Quatre femmes, fictives ou réelles, au destin exceptionnel.
La mère de Marie était femme de chambre de Madame de Rochecourt. A la mort de celle-ci (Marie avait 3 ans), l’enfant a été recueilli par la famille de Rochecourt. Le temps passe et Marie est maintenant au service de la famille et surtout des enfants. Mais ayant grandi là, avec eux, Marie a appris à lire… et surtout à écrire. Le jour où Pierre Corneille doit venir séjourner au château, la jeune fille de maintenant 13 ans, est heureuse de rencontrer celui qui pour elle est un modèle car oui… la jeune fille se rêve écrivaine.
Ah la plume de Clémentine Beauvais (oui elle était facile celle-là), c’est toujours un grand plaisir de la retrouver. Ici elle nous conte donc l’histoire d’une jeune fille qui va échapper à son destin. Née fille de servante elle se rêve autre chose, elle se bat contre les préjugés (à cette époque une femme qui écrit est très mal vue). Le roman est terriblement bien écrit, alternant texte en prose et théâtre en vers. Clémentine Beauvais adopte ici merveilleusement un style classique, elle utilise des mots de l’époque (expliqués dans un lexique, malheureusement en fin d’ouvrage). C’est un très très bon roman, passionnant de bout en bout (il y a une bonne intrigue) et qui rappelle le contexte historique de l’époque, la façon dont les femmes étaient traitées, par exemple. Clémentine Beauvais est décidément une des plus belles plumes actuelles.
Après une histoire totalement fictive, deux épisodes fictifs de la vie de personnages bien réels.
Indira, jeune indienne, part étudier en Angleterre. Sa gouvernante est inquiète, comment la jeune fille va-t-elle se débrouiller seule dans ce pays inconnu ? Indira va vite rencontrer Owen Baxter, un jeune homme séduisant, qui va lui présenter ses amis… un groupe activiste qui lutte justement contre le colonialisme des anglais dans son pays.
Indira l’indépendante est un (trop) court roman sur un petit passage imaginé (c’est le principe de la collection Héros d’ailleurs) de la vie de celle qui deviendra la première femme premier ministre de l’Inde. Son départ de son pays natal et ses rencontres à Londres. C’est terriblement passionnant et du coup on regrette forcément de ne pas avoir la suite (cela dit il nous suffira de lire une vraie biographie d’Indira Gandhi pour combler cette frustration). Ingrid Chabbert a intégré un petit suspense très agréable, Indira l’indépendante est un livre absolument passionnant.
Golda est une jeune fille qui aime aider les autres. Alors qu’elle était âgée de 10 ans elle a fait une collecte pour acheter des livres pour les enfants pauvres. Ses parents, juifs européens, aimeraient plutôt ne pas se faire remarquer dans le village américain où ils ont décidé d’immigrer. Aujourd’hui, âgée de 13 ans, elle s’est pris d’amitié pour un vieil homme noir (le seul du village) et est bien heureuse de le trouver quand le vieux Feldman l’approche de trop près…
Nicolas Lefrançois raconte ici une histoire fictionnelle de Golda Meir, comme pour le livre précédent. C’est absolument passionnant, très prenant et aussi très dur… Je ne connaissais pas cet auteur mais il sait captiver, émouvoir. Il a une très belle plume. Ici aussi on aura envie d’en savoir plus sur Golda Meir. Au-delà même de la rapide biographie présentée en fin d’ouvrage.
Ces deux ouvrages présentent donc un épisode fictionnel de la jeunesse de personnages ayant existé afin d’éveiller la curiosité du lecteur et l’amener à s’interroger sur la biographie du personnage historique mis en scène. Personnellement je trouve le principe un peu étrange… Pourquoi inventer un passage alors que ces personnes ont eu de vraies vies (et qui ont été relatées à plusieurs reprises). Ces deux livres sont vraiment très bons, bien écrits, mais ils laissent un goût étrange je trouve… Pour un enfant c’est un peu bizarre de lui dire que la personne a vraiment existé… mais pas ce qu’il lit dans le livre… Si jamais il étudie ce personnage à l’école ensuite, que fera-t-il de ce récit ? Après ce n’est peut-être que mon opinion.
On termine avec un personnage réel et de vrais épisodes de sa vie.
Antonia est la quinzième fille de l’impératrice d’Autriche. Plusieurs de ses sœurs ont déjà fait un beau mariage, elle sera, à 14 ans, la femme du dauphin de France et deviendra quelques années plus tard la reine Marie-Antoinette. Tout d’abord effrayée par cette nouvelle vie, puis délaissée par son mari, elle prendra petit à petit de l’assurance et deviendra une femme détestée de son peuple.
Le roman commence par l’exécution de Marie-Antoinette raconté par une femme qui semble en être le témoin. Elle nous contera ensuite la vie exceptionnelle de celle qu’on appellera « L’autrichienne ». C’est un roman passionnant pour les férus d’Histoire, qui grouille de petits détails, d’informations en tous genres que personnellement j’ignorais. Un roman de plus de 200 pages qui se lit très vite grâce à des petits chapitres racontant chacun un évènement, un épisode ou une anecdote de la vie de Marie-Antoinette. Mais je dois avouer que j’ai été dérouté par la « construction » du récit. La femme qui raconte l’histoire parle à Marie-Antoinette, s’adresse à elle directement « vous êtes la quinzième enfant de l’impératrice », « vous apprenez la terrible nouvelle », « c’est votre jour de gloire »,… et je trouve que ça gène un peu pour vraiment rentrer dans l’histoire, en tout cas personnellement ça m’a gêné. Ces passages à la deuxième personne alternent avec des passages à la première personne où Marie-Antoinette raconte elle-même sa vie, ses sentiments, ses peurs, ses troubles, passages que j’ai, personnellement, préféré. En dehors de cette construction peu commune (et qui ne dérangera peut-être pas certains d’entre vous !), c’est un roman captivant, passionnant sur un des personnages les plus connus de notre Histoire, on nous montre ici non seulement le personnage impassible et hautain mais aussi la femme dont la douleur est semblable à celle des autres femmes lors de la perte d’un enfant. Une femme dont la carapace se fendille petit à petit.
Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué plusieurs livres de Clémentine Beauvais (Les petites filles top-modèles, La pouilleuse et On n’a rien vu venir) et d’Ingrid Chabbert (Firmin, Un accordéon sinon rien, La vérité sort toujours de la bouche des enfants, La mémoire aux oiseaux, L’oiseau, Les écharpes de Mamie Berthe, Tonnerre de catch, La fête des deux mamans, Raconte-moi la révolution, Les yeux du parapluie, Sur les quais et Le bateau de Malo). Nous les avons également interviewée toutes les deux, retrouvez notre interview de Clémentine Beauvais et notre interview d’Ingrid Chabbert. Nous avons aussi chroniqué un livre de Nicolas Lefrançois (Makala, la légende des beignets au maïs) et un d’Éric Simard (Le crayon qui voulait voir la lune).
La plume de Marie de Clémentine Beauvais, illustré par Anaïs Bernabé Talents Hauts dans la collection Livres et égaux 8€, 135×180 mm, 120 pages, imprimé en Italie, 2011. |
Indira l’indépendante d’Ingrid Chabbert Zoom éditions dans la collection Héros d’ailleurs 8,90€, 120×170 mm, 72 pages, imprimé en République Tchèque, 2013 |
Golda Meir, de bois et de feu de Nicolas Lefrançois Zoom éditions dans la collection Héros d’ailleurs 8,90€, 120×170 mm, 72 pages, imprimé en République Tchèque, 2013 |
Marie-Antoinette, A fleur de peau de Éric Simard Oskar éditeur dans la collection histoire 9,95€, 115×170 mm, 230 pages, imprimé en Europe, 2013 |
La géniale Kik crée un blog sur les livres pour enfants et la religion. Ça s’appelle Des enfants, des livres et la religion et c’est ici : http://desenfantsdeslivresetlareligion.blogspot.com
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Belle chronique, merci aussi pour ce lien vers le blog de Kik !