vous ? (Chez vous ? Dans les locaux de la maison d’édition ?)
Sur mon précédent poste, je travaillais dans les locaux de la maison d’édition.
Aujourd’hui, je souhaite développer mon activité chez moi.
Comment est calculée votre rémunération ?
En salariat, c’est une négociation traditionnelle entre employeur et employé, il existe naturellement un minimum syndical. En free-lance, il existe une grille tarifaire calculée par heure ou par jour. On peut aussi calculer au nombre de pages. La grille tarifaire varie selon l’aspect du travail plus ou moins exécutif ou créatif.
Quelles sont les qualités requises pour faire ce métier?
En analysant toujours sur la base d’un métier à la fois créatif et exécutif/technique, il requiert pour l’aspect créatif un sens de l’adaptation, une sensibilité à l’harmonie, pour l’aspect exécutif/technique, cela demande de bien connaître tous les outils (logiciels, règles typo, principes d’impression, etc…), une bonne méthodologie, de la rigueur, ainsi que le souci du détail. Une bonne orthographe peut s’avérer utile.
Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur votre métier ?
Je ne crois pas en avoir beaucoup souffert, aussi c’est difficile d’y répondre. Cela pourrait être l’aspect exécutant qui pour certains est considéré comme peu qualifié.
Quels sont les plaisirs à l’exercer ?
La raison première est de travailler sur des supports que l’on aime, le livre.On est comme tu le mentionnais avant, en contact avec les auteurs, les illustrateurs, et bien-sûr les éditeurs et chacun à une analyse, un point de vue sur le projet. En étant à la fois DA, j’ai donc la chance de participer au tout début de la création, de voir émerger une ligne créatrice et de la tenir jusqu’à la fin. On est donc aux premières loges pour apprécier les qualités d’un livre et parfois ses défauts. Après sur le quotidien, j’aime bien jouer avec les contraintes. Par exemple certaines mises en pages ont beaucoup de textes et d’images, doivent être lisibles et claires, alors comment faire pour que tout rentre sans que ça paraisse tassé ou à l’inverse comment équilibrer du vide ? Comment placer du texte sur une belle image sans la détériorer. Comment rendre un texte sérieux ou technique attrayant ? Etc… Et puis on a toujours le nez sur du texte, des lettres or l’apprentissage de la typo est long, on aiguise donc notre regard un peu plus tous les jours.
Et quels sont les mauvais côtés ?
Selon les textes et les chartes graphiques, cela peut devenir facilement rébarbatif, car très automatique. En bout de chaîne, c’est un des postes qui subit le plus les retards et ses pressions liées. Dans sa suite, l’étape du fichier imprimeur et du contrôle du Bon À Tirer, est toujours assez stressante (à l’affût des dernières coquilles).
Est-ce un métier qui évolue ?
Récemment, j’ai participé à une formation pour créer des magazines pour les tablettes numériques. Donc oui là-dessus, spécifiquement cela va évoluer, car la maquette représente le plus gros du travail pour une transformation vers la tablette. Du point de vue du métier j’ai trouvé ça passionnant, du point de vue pour ou contre la tablette, c’est un autre débat.
Le blog de Marie Rébulard (qui, étant à son compte, est ouverte à toutes propositions en maquette ou en direction artistique) : http://rebulardmarie.ultra-book.com
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Encore une fois très intéressant. Vraiment.
En 1999, début d’années 2000 le métier était encore accessible par un Cap agent graphique décorateur, ensuite il suffisait de faire un Bac professionnel communication graphique, et BTS comm dont on parle dans l’article. Mais très vite vers 2003, l’état a mis en place des matières puis une filière graphisme à l’université. La conséquence sur les offres d’emploi, c’est que d’un bac pro ou bts demandé nous sommes passés à Bac+2 ou personne issues des beaux-arts, arts appliqués etc (universitaire). L’anpe en 2002-2003 a offert à une brassée de gens inexpérimentés des formations de 2 mois “graphiste” qui sont arrivés sur le marché pensant être du métier parce qu’ils savaient manipuler Photoshop. Les entreprises se sont vite rendu compte qu’ils ne tenaient pas la route. C’est un métier difficile car peu d’embauche à long terme, être issu d’une grande école de graphisme ou université vous donne encore des possibilité. Mais il y a un nombre très important de graphiste qui sont auto-entrepreneur ou autre, et qui galère beaucoup pour trouver des clients respectueux de notre travail. Les gens s’imaginent trop souvent qu’il suffit de faire quelques clic sur l’ordi pour pondre une affiche ou un logo. Notre métier est étroitement lié à l’artistique, mais l’éducation nationale a tjs privilégiée le scolaire, rationnel plutôt que les compétences et être autodidacte.
très intéressant ! C’est quoi cette grille tarifaire dont parle Marie Rebulard ? Nan, parce qu’on se tue à dire aux nouveaux graphistes freelance que les grilles tarifaires ça n’existe pas, qu’il suffit de calculer son seuil de rentabilité et de le multiplier par le nombre de jours (ou d’heures) travaillés, pour faire son devis. Moi même je travaille en tant que maquettiste pour un éditeur. Je ne me fais pas payer selon un grille mais selon les tarifs qu’on négocie (en fonction de mon seuil de rentabilité) Alors, c’est quoi cette grille mystère ?
Bonjour élisa. Tu as raison de pointer “grille tarifaire” qui est un abus de langage de ma part ! J’entendais par là qu’entre professionnels, on analyse des curseurs pour ne pas être ni trop bas ni trop haut sur le marché. Le tarif peut se calculer à l’heure, à la journée, à la page, ou encore au forfait. Ce tarif est également évalué selon différents paramètres, le seuil de rentabilité en effet, l’aspect davantage exé ou créa, la quantité de travail, sa régularité… et de toutes façons négocié avec le client.
Merci pour ta précision. Et tout est bien qui fini bien 🙂
Merci pour ces interviews. C’est au fil de ces récits que l’on peut voir si un métier peut s’effectuer en freelance ou non. Ici, la réponse est positive. Ce métier donne une indépendance assez large dans la chaîne de métier, ce qui permet à coup sûr de faire le travail n’importe où, même chez soi.
Sans vouloir casser ton enthousiasme, il ne faut pas croire que c’est ‘plus simple d’être freelance que d’être salarié. La concurrence est grande, et trouver des clients suivant ce que l’on propose comme service s’avère compliqué et peu lucratif. Les entreprises connaissent le nombre croissant de graphiste, alors quand on a le choix pourquoi ne pas allez voir le moins cher…